Il fut un temps où tout territoire où il se rendait était nouveau et merveilleux. Les autochtones étaient toujours ravis de rejoindre la civilisation qu’il représentait, et lui aimait discute... [+]
L’impact des gouttes sur le métal l’assourdit un moment. Trébuchant, il tente vainement de s’éloigner de la source du bruit. Mais le son qui se répercute sur les falaises gris acier au loin lui fait perdre tout repère.
Il ne tarde pas à sentir l’odeur âcre de l’acide. Une odeur si forte, si dangereuse. Une odeur mortelle. Il se rappelle avec nostalgie du temps, pas si lointain, où son répertoire olfactif se limitait au doux parfum de la forêt après la pluie et aux arômes de pêche et, parfois, de fruits des bois.
Non, il ne peut pas se permettre de penser au temps où tout allait bien. Il doit se concentrer sur la seule tâche qui lui permette de revenir à cette époque bénie : survivre.
La Bête pose une patte monstrueuse à quelques centimètres de sa tête. L’onde de choc se propage dans tout son corps. Sonné, haletant, il se force à fuir dans l’autre sens. Bouger, courir toujours. Ne jamais s’arrêter et espérer que la Bête s’épuise et abandonne. Au fond de lui, il sait bien que la première victime de la fatigue ne sera pas la Bête ; mais se laisser mourir est hors de question, alors il reprend sa course.
Tout a commencé un jour plus tôt. Il avait pris la décision de quitter son village, sa famille et sa petite vie tranquille pour se lancer à la découverte d’une nouvelle forêt. Pour prendre son indépendance, tout simplement. Il avait donc sauté le pas. Une décision farfelue qu’il regrette maintenant amèrement.
Un bruit épouvantable le tire de ses pensées. La cascade ! Il fonce droit vers la cascade. Non, il ne faut pas. Il ne sait pas nager. Il va se noyer. Se retourner, partir dans l’autre sens, ne pas réfléchir. Il vire à droite et repart au même rythme. Peu importe la direction, finalement, pourvu que la Bête ne l’écrase pas. Où est-elle d’ailleurs ? Il ne la voit pas. L’odeur d’acide se fait plus forte.
Dès son arrivée dans son nouvel environnement, il avait remarqué des différences. La forêt était sombre et oppressante. La canopée, très basse, ne faisait que rendre le manque de lumière plus tangible. Les arbres étaient noirs, comme brulés. Ils n’avaient pas la belle couleur d’or de la forêt de son enfance. La puanteur qui se dégageait de la terre, trop grasse, était insoutenable. C’est à ce moment-là qu’il avait senti pour la première fois l’horrible odeur qui l’accompagne maintenant partout où il va. Mais, ce qui l’avait le plus marqué, c’était le silence, si prégnant, si angoissant... Où étaient les autochtones ?
Tout à sa course et à ses souvenirs, il ne voit pas la flaque devant lui. Il marche dedans. De l’acide ! Son pied le brûle affreusement. Cette douleur, pourtant, n’est rien comparée à celle qu’il a ressentie quelques heures plus tôt.
Il n’avait pas osé lever la voix pour appeler les habitants de cette étrange contrée. Une soudaine éclaircie l’avait renseigné sur leur sort et lui avait immédiatement fait regretter l’ignorance procurée par l’obscurité. Il venait d’apercevoir les cadavres au sol : ses confrères, leur corps déformé par la souffrance. Des bébés, mort-nés, pendaient des arbres ; leur blancheur enfantine avait viré au gris. Horrifié, suffoquant, il avait eu des difficultés à reprendre sa respiration. C’est à ce moment-là que la première secousse s’était fait ressentir. Suivie de près par une deuxième. Puis, il avait arrêté de compter. Le tremblement de terre l’avait projeté dans cette plaine grise. Lui, qui n’avait jamais connu autre chose que la forêt, s’était senti dangereusement vulnérable. Et la Bête aux jets d’acide était apparue.
Maintenant, il fuit, il court, tous ses sens atrophiés en alerte. La Bête n’est jamais loin. Elle apparaît et disparaît soudainement, ses cinq pattes rosâtres frappant le sol avec une force monumentale. Les jets d’acide fusent. La menace est partout. Son pied blessé l’encombre et le ralentit. Ses autres membres prennent le relais, mais trop tard, la Bête est sur lui.
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« C’est bon, tu l’as eu ! Dis donc, il était drôlement vivace celui-là ! Remue encore la tête, pour voir s’il y en a d’autres qui tombent. Fais attention, voyons ! Reste bien au-dessus de l’évier !!! Comme quoi, l’anti-poux, ça ne suffit pas toujours, hein ?! Pourtant, on en a mis une bonne dose ; tes cheveux gouttent encore ! Ou alors, tu en as choppé des nouveaux ? Argh, je crois que toute la famille va devoir y repasser... Bon, éteins le robinet, tu consommes de l’eau pour rien... Allez, achève-le, il bouge toujours... »
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Il sent une douleur fulgurante lui traverser l’abdomen et perd connaissance.
