Et un jour tout est parti en couilles !

Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux.

C'était le jour de son anniversaire. Déjà, cette date comme une gravure sur une pierre tombale était à jamais accrochée à mon cœur. J'avais réussi à la retenir le lendemain même de notre rencontre. Je suis une personne très curieuse. Peut-être un défaut. Mais moi, je trouve que cela est en moi, c'est ma nature en quelque sorte. Comment d'ailleurs oublier cette date ? Elle avait la même résonance que cette journée que l'on se plaît à dédier aux femmes. Oui, ces belles créatures qui savent donner vie, ont le secret d'aimer, ont la clé d'éveiller la fierté d'un amant surtout aveuglé par les potions du dieu Cupidon. Mais... en dépit tout, ces femmes ont aussi cette capacité de tout briser en un claquement de doigts ! Tout s'effondre enfin comme un éboulement...

C'était un jour de 8 mars.

Notre idylle naquit un soir. Les SMS avaient longtemps occupé nos habiles mains. Adolescents, nos vacances à champs libre, nos nuits prises en otage, nous ne dormions pas à ce moment. C'était devenu une habitude à laquelle nous avions donné une certaine sacralité. Nous nous aimions d'un amour presqu'indescriptible.

J'ai dragué ma poupée une nuit alors qu'elle me raccompagnait. Tout s'était passé bien et avec sérénité. J'étais parti chez elle, lui rendre visite. A l'époque, c'était juste une visite amicale entre amis de classe. Nos sentiments peinaient à voir jour. Cette nuit, alors que les étoiles brillaient, la lune se lamentait et le ciel nous observait, je fis simple les choses.

- Si tu n'opposes aucune résistance, dis-je, je repartirai certain de la bonne réponse.

J'approchai mes lèvres et les posai tranquillement sur les gracieuses lèvres qu'elle m'offrait, yeux fermés, tremblotante.

C'était une nuit heureuse pour moi. On devint amants !

Les années passèrent, et notre relation se renforçait ; elle se renforça si fort que je lui proposai de l'épouser. Nous avions déjà transgressé les normes : nous avions consommé nos virginités un soir inoubliable, un jour de 31 décembre ! Elle pensa qu'on était trop jeunes pour prendre cette responsabilité ; aussi, les coutumes nous barraient complètement la route, d'après elle. Dans notre communauté, il est interdit aux concubins de contracter un mariage.

Ne jamais faire aux autres ce que vous n'aimez pas qu'on vous fasse. Ce propos, vous l'avez abondamment entendu. Malgré cet amour que je pensai inébranlable et sincère, je n'hésitais pas à aller voir ailleurs. C'est comme une drogue. Quand on a baisé une fois, notre corps en demande constamment. Les pulsions juvéniles ! Elles sont dangereuses et peuvent même empêcher de se concentrer sur les études. Un moment, j'ai failli tout abandonner...

Mais, il faut dire que j'étais discret, elle ne sut jamais mon infidélité. Je l'aimais et je ne voulais pas la perdre. Elle était, malgré mes quelques maîtresses, au centre de mon bonheur. C'était elle seule que j'aimais énormément. Il m'arrivait de comparer l'amour que j'avais pour elle à celui que je ressentais pour ma mère. Enfin, je me disais que c'était le comble de la folie !

Si j'avais su que c'était cette nuit-là que tout allait partir en couilles, je ne serais jamais parti chez elle pour lui souhaiter joyeux anniversaire, encore moins lui remettre un précieux cadeau. Hélas ! Oh, oui ! Hélas !

Son tuteur, qui est son oncle, était sorti. Je vins à ce moment me confondre avec la nuit qui régnait près des fleurs érigées sous forme de remparts devant leur cour. Je lui envoyai un message. Elle sortit avec hâte. Notre jeu de lèvres eut suffisamment de temps. C'était ensorcelant ! Je lui marmonnai dans les oreilles : « Joyeux anniversaire mon cœur », ensuite je lui donnai son cadeau. Elle mouilla encore mes lèvres pendant longtemps. C'était génial ! On oubliait la notion de temps. Je m'imaginais chez moi, nos deux corps en liaison, savourant le sacré plaisir. Pendant que tout était rose autour de nous, voilà le quinquagénaire qui fit son apparition, dans sa voiture. Il klaxonna et le gardien lui ouvrit le portail. Il ne pouvait pas nous voir dans cette pénombre. Ma dulcinée prit peur. Elle commença à s'inquiéter de l'attitude qu'aurait son oncle dès qu'il aura constaté son absence. Elle me demanda à partir. J'acceptai. Je n'avais pas le choix. Mais elle devait aussi attendre que son oncle ait rejoint sa chambre pour qu'elle rentre à son tour afin de ne pas le croiser et avoir enfin à se justifier. Le tuteur ne s'empressa pas malheureusement. Je profitai donc du moment pour réclamer son téléphone. Je voulais visualiser ses photos. Elle ne me remit pas son appareil mais elle me montra quand même ses photos. Au fond de mon âme, je n'étais pas rassuré. Elle cachait quelque chose. Je me le répétais. Ma curiosité n'en pouvait plus. Je lui arrachai le téléphone et je m'éloignai rapidement. Maintenant hors de portée, mes larmes...

Ses photos, elles défilèrent silencieusement sous mes yeux. Je les aimai. Après, je tombe sur la messagerie. Mes larmes coulèrent en torrents. Elle avait quelqu'un d'autre. Et le pseudonyme qu'elle lui avait donné était : « My Heart ».

Quatre jours étaient passés. Mon appétit était affecté. Mon sommeil était bouleversé. Mes pensées embrouillées. Et dans mon cœur, je ressentais comme une boule de feu. Je n'en pouvais plus. Je pensai à me suicider. Je pris une bonne corde. Je partis derrière la maison, à l'abri des regards, je l'attachai sérieusement à une barre de fer inclinée à partir du toit de la maison. Je pris l'autre bout de la corde et le passai à mon cou. J'allais faire tomber le banc sur lequel j'étais monté et me pendre quand je me souvins de mon ticket de loto. Je jetai un œil à ma montre. Je constatai que dans 10 minutes la télévision allait donner le résultat des numéros gagnants. J'interrompis aussitôt ma mort et me dis : « D'abord, je vais savoir si mon ticket a gagné ».