C’est pour toi que je cours aujourd’hui. Je n’avais guère envie de venir mais tu ne me laisses pas le choix. Tu n’es pas là pour me voir, aujourd’hui. Tu rates le départ.
Cavalcade... [+]
Réveil en sursaut ! Ma porte était en train de vivre une expérience bruyante et des plus douloureuses : on la frappait, on la cognait au point de de la dégonder ! M’arrachant à grand peine de mon lit, je me levai péniblement et titubai jusqu’à l’entrée. Un bref coup d’œil à travers le judas m’apprit qu’il n’y avait personne de l’autre côté. Mais alors, ces coups qui continuaient de se faire entendre ? Ce devait être dans ma tête... Je n’avais jamais eu une telle gueule de bois.
Mon cerveau se trouvait tout aussi démuni devant ces nombreuses bribes de souvenirs qu’un enfant de trois ans face à un puzzle de mille pièces. Cependant, une image demeurait dont l’alcool n’avait pas réussi à estomper le moindre contour, celle d’une étudiante aux cheveux de feu répondant au doux nom d’Angie. La veille, elle avait couvert ma fuite en expulsant d’un café littéraire le célèbre écrivain Leonid Andreïev dont j’avais, de fil en aiguille, usurpé l’identité. Son geste allait sûrement lui attirer des ennuis, une idée s’imposa donc à moi : me rendre sur le campus, trouver la faculté de lettres et essayer d’offrir quelques paroles apaisantes à ma charmante doctorante.
Une fois sur place, j’errai longtemps dans les couloirs de l’université mais sans parvenir à repérer le moindre reflet roux de la crinière d’Angie. En revanche, je découvris une plaque métallique apposée sur une porte et qui arborait un nom qui m’était familier gravé en belles lettres dorées. Je n’hésitai pas une seconde et entrai sans frapper.
_ Vous !
_ Moi ! répondis-je avec un grand sourire.
_ Comment osez-vous vous présenter devant moi ? Savez-vous seulement à qui vous avez affaire ?
_ Parfaitement.
L’universitaire bondit de son fauteuil au cuir confortable et couinant pour s’avancer vers moi.
_ Vous avez du toupet de revenir ici me narguer après ce que vous m’avez fait et vous allez vous en mordre les doigts.
_ Vraiment ? Êtes-vous certain d’avoir envie que l’opinion publique et surtout littéraire sache que le spécialiste français de l’œuvre de Leoneïev Andrid a été capable de confondre son auteur fétiche ?
_ Malotru ! Vous débarquez dans mon bureau sans y avoir été invité et vous osez me menacer ?
_ Ce n’est pas mon intention, monsieur. C’est à vous que je dois une partie de ma culture littéraire et je conserve toujours de la reconnaissance envers les gens qui me transmettent leur savoir.
_ Que voulez-vous dire ?
Je le gratifiai de mon plus beau sourire, non content de préserver un peu le suspens avant ma petite révélation.
_ Il y a cinq ou six ans, je me trouvais moi aussi sur les bancs de l’université et j’ai suivi un de vos cours magistraux sur Leoneïev Andrid qui commençait à peine alors à se tailler un nom.
_ Un ancien étudiant, vraiment ?
_ Je vous assure ! Regardez-moi bien, c'est le moment ou jamais pour me reconnaître : j'ai pile poil le même type de gueule de bois qu'à l'époque !
_ Alors pourquoi cette mascarade si vous me connaissiez ?
_ Par simple amusement au départ, avant de me rappeler à quel point Leoneïev Andrid me laissait de marbre.
_ Mais de quel droit lui voler la vedette ?
Herlant commençait à m'agacer avec ses questions et à arriver sur un terrain dangereux. Il y avait plus important actuellement que les inimitiés entre écrivains.
_ Peu importe ! J’aimerai pouvoir discuter avec Angie, votre étudiante rousse qui prépare une thèse sur Leoneïev.
_ Angie ? Parlons-en, d’Angie ! Vous l’avez mise dans une situation très embarrassante !