Il ne tarde pas à sentir l’odeur âcre de l’acide. Une odeur si forte, si dangereuse. Une odeur mortelle. Il se rappelle avec nostalgie du temps, pas si lointain, où son répertoire olfactif se limitait au doux parfum de la forêt après la pluie et aux arômes de pêche et, parfois, de fruits des bois.
Non, il ne peut pas se permettre de penser au temps où tout allait bien. Il doit se concentrer sur la seule tâche qui lui permette de revenir à cette époque bénie : survivre.
La Bête pose une patte monstrueuse à quelques centimètres de sa tête. L’onde de choc se propage dans tout son corps. Sonné, haletant, il se force à fuir dans l’autre sens. Bouger, courir toujours. Ne jamais s’arrêter et espérer que la Bête s’épuise et abandonne. Au fond de lui, il sait bien que la première victime de la fatigue ne sera pas la Bête ; mais se laisser mourir est hors de question, alors il reprend sa course.
Tout a commencé un jour plus tôt. Il avait pris la décision de quitter son village, sa famille et sa petite vie tranquille pour se lancer à la découverte d’une nouvelle forêt. Pour prendre son indépendance, tout simplement. Il avait donc sauté le pas. Une décision farfelue qu’il regrette maintenant amèrement.
Un bruit épouvantable le tire de ses pensées. La cascade ! Il fonce droit vers la cascade. Non, il ne faut pas. Il ne sait pas nager. Il va se noyer. Se retourner, partir dans l’autre sens, ne pas réfléchir. Il vire à droite et repart au même rythme. Peu importe la direction, finalement, pourvu que la Bête ne l’écrase pas. Où est-elle d’ailleurs ? Il ne la voit pas. L’odeur d’acide se fait plus forte.
Dès son arrivée dans son nouvel environnement, il avait remarqué des différences. La forêt était sombre et oppressante. La canopée, très basse, ne faisait que rendre le manque de lumière plus tangible. Les arbres étaient noirs, comme brulés. Ils n’avaient pas la belle couleur d’or de la forêt de son enfance. La puanteur qui se dégageait de la terre, trop grasse, était insoutenable. C’est à ce moment-là qu’il avait senti pour la première fois l’horrible odeur qui l’accompagne maintenant partout où il va. Mais, ce qui l’avait le plus marqué, c’était le silence, si prégnant, si angoissant... Où étaient les autochtones ?
Tout à sa course et à ses souvenirs, il ne voit pas la flaque devant lui. Il marche dedans. De l’acide ! Son pied le brûle affreusement. Cette douleur, pourtant, n’est rien comparée à celle qu’il a ressentie quelques heures plus tôt.
Il n’avait pas osé lever la voix pour appeler les habitants de cette étrange contrée. Une soudaine éclaircie l’avait renseigné sur leur sort et lui avait immédiatement fait regretter l’ignorance procurée par l’obscurité. Il venait d’apercevoir les cadavres au sol : ses confrères, leur corps déformé par la souffrance. Des bébés, mort-nés, pendaient des arbres ; leur blancheur enfantine avait viré au gris. Horrifié, suffoquant, il avait eu des difficultés à reprendre sa respiration. C’est à ce moment-là que la première secousse s’était fait ressentir. Suivie de près par une deuxième. Puis, il avait arrêté de compter. Le tremblement de terre l’avait projeté dans cette plaine grise. Lui, qui n’avait jamais connu autre chose que la forêt, s’était senti dangereusement vulnérable. Et la Bête aux jets d’acide était apparue.
Maintenant, il fuit, il court, tous ses sens atrophiés en alerte. La Bête n’est jamais loin. Elle apparaît et disparaît soudainement, ses cinq pattes rosâtres frappant le sol avec une force monumentale. Les jets d’acide fusent. La menace est partout. Son pied blessé l’encombre et le ralentit. Ses autres membres prennent le relais, mais trop tard, la Bête est sur lui.
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« C’est bon, tu l’as eu ! Dis donc, il était drôlement vivace celui-là ! Remue encore la tête, pour voir s’il y en a d’autres qui tombent. Fais attention, voyons ! Reste bien au-dessus de l’évier !!! Comme quoi, l’anti-poux, ça ne suffit pas toujours, hein ?! Pourtant, on en a mis une bonne dose ; tes cheveux gouttent encore ! Ou alors, tu en as choppé des nouveaux ? Argh, je crois que toute la famille va devoir y repasser... Bon, éteins le robinet, tu consommes de l’eau pour rien... Allez, achève-le, il bouge toujours... »
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Il sent une douleur fulgurante lui traverser l’abdomen et perd connaissance.