Empreinte

Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux... Peut-être mon coeur n'a pas conscience de ce tourbillon d'inconscience.

« Donnez moi le dictionnaire,je vous ferai voir ce qu'il ne vous dit pas». Voulus je dire à haute voix, derrière cette porte qui me séparait de mon destin tragique. Ma sueur coulait et mon coeur se resserrait davantage face à la frustration. Cette nuit s'annonce pénible encore une fois. Sous mon regard impuissant, la rage parcourait les traits de mon visage. J'en avais assez ! Marre des allocutions trop populaire à mon goût. Je ne trouve pas la bonne version adaptée à mon identité pour exprimer ce que je suis. Au fond de moi, j'ai toujours cru en ce que ma mère me disait. Elle qui a toujours eu ce regard fière quant à ses origines. Je pouvais passer des heures à l'écouter nous raconter, à moi et à mes frères, la brillante éducation que lui ont inculqué mes grands-parents. J'imaginais le décor de nos traditions et de notre mode de vie primitif en gardant en tête une magnifique sculpture des valeurs ancestrales. Je devais selon elle, me conformer à mon tour à ces préceptes dans ce monde nouveau et plus moderne. Comment cela peut-il être possible aujourd'hui ? Elle ne s'est pas rendu compte que le monde auquel elle s'attachait s'est évaporé sans lui dire au revoir. Je ne pourrai sans doute jamais lui dire « maman les temps ont changé ». Hélas, je suis trop jeune pour éteindre ses croyances ou du moins, lui faire connaître ma pensée qui ne rejette pas mon origine mais qui n'accepte pas toutes ses formes.


L'heure est de constater que malgré mes efforts, je n'arrive pas à ramener tout ce qu'elle m'a dit à la vie. Je me trouve différente d'elle, différente de ses pensées.

Je ne fais que regarder dans mon âme sans trouver l'expression qui me définit avec fidélité pour répondre à ses offuscations. C'est fou ! L’homme est en quête d’une vérité qu'il ne pourra sans doute jamais toucher du bout des doigts.

Cette pièce me paraissait trop étroite. Je les entendais une énième fois décider de ma fin sans me demander mon avis. J'aimerais consommer ma vie selon mon bon sens. Je pourrai remettre en question les pensées de sagesse des Grands qui m'ont précédé. Remettre en cause l'image que la société me donne. Chacun à sa façon de voir la vie et les éléments qui la définissent. Je suis une jeune fille ou dirai-je plutôt un homme au féminin ! Une amazone qui a pour icône ces femmes légendaires qui ont marqué leur temps. Mais ça, qui le saura ? Personne ne prend le soin de me le demander. Chacun me décrit selon son entendement et chaque jour je fais face au châtiment que m'a offert la nature : un sexe féminin qui me maintient captif du sort. Je ne suis pas libre de mes gestes et les préjugés pleuvent sans cesse. Je cherche une échappatoire, pouvoir rêver, pourvoir peindre ce que je suis intérieurement sans me soucier des critiques et des calomnies jeter à ma face, parler sans que l'on ne comprenne différemment ce dont je projette à travers mes mots. Ma pensée souhaite juste vous faire voir ce qui se cache au dedans de moi. Je veux me décrire sans que ça soit tabou, sans que la société me fasse taire par ses chaînes déjà scellées à mon sujet. Chacun veut un monde meilleur dans lequel ses fantasmes deviennent réels en oubliant que ceux-ci peuvent être en contradiction avec celui d'autrui. Comment la guerre peut-elle se repentir dans ce cas ? Un combat dans lequel on veut prôner nos idéologies au péril du partage. Moi, j'entends mon âme me guider vers une infinie découverte, la découverte de soi : genèse de toute révolte. Mon esprit est mon miroir. Il projette à mon cœur ce que je suis quand je doute, quand j'ai peur, quand les traces de mon empreinte commencent à s'effacer. Je suis anonyme dans les coulisses du monde, personne ne sait ce qui me définit car je n'ai pas eu l'opportunité de le démontrer, de le prouver à la terre sans tomber dans les critiques sociétales. Pourtant, la vie est drôle quand on la voit d'un œil différent. Tout dépend des valeurs qu'on cultive qui nous font voir les choses différemment des autres. Ce que je sais, c'est ce dont je suis persuadée et ça, personne ne pourra me voler cette identité. Je sais, je pense grand et ma mère me le rabâche quand mes yeux se mettent à briller. Elle me dit ma place, celle d'une femme qui éduque, qui nettoie en faisant taire les murmures de sa souffrance. Et moi, je pense qu'éduquer c'est aussi reconnaître lorsqu'on a mal pour panser les défauts. Ne m'en voulez pas parce que j'ose, parce que j'ose comprendre avec un art audacieux. Je produis juste ce que je suis, une jeune femme qui ne cherche pas à ressembler mais à guérir les plaies causés par la méconnaissance de son rôle ici-bas, de sa valeur, de ses capacités et j'en passe. Je crois juste que le spirituel peut se voir avec les yeux physiques, que l'invisible peut être redéfini, que les mots pourraient nous dire une chose autre que celle à laquelle on s'attend.