_ J’en suis bien conscient ! Donnez-moi son adresse et je vous laisserai tranquille !
Victor Herlant s’exécuta, consulta son petit ordinateur portable et s’empara de l’une de ses cartes personnelles disposées sur un petit présentoir au coin de son bureau. Il griffonna une adresse sur le bristol avant de me le tendre. Une rapide vérification sur mon téléphone me confirma que l’adresse existait et correspondait à une résidence pour étudiants.
_ Je vous remercie, professeur. Je vous souhaite une bonne journée.
_ Vous ne savez rien ! déclara-t-il alors que je m’apprêtai à refermer la porte derrière moi. Ce n’est pas une petite querelle de rien du tout dans un milieu universitaire. Leoneïev Andrid est loin d'être n’importe qui et il a du monde avec lui, beaucoup de monde. Angie et vous-même êtes dès à présent dans la pire des situations.
_ Vraiment ? Ce n’est pas avec ce genre de paroles en l’air que vous allez m’impressionner.
_ Croyez-moi ! Ce n’est pas un auteur comme les autres, les gens qui le lisent changent peu à peu. Il a su se créer un comité de lecteurs fanatiques prêts à tout pour l’aider. Lui-même est différent de tout ce que vous connaissez : il maîtrise le vrai pouvoir de la littérature !
_ Intéressant... Et s’il n’était pas le seul, monsieur Herlant ? S’il y avait d’autres personnes comme lui voire plus fortes ? Je vous fais une prédiction, Léoneïev Andrid et moi-même confronterons bientôt nos littératures et nous verrons alors qui est digne du statut d'écrivain !
Comme je refermai la porte pour de bon, il me sembla voir le professeur s’affaisser sur son fauteuil comme une poupée de chiffon agacée et inquiète ; je n'aurais su dire qui de mes belles paroles ou de mon haleine encore sensiblement alcoolisée aurait pu en être tenu pour responsable.
Mon cerveau se trouvait tout aussi démuni devant ces nombreuses bribes de souvenirs qu’un enfant de trois ans face à un puzzle de mille pièces. Cependant, une image demeurait dont l’alcool n’avait pas réussi à estomper le moindre contour, celle d’une étudiante aux cheveux de feu répondant au doux nom d’Angie. La veille, elle avait couvert ma fuite en expulsant d’un café littéraire le célèbre écrivain Leonid Andreïev dont j’avais, de fil en aiguille, usurpé l’identité. Son geste allait sûrement lui attirer des ennuis, une idée s’imposa donc à moi : me rendre sur le campus, trouver la faculté de lettres et essayer d’offrir quelques paroles apaisantes à ma charmante doctorante.
Une fois sur place, j’errai longtemps dans les couloirs de l’université mais sans parvenir à repérer le moindre reflet roux de la crinière d’Angie. En revanche, je découvris une plaque métallique apposée sur une porte et qui arborait un nom qui m’était familier gravé en belles lettres dorées. Je n’hésitai pas une seconde et entrai sans frapper.
_ Vous !
_ Moi ! répondis-je avec un grand sourire.
_ Comment osez-vous vous présenter devant moi ? Savez-vous seulement à qui vous avez affaire ?
_ Parfaitement.
L’universitaire bondit de son fauteuil au cuir confortable et couinant pour s’avancer vers moi.
_ Vous avez du toupet de revenir ici me narguer après ce que vous m’avez fait et vous allez vous en mordre les doigts.
_ Vraiment ? Êtes-vous certain d’avoir envie que l’opinion publique et surtout littéraire sache que le spécialiste français de l’œuvre de Leoneïev Andrid a été capable de confondre son auteur fétiche ?
_ Malotru ! Vous débarquez dans mon bureau sans y avoir été invité et vous osez me menacer ?
_ Ce n’est pas mon intention, monsieur. C’est à vous que je dois une partie de ma culture littéraire et je conserve toujours de la reconnaissance envers les gens qui me transmettent leur savoir.
_ Que voulez-vous dire ?
