Elle s'en va !

« Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. » grommelais-je tout en essuyant des larmes. Depuis des années, ma vie prenait une nouvelle tournure et je me suis plongé dans un autre univers nébuleux où le malheur et la solitude y règnent. Je ne pouvais pas comprendre pourquoi ma vie tombait de Charybde en Scylla. Je ne parvenais à identifier personne, tout est noir. Mon visage crispé décrivait l’énorme tristesse qui m’envahissait.

J’ai toujours rêvé de réussir vite dans ma vie pour rendre fier ma grand-mère. Et pour cela, je devais lâcher du lest pour y parvenir. Chaque jour, je passais d’abord dans la chambre de ma grand-mère pour s’enquérir de son état de santé et aussi recueillir quelques bénédictions avant de rejoindre l’école. Absa Diakhaté était le nom complet de ma grand-mère du coté de mon père Issa. Le prénom est derivé du nom Aoussa d’origine bambara au Mali ; son nom « Diakhaté » en est une parfaite illustration de la provenance ethnique de ce nom. J’avais une complicité ahurissante avec elle ; on s’entendait bien.
J’avais un amour fou envers ma grand-mère. Un jour, je discutai avec elle et je lui dévastai tous mes souhaits envers elle ; cette dernière me regarda pendant une bonne minute et rétorqua « Lass! Lass ! tu seras une personne très respectée dans ce monde et tu feras partie parmi les élites. Je ne te quitterai jamais. Sache que je serai toujours à tes cotés quelle que soit la situation ». Ces mots me plongèrent dans un saisissement inexplicable provoquant des larmoiements. Très vite je commençai à penser le jour où ma grand-mère ne sera plus à ses côtés.

Soudain, des chimères spirales s’enroulèrent dans mon esprit ; plus loin je commençai à pressentir l’annonce d’une mauvaise nouvelle. Ces images me privèrent d’un profond sommeil. Je n’arrivai plus à dormir correctement. Dans la nuit du jeudi, je fis un cauchemar très bizarre. En réalité ce n’était pas un cauchemar mais un rêve prémonitoire. Vendredi, tôt le matin, je laissais pour la première fois une coutume que j’avais l’habitude de faire ; passer dans la chambre de ma grand-mère avant de rejoindre l’école. Je quittais directement ma demeure sans prendre mon petit déjeuner et sans saluer ma grand-mère. Ce jour-là, le ciel était tout noir et j’avais un visage triste comme le ciel noir. Sur le chemin de l’école, je n’arrivai plus à reconnaître l’azimut de l’école ; toutes les voies qui menèrent vers l’école, devinrent rapidement très étrange. En classe, je ne parvins pas à suivre les explications de mon imminent maître  ; je fus absent et déconnecté complètement du monde. Un de mes camarades de classe Fallou me regarda et me demanda :
- Fallou : Qu’est-ce qu’il y’a exactement Lassana ?
J’avais des yeux remplis de sanglots. Sur le coup je les versais ; en réalité je ne pouvais pas les retenir. Mon camarade de classe Fallou me consola et me demanda dans la foulée la même question et persista :
-Moi : Je ne sais pas
-Fallou : Pourquoi tu pleures ? Tu es malade ?
-Moi : Non ! je ne suis pas malade ; mais je sens que mon corps est moite.
En réalité, je ne savais pas ce qui m’arrivais subitement ce jour-là. J’étais complètement abattu. Tout était flou, tout était noir. Avais-je pressenti une nouvelle désastreuse ? Étais-je en train de me séparer d’être cher ? Déjà une chape de plomb !

A mon retour à la maison, j’apercevais une immense foule ; j’étais ahuri et inquiet. Je ne comprends pas le silence étrange de cette foule et certaines personnes versèrent des larmes. Dans la foulée, mes idées s’envolèrent emportées par ce silence assourdissant. J’ai essayé de faire du verbiage mais j’ai eu peur car tout était calme. Étonné, je ne voulais pas deviner ni interpréter le silence de cette foule. Rapidement, je forçai de me remettre et je m’égosillai dans l’air avec un ton très triste : Pouvez-vous m’expliquer ce qui se passe ici ? Pourquoi ce silence étrange ? Pourquoi toutes ces personnes ici ? Qu’est ce qui se passe ? Je répétai deux fois ces interrogations. Ainsi un homme d’une quarantaine d’année me retira de la foule et m’exposa ou annonça la mauvaise nouvelle. Je restai muet et fixai l’annonciateur cinq minutes sans mâcher un seul mot. J’avais le sentiment que le monde se déroba sous mes pieds et que le ciel tombait sur ma tête. La nouvelle m’avait mis dans une situation inexplicable ; mon corps devenait encore très moite. Tout à coup, je levai ma tête vers l’azur pour demander au créateur absolu si ce que je vins d’entendre, fut réellement avérée. Le silence s’était vite transformé à des hurlements çà et là ; ces cris m’avaient terrifié. Je murmurai ainsi : Elle ne peut pas me quitter. Je l’avais promis une chose et elle m’avait promis aussi qu’elle restera toujours à mes côtés. Sur la même lancée, je m’acclame « j’ai perdu mon point focal, mon repère, ma conseillère, ma confidente bref j’ai perdu le point central de ma vie. Mes rêves sont brisés, je n’ai plus envie de continuer cette vie inassouvie » grommelais-je avec une voix complètement abattue.

Ma grand-mère n’est plus me plongeant dans un état pitoyable. J’étais complètement tourmenté par cette tragédie ; je ne ressentais plus le gout de vivre. Je n’avais pas cru que Dieu allait me séparer de ma grand-mère si brusquement. Hélas ! Dieu m’avait piqué un être cher dans ma vie. C’était à ce jour-là que j’ai compris la douleur et le chagrin d’avoir perdu une personne très importante. Je voulais être avec elle durant toute ma vie. Hélas ! elle s’en va.
Ma vie était bordée de vison onirique. Je voulais extorquer cette rixe de la vie pour assouvir ma grand-mère. Navré ! elle s’en va emportant mes rêves ; un rêve dévié vers une vie inassouvie. Je perds l’azimut de ma vie et je me plonge dans un monde ténébreux où il existe que des hommes noirs et malheureux. Je dois lâcher du lest pour vivre actuellement dans ce monde.

La vie est une mayonnaise entre l’inassouvie et l’assouvie, il faut toujours apprendre à surmonter les périodes douloureuses et passer à une autre étape. On a toujours été dans un moment sinistre marqué par le départ d’un être cher. De l’autre côté, on a tendance à dire que le monde n’a pas de fin puisque les personnes importantes ne nous quittent jamais. Elles sont toujours à nos côtés pour nous guider et nous montrer la voie. Les morts sont parmi nous ; elles ne sont pas mortes.

Je dois apprendre à vivre sans la présence de Absa Diakhaté à mes côtés pour toujours. Elle est partie avec mes rêves ; ces derniers sont brisés. Certes elle continuera à m’accompagner mais je ne vais plus la revoir pour lui dire : Grand-mère, je t’aime !

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