Enfer à ciel ouvert

Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut être les deux.
Je me suis vu coincé dans un enfer à ciel ouvert. On m'a plongé dans une marée de déception sans précèdent comme les migrants africains sur le long de l’océan atlantique après la mort précoce du Responsable Suprême de la Révolution de mon pays Gbèkan en 2003.
Il a juste fallut 72 h pour que tout soit bouleversé dans mon pays, l'atmosphère était aussi plus chaude que celle de l'attentat du 11 Septembre 2001 aux États-Unis. Ce fut un vrai calvaire pour ma communauté toute entière.

Moi Kanigbè, j'appartenais certes à la même famille que le Chef décédé suite à une crise cardiaque. Pendant son vivant tout le monde avait peur de notre communauté, car il était considéré comme un Chef providentiel. Mais ce proverbe africain ne dit-il pas « le cadavre n'y peut rien contre la volonté des vivants » ?

Au lendemain du décès de notre Chef Suprême, des hommes armés rusés comme les serpents noirs asiatiques et excités comme les spermatozoïdes jeunes à la recherche d'un ovule ont fait une descente fracassante dans nos concessions en pleine nuit dans les bandes de 3 h du matin, ils avaient pour mission d'arrêter toute la famille biologique du feu Responsable Suprême de la Révolution.

J'avais 16 ans à l'époque, mais la peur coulait en moi comme une rivière dérangée par le vent, le stress me tombait dessus comme les missiles russes sur le territoire syrien, la psychose était aussi grave que celle provoquée par le corona virus en Afrique. La panique était totale, imaginez l’atmosphère de l’hexagone quand notre Dame de Paris a pris feu ! On ressentait les mêmes émotions cette nuit.
Ils ont violé la veuve du Chef Suprême de la Révolution cette nuit, la mort est égoïste sinon, qui pouvait imaginer qu’un être humain pouvait oser s’approcher de la première Dame en plus forte raison l'a violer ?

En réalité la famille du Chef Suprême a subi la pire humiliation, ils ont arrêté plusieurs personnes, maltraité, insulté, humilié et emprisonné tous les frères du Chef Suprême.
Ils ont tiré sur un fils adoptif du Chef Suprême du nom de Sangban qui a succombé à sa blessure de balle la même nuit.

Au lendemain de cette attaque insensée et humaine des hommes armés, ils ont élargi leur sphère de massacre, donc il faut finir avec l’ethnie du feu Président tout en commençant par ses proches et amis.
J’ai perdu ma mère, mes frères et mes sœurs et quelques membres de ma famille. Le Président militaire Halakini d’alors avait une grande part de responsabilité dans le massacre de ma communauté orchestré par sa milice armée jusqu’aux dents et dépourvue de toute sensibilité humaine.

Bien sûr que c’est lui qui a donné l’ordre à ses hommes armés comme les commandos kamikazes de Daesh de massacrer toute ma communauté. Ils ont fait descendre en amont tous les officiers issus de l’ethnie du feu Président. C’est un peu compliqué aujourd’hui d’en parler car le pet échappé des fesses ne se rattrape point.

J’aurais appris qu’ils ont découpé les deux seins de ma maman avant de la décapiter par la machette. Moi Kanigbè, j’ai été moi-même victime de viols horribles et on m’a battue férocement. En plus, je suis séropositive aujourd’hui.

Ma copine Gnamakoro a été attaquée par la machette par un groupe cagoulé. Elle est restée dans le coma pendant dix jours, puis elle a peu à peu repris conscience. Elle a eu un traumatisme crânien. Elle a perdu la vision et elle vit aujourd’hui avec des maux de tête constants et des problèmes psychiques. J’ai essayé moi-même de me suicider à plusieurs reprises, hélas. Je vis en permanence sous l’ombre de cette cruauté de l’armée.

Parfois, j’imagine que je rencontre ma maman dans la rue. Parfois je vois des gens habillés de la même façon que mes frères biologiques assassinés. Je les suis et je leur tape sur l’épaule. Il me semble qu’un jour, j’aurai une bonne surprise quand ils se retourneront.
Je n’ai jamais pu récupérer leurs corps, c’est pour cela que je pense qu’un jour ils reviendront. Un homme armé que je connaissais bien avant la mort de notre Chef Supreme m’a dit que tous les membres de ma famille sont massacrés. Il souriait même. Une autre soirée dans les bandes de 18H , on s’est croisé dans la rue, je cherchais de quoi mangé et il m’a dit ceci : « Tu sais? Ils ont envoyé deux grands pick-up à ton village pour tirer sur tout ce qui bouge » .

Depuis ce jour, la vie ne m’intéresse plus. Avant la mort de ma famille, j’avais toujours peur, maintenant je ne ressens plus rien.
J'étais cachée au crépuscule avec une amie qui s'appelait Nadouba dans un égout ouvert dans les bandes de 20h. Elle était sortit en courant pour chercher quelque chose à manger car elle avait très faim et les milices du Président Halakini l’ont attrapé.
Ils ont bandé sa bouche. Ils l'ont déshabillé systématiquement pour se servir de son intimité feminine. Elle a perdu énormément de sang. On entendait plus son cri du coeur. Après avoir violé la fille innocente de 20 ans, un jeune armé aux yeux rouges comme le sang humain a tiré une balle dans le vagin de la demoiselle.
Quand j’ai sui cela, j'ai crié comme une folle. Je suis sortie moi-même et je leur ai dit: « Tuez-moi aussi je ne veux plus continuer à vivre. » Je voulais vraiment que ces démons armés me tirent dessus plutôt que de mourir d’un coup de machette.

Au lieu de me tuer, ils ont pris mes habits et m’ont jetée dans une fosse commune. Un jeune d'une trentaine d'années s'est approché de la fosse, il m’a sauvé, il m’a emporté dans l’obscurité et il m’a violé, ce qui m’a fait perdre beaucoup de sang.
Il m’a donné à boire et à manger mais seulement pour continuer à me violer. Il m’a dit « Cela n’a pas d’importance, tu vas mourir de toutes façons ». J’ai réussi à me sauver alors que cet homme écervelé était parti poursuivre sa routine meurtrière quotidienne.
J’ai survécu a la barbarie du Président Halakini, je voudrais parfois être morte. Je suis déclarée séropositive et hépatite B.

À dire vrai, j’ai du mal à accepter ma situation actuelle, je ne peux plus fonder une famille. Je ne pourrai plus avoir un mari pour m'aider à cicatriser mes blessures morales. Je dois me suicider. Je ne veux plus continuer à vivre...