Je le gratifiai de mon plus beau sourire, non content de préserver un peu le suspens avant ma petite révélation.
_ Il y a cinq ou six ans, je me trouvais moi aussi sur les bancs de l’université et j’ai suivi un de vos cours magistraux sur Leoneïev Andrid qui commençait à peine alors à se tailler un nom.
_ Un ancien étudiant, vraiment ?
_ Je vous assure ! Regardez-moi bien, c'est le moment ou jamais pour me reconnaître : j'ai pile poil le même type de gueule de bois qu'à l'époque !
_ Alors pourquoi cette mascarade si vous me connaissiez ?
_ Par simple amusement au départ, avant de me rappeler à quel point Leoneïev Andrid me laissait de marbre.
_ Mais de quel droit lui voler la vedette ?
Herlant commençait à m'agacer avec ses questions et à arriver sur un terrain dangereux. Il y avait plus important actuellement que les inimitiés entre écrivains.
_ Peu importe ! J’aimerai pouvoir discuter avec Angie, votre étudiante rousse qui prépare une thèse sur Leoneïev.
_ Angie ? Parlons-en, d’Angie ! Vous l’avez mise dans une situation très embarrassante !
_ J’en suis bien conscient ! Donnez-moi son adresse et je vous laisserai tranquille !
Victor Herlant s’exécuta, consulta son petit ordinateur portable et s’empara de l’une de ses cartes personnelles disposées sur un petit présentoir au coin de son bureau. Il griffonna une adresse sur le bristol avant de me le tendre. Une rapide vérification sur mon téléphone me confirma que l’adresse existait et correspondait à une résidence pour étudiants.
_ Je vous remercie, professeur. Je vous souhaite une bonne journée.
_ Vous ne savez rien ! déclara-t-il alors que je m’apprêtai à refermer la porte derrière moi. Ce n’est pas une petite querelle de rien du tout dans un milieu universitaire. Leoneïev Andrid est loin d'être n’importe qui et il a du monde avec lui, beaucoup de monde. Angie et vous-même êtes dès à présent dans la pire des situations.
_ Vraiment ? Ce n’est pas avec ce genre de paroles en l’air que vous allez m’impressionner.
_ Croyez-moi ! Ce n’est pas un auteur comme les autres, les gens qui le lisent changent peu à peu. Il a su se créer un comité de lecteurs fanatiques prêts à tout pour l’aider. Lui-même est différent de tout ce que vous connaissez : il maîtrise le vrai pouvoir de la littérature !
_ Intéressant... Et s’il n’était pas le seul, monsieur Herlant ? S’il y avait d’autres personnes comme lui voire plus fortes ? Je vous fais une prédiction, Léoneïev Andrid et moi-même confronterons bientôt nos littératures et nous verrons alors qui est digne du statut d'écrivain !
Comme je refermai la porte pour de bon, il me sembla voir le professeur s’affaisser sur son fauteuil comme une poupée de chiffon agacée et inquiète ; je n'aurais su dire qui de mes belles paroles ou de mon haleine encore sensiblement alcoolisée aurait pu en être tenu pour responsable.
Partie 2 : http://short-edition.com/oeuvre/tres-tres-court/usurpation-chantage-et
Partie 3 : http://short-edition.com/oeuvre/tres-tres-court/un-long-voyage-en-bateau
Vous êtes sur la partie 4
Partie 5 : http://short-edition.com/oeuvre/nouvelles/des-figures-et-du-style
J'ai une nouvelle tragicomique en compétition été, ici : http://short-edition.com/oeuvre/nouvelle/la-societe-fait-un-carton Puisse-t-elle vous donner un agréable moment de lecture !
Bien essayé pour les hypothèses de lecture mais vous verrez qu'il y aura une troisième option :-)
Je passe vous lire !
Partie 2 : http://short-edition.com/oeuvre/tres-tres-court/usurpation-chantage-et
Partie 3 : http://short-edition.com/oeuvre/tres-tres-court/un-long-voyage-en-bateau
Vous êtes sur la partie 4