Ce matin, Camille a téléchargé l'application Pictever, le sourire à la commissure des lèvres. Elle avait feuilleté le journal, avalé un café brûlant et les trois médicaments qu'elle prenait... [+]
Il pleuvait fort ce jour là. Les gens s'abritaient tant bien que mal sous leurs parapluies, il y avait la foule des grands jours. Au programme, Daniil Trifonov, le jeune prodige russe, devait interpréter le troisième concerto pour piano de Rachmaninov, sous la direction du chef Myung-Whun Chung. A croire que ces gens font exprès d'avoir des noms imprononçables...
Nous avions, ma femme et moi, retenu nos places depuis des mois. Quand j'étais enfant, j'avais mon fauteuil au premier rang, mon père ayant une fonction administrative à l'opéra. J'ai pu voir la musique classique se démocratiser au fil du temps. Les gens venir en jeans, sans veste ni cravate, moi-même à bientôt soixante dix ans, je ne mets plus le nœud papillon qu'à de très rares occasions, comme ce soir là par exemple...
Je me souviens encore de l'ovation faite par le public à l'arrivée du chef et du jeune virtuose. Très vite la magie avait opéré, et j'avais décollé... Il n'y a que la musique et le cinéma qui ont cet effet sur moi.
Durant cette subtile interprétation, chose qui ne m'était encore jamais arrivée, je vis défiler devant mes yeux le visage tout dégoulinant de sueur de Geoffrey Rush... l'acteur principal de Shine !
Ce film australien de Scott Hicks, sorti en 1997, retrace la vie du pianiste David Helfgott, né à Melbourne en 1947 de parents juifs polonais. Inscrit à un cours de piano dès l'âge de cinq ans par un père musicien raté, vite repéré comme élève doué, il part pour le collège royal de Londres en 1966. Il va de succès en succès jusqu'à ce concert donné au Royal Albert Hall, en 1970, durant lequel, interprétant ce troisième concerto de Rachmaninov devant une salle comble, il s'effondre sur le clavier du piano. La pression des concerts et les attentes de son père, avaient eu raison de lui. Il passera plus de dix ans en établissement psychiatrique, sera sauvé par l'amour d'une astrologue et rejouera dans le monde entier. L'interprétation magnifique de Geoffrey Rush lui vaudra de recevoir l'oscar du meilleur acteur pour le rôle.
Bref, je ne savais plus où j'étais, tellement je planais... Aussi je ne fus pas alerté quand mon voisin s'effondra sur mon épaule, ni quand ma femme bascula de son fauteuil la tête la première. Était-il possible que je sois devenu fou comme David Helfgott ?
Je n'entendais plus la musique, je ne voyais plus l'orchestre, les gens couraient, criaient, tombaient. Quand je compris enfin ce qui se passait, qu'on nous tirait dessus à la mitraillette, je me jetais à terre... Mes souvenirs s'arrêtent là !
Aujourd'hui, deux ans jour pour jour après cette effroyable soirée, je n'ai toujours pas retrouvé l'usage de mes jambes, ni la parole, alors j'écris et je tente de comprendre comment ce concerto de Rachmaninov a pu se transformer en concerto de Kalachnikov, avec pour seul point commun, des exécutants aux noms imprononçables.
Nous avions, ma femme et moi, retenu nos places depuis des mois. Quand j'étais enfant, j'avais mon fauteuil au premier rang, mon père ayant une fonction administrative à l'opéra. J'ai pu voir la musique classique se démocratiser au fil du temps. Les gens venir en jeans, sans veste ni cravate, moi-même à bientôt soixante dix ans, je ne mets plus le nœud papillon qu'à de très rares occasions, comme ce soir là par exemple...
Je me souviens encore de l'ovation faite par le public à l'arrivée du chef et du jeune virtuose. Très vite la magie avait opéré, et j'avais décollé... Il n'y a que la musique et le cinéma qui ont cet effet sur moi.
Durant cette subtile interprétation, chose qui ne m'était encore jamais arrivée, je vis défiler devant mes yeux le visage tout dégoulinant de sueur de Geoffrey Rush... l'acteur principal de Shine !
Ce film australien de Scott Hicks, sorti en 1997, retrace la vie du pianiste David Helfgott, né à Melbourne en 1947 de parents juifs polonais. Inscrit à un cours de piano dès l'âge de cinq ans par un père musicien raté, vite repéré comme élève doué, il part pour le collège royal de Londres en 1966. Il va de succès en succès jusqu'à ce concert donné au Royal Albert Hall, en 1970, durant lequel, interprétant ce troisième concerto de Rachmaninov devant une salle comble, il s'effondre sur le clavier du piano. La pression des concerts et les attentes de son père, avaient eu raison de lui. Il passera plus de dix ans en établissement psychiatrique, sera sauvé par l'amour d'une astrologue et rejouera dans le monde entier. L'interprétation magnifique de Geoffrey Rush lui vaudra de recevoir l'oscar du meilleur acteur pour le rôle.
Bref, je ne savais plus où j'étais, tellement je planais... Aussi je ne fus pas alerté quand mon voisin s'effondra sur mon épaule, ni quand ma femme bascula de son fauteuil la tête la première. Était-il possible que je sois devenu fou comme David Helfgott ?
Je n'entendais plus la musique, je ne voyais plus l'orchestre, les gens couraient, criaient, tombaient. Quand je compris enfin ce qui se passait, qu'on nous tirait dessus à la mitraillette, je me jetais à terre... Mes souvenirs s'arrêtent là !
Aujourd'hui, deux ans jour pour jour après cette effroyable soirée, je n'ai toujours pas retrouvé l'usage de mes jambes, ni la parole, alors j'écris et je tente de comprendre comment ce concerto de Rachmaninov a pu se transformer en concerto de Kalachnikov, avec pour seul point commun, des exécutants aux noms imprononçables.
J'en profite pour vous inviter sur mon rocher d'Exil en finale pour le GP du printemps : https://short-edition.com/fr/oeuvre/poetik/lexil-3