Effleuré par elle

Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. Je ne vois rien, je n’entends rien je ne sens absolument rien, tout ce qui m’entoure c’est le vide. Un vide tellement profond que je n’arrive même pas à me souvenir de quel est mon nom, avec qui j’étais, qu’est-ce que je faisais avant d’arriver là ? Rien, je ne me souviens de rien ; tout ce que je sentais c’est une grande vacuité : le néant. C’est donc ça, c’est donc cela que l’on appelle « la quiétude éternelle ».

« Alors c’est ce que tout le monde ressent quand il trépasse », cette pensée me remplit d’une profonde tristesse ; savoir que la mort est un vaste océan de “rien du tout“ et que tous les défunts doivent baigner dans cette eau vide. Cependant, une énorme frayeur vient chasser toute cette tristesse, car je me rendais compte que ma fin sur Terre était arrivée et que je resterai pour l’éternité dans le néant.

Toutefois ; si la mort est un repos éternel selon les textes bibliques, il est impossible que je manifeste encore ces sentiments futiles et humains même dans le sommeil éternel. C’est alors que plusieurs pensées se bousculent dans ma tête « je ne veux pas mourir, je ne suis pas encore prêt, je n’ai encore rien accompli, je dois me réveiller ». D’un seul coup je sens comme, quelque chose qui me propulse et au fur à mesure que je monte j’entrevoie une lumière qui est de plus en plus intense ensuite tout devient encore noir.

Suis-je dans le noir ? Ai-je les yeux fermés ? Ou peut-être les deux. J’entends des voix et des petits bruits, je ressens des douleurs musculaires et je sens mes poumons se remplir d’air. J’ouvre délicatement mes yeux et je vois la lumière d’une ampoule briller au-dessus de moi. Lorsque je regarde à ma gauche, je vois ma main sous une perfusion, je suis couché sur un lit aux draps blancs et mes souvenirs me reviennent. J’ai survécu à un accident de circulation.

Mes amis et moi nous rentrions d’un voyage, nous discutions de tout et de rien quand soudain en plein axe lourd une voiture fit un mauvais dépassement et manqua de nous percuter de peu. En essayant de l’esquiver, notre conducteur perdit le contrôle de la voiture et fit un tonneau. L’autre voiture quant à elle, est sortie de la voie et a fini sa course sur un arbre. Plusieurs personnes vinrent à notre secours, je réussis à m’en sortir avec de sérieuses blessures sur le corps mais quand je vis mon ami sans vie gisant sur le sol, le choc émotionnel m’acheva et m’amena dans un coma profond.

Je me rends alors compte à quel point la vie de l’homme ne tient qu’à un fil. La mort est notre compagne quotidienne sans jamais être notre amie, elle peut nous faucher à tout moment. La vie de l’homme ressemble à un battement de cil, elle est tellement éphémère. En un laps de temps très court l’homme nait, vit et meurt. Ce clin d’œil qu’est la vie est tellement bref qu’il faut la vivre au maximum, faire ce qui est juste le plus possible, aider ce qui sont dans le besoin et surtout ne jamais remettre au lendemain ce qui peut être fait à l’instant. Pour que ; lorsque la mort décide de nous emporter, que nous n’ayons aucun regret. Et il a fallu que je me fasse effleurer par elle pour comprendre cela.

Je regarde du côté droit et je vois mon père, assis près de moi, il est endormi. Mon père et moi on a toujours eu une relation spéciale j’avais du mal à le comprendre et c’est surement pour cela que j’ai pris la décision de voyager sans sa bénédiction. Lui et moi, nous n’avons jamais eu des moments de joie des moments père fils bien qu’il reste mon seul parent encore en vie. J’ai toujours pensé qu’il me déteste parce que j’ai pris la vie de sa bienaimée en venant au monde. Mais malgré ça, je cherche tant bien que mal à toucher sa main posée sur mon lit. Je réussis enfin à attraper sa main et il se réveille en sursaut ; il veut se lever, surement pour appeler l'infirmière. Alors je serre sa main fort pour le retenir, j’essaie d’ouvrir la bouche pour parler mais je n’arrive à produire aucun son. Je maudis de ce fait, l’appareil respiratoire qui est dans ma bouche et qui m’empêche de parler. Je veux lui dire, je veux tant lui dire que « papa je t’aime malgré tout ». En me voyant faire tous ces débats, mon père se rassoie, attrape ma main avec ses deux mains, me regarde pleurer un instant et me dit « moi aussi je t’aime fiston »...