Je pense à fuire et cette idée me séduit de plus en plus. Fuire sans tourner le regard, fuire la cour familiale pour croire en mes rêves qui me sont interdits. Mon grand frère Racheed me soutient, soutient ma vison, lui qui finit par comprendre que je ne suis pas née pour être esclave du résumé décryptant mon devoir. Je dois m'en aller , partir loin avec un pincement au cœur. Je prierai fort pour que ma mère me pardonne, pardonne mon courage de parler, mon courage d'être juste moi. Je ne peux plus rester dans le silence, ce silence meurtrier qui dévore l'essence de mon existence. N'est-il pas vrai que chaque être humain cherche au fond de lui de l'amour, un amour qu'il souhaite cueillir à chaque saison ? Pourtant le cœur est aveugle dans le sommeil, il n’émet aucun sentiment et ça, personne ne s'en rend compte. Quand j'y repense, repense à cette vie qui m'attend là juste dehors , je ne le supporte pas. Je ne veux en aucun cas être un pot de plus tant que je peux être potier. Je ne veux pas qu'on choisisse à ma place. À ce que je sache les tremblements de terre n'ont jamais empêché la terre de tourner sur elle-même et autour du soleil. Ainsi je suis focus sur mes objectifs avec un mental d'acier, celui de me relever lorsque je tombe, d'apprendre davantage car c'est dans les difficultés que le bonheur puise sa force, une satisfaction d'avoir réussi, surmonté les défis. Je sais que j'ai encore un long chemin devant moi, un chemin qui ne sera pas rose mais je ressens le besoin de tracer ma voie, de cultiver ce désir ardent ; une quête du ''moi'', trouver ma propre marque de fabrique malgré les divergences. Je veux juste qu'elle soit fière, fière d'avoir une fille qui garde au fond de l'esprit une réalité évidente. Qui garde les pieds sur terre en mesurant avec proportion ses actes. J'aimerais répondre à son inquiétude, lui faire savoir que je ne suis pas une égarée. La tentation de passer cette porte pour me défendre devient lourd à porter. Mais je dois le faire. Je sortis avec zèle . Toute la grande famille était au salon le regard choqué de me voir, surtout dans cet état. «Je suis juste issue d'une histoire, celle de la colonisation, un mélange entre le blanc et le noir, un mélange de culture et de croyance. Descendance d'un avenir historique. Cela n'a toujours pas été facile et source de critique. Maintenant je sais, je sais qui je suis. La confusion s'évapore et laisse place à la ferveur de mon instinct. Je suis l'enfant de la culture, le livre de tous les ondes historiques. Je suis le fruit de mes convictions. Je porte la voix d'une myriade de silences, des regards qui n'osent pas avouer leur empreinte...». Il faut croire que mimer la vie n'est pas mon addiction.