Je n'ai pas besoin de bagage pour la route.
J'aimerais, le pas léger, chaussures au vent, manger les horizons,
Dévorer des... [+]
Lorsqu’enfin, par une sombre journée de mars, le Père Nicholas Nordeleau eut mis la dernière main à sa machine, il fut évidemment saisi d’un sentiment d’exaltation qui n’avait pas eu d’égal dans sa vie. L’accomplissement était tel qu’il fût même pris d’un vertige qui l’obligea à s’asseoir, jambes surélevées par un dossier de chaise, jusqu’à ce que les étoiles blanches et pétillantes qui lui obstruaient la vue eussent disparus.
On ne peut que le comprendre. Cette machine, pour peu qu’elle fonctionne, serait la plus incroyable des avancées en matière de prières depuis l’aube du christianisme.
Pour parler tout à fait prosaïquement, c’était une machine à appeler Dieu. Un téléphone en prise directe avec le tout puissant. L’équivalent spirituel du texto à un ami. Bien entendu, s’il avait dû s’en expliquer, le Père Nicholas l’aurait fait en d’autres termes, bien moins accessibles au commun des mortel. Physicien de haute volée, il avait fait ses premières armes dans les institutions les plus réputées de la recherche quantique et il lui arrivait lui-même de n’être pas tout à fait sûr de comprendre vraiment ses propres théories.
Quoiqu’il en soit, l’analyse approfondie des textes sacrés et moins sacrés qui décrivaient depuis toujours les trop rares rencontres avec le très haut, avait ancré en lui l’intuition qu’il était possible (et donc parfaitement indispensable) de se connecter directement avec celui-ci pour peu que l’on en réunisse les conditions techniques. La simple spiritualité, cette foi du charbonnier qui l’avait animé pendant ses sept années d’études théologiques, en avait pris un petit coup dans l’aile au passage, c’est vrai. Et l’entité qu’il avait aujourd’hui la possibilité de contacter relevait plutôt de la créature quantique pan-dimensionnelle que du grand barbu au regard sévère qui ornait les plafonds de la Sixtine. Mais baste, à cheval donné, on ne regarde pas les dents...
Il ne s’agissait d’ailleurs pas tant de contacter que d’ouvrir un champs vibratoire particulier dont les variations potentielles permettaient un nombre de rebond par zeptoseconde suffisant pour qu’un signal soit lancé dans les différentes dimensions, dont l’une, il en était sûr, serait celle de l’entité qui était apparue à de multiples reprises aux plus chanceux des humains.
La difficulté résidait donc plutôt dans les conditions à réunir que dans l’application des théories. Cela ressemblait à s’y méprendre à quelques recettes proto-chimiques dont les alchimistes du moyen-âge n’étaient jamais parvenus à réunir tous les ingrédients.
L’essentiel, avait compris le bon Père, était d’ordre naturel. La qualité de vibration nécessaire à l’accomplissement de son expérience ne pouvait se trouver dans certaines circonstances, certes tout à fait exceptionnelles, mais que la nature avait réunies à plusieurs reprises au cours de l’histoire. Après tout, si six cent milles singes tapant pendant six cent mille ans sur six cent mille claviers finissent toujours par écrire une pièce de Shakespeare, pourquoi la nature et ses trillions d’années ne suffirait-elle pas à produire d’elle-même le champ vibratoire recherché ?
Le Père Nicholas fouilla donc les atlas, décortiqua les analyses des sondes terrestres et maritimes, fouilla les archives des études satellitaires et ne trouva... rien. Rien qui fût encore dans son état d’origine. Rien qui puisse correspondre à l’existence première des sites historiques et préhistoriques qui avaient connu ce type d’apparition. De Stonehenge aux îles de Pâques, nulle-part la nature n’avait conservé sa capacité vibratoire d’origine.
Puis l’idée lui vint. Presque brutalement. L’obligeant à descendre de la trottinette électrique qu’il avait empruntée pour visiter plus aisément les reliques les plus sacrées de la capitale française. Il songeait alors à l’abandon, sachant que le monde des hommes avait sans doute détruit toutes les forêts primaires de la planète ou les avait suffisamment dégradées pour qu’elles en aient perdu les qualités nécessaires.
Sauf une.
Une forêt primaire.
Une forêt de chênes si anciens qu’ils avaient vu le 9ème siècle !
Une forêt qui était là, à portée de sa main pour ainsi dire ! Une forêt figée dans le temps et porteuse qui plus est d’un caractère sacré intact depuis des centaines d’années. Un lieu idéal. Un endroit préservé par la foi des fidèles et transcendé par le bruissement constant des prières. Un endroit qu’il pouvait, avec son invention, transformer en antenne, en porte-voix, en haut-parleur de ses désirs.
Il se mit au travail immédiatement.
Tout ne fut pas simple, un lieu préservé est un lieu protégé, mais sa qualité d’ecclésiastique et sa réputation de scientifique lui ouvrirent les portes qui seraient restées fermées à tout autre que lui.
Le 15 avril 2019, tout était prêt.
Le Père Nicholas n’ignorait qu’une chose : comment l’entité le contacterait-elle ? Pourrait-il saisir le moindre élément de ce qu’elle allait dire ? Dirait-elle d’ailleurs ? N’allait-elle pas plutôt l’englober dans une capacité à traverser les dimensions qui le laisserait incapable de la moindre compréhension ?
Sa machine, l’équivalent complexifié d’une boîte à rythme si nous devions la décrire à un enfant du siècle, se mit en marche vers 16h45. Elle fonctionna à peu près cinq minutes pendant lesquelles le Père Nicholas sentit naître en lui une légère inquiétude. Puis l’inquiétude se fit angoisse et panique enfin lorsqu’il prit conscience que les apparitions les plus spectaculaires de l’entité avaient toujours été décrite comme le feu de Dieu.
A 16h50, un touriste allemand criait à l’incendie depuis le parvis de Notre Dame.
On ne peut que le comprendre. Cette machine, pour peu qu’elle fonctionne, serait la plus incroyable des avancées en matière de prières depuis l’aube du christianisme.
Pour parler tout à fait prosaïquement, c’était une machine à appeler Dieu. Un téléphone en prise directe avec le tout puissant. L’équivalent spirituel du texto à un ami. Bien entendu, s’il avait dû s’en expliquer, le Père Nicholas l’aurait fait en d’autres termes, bien moins accessibles au commun des mortel. Physicien de haute volée, il avait fait ses premières armes dans les institutions les plus réputées de la recherche quantique et il lui arrivait lui-même de n’être pas tout à fait sûr de comprendre vraiment ses propres théories.
Quoiqu’il en soit, l’analyse approfondie des textes sacrés et moins sacrés qui décrivaient depuis toujours les trop rares rencontres avec le très haut, avait ancré en lui l’intuition qu’il était possible (et donc parfaitement indispensable) de se connecter directement avec celui-ci pour peu que l’on en réunisse les conditions techniques. La simple spiritualité, cette foi du charbonnier qui l’avait animé pendant ses sept années d’études théologiques, en avait pris un petit coup dans l’aile au passage, c’est vrai. Et l’entité qu’il avait aujourd’hui la possibilité de contacter relevait plutôt de la créature quantique pan-dimensionnelle que du grand barbu au regard sévère qui ornait les plafonds de la Sixtine. Mais baste, à cheval donné, on ne regarde pas les dents...
Il ne s’agissait d’ailleurs pas tant de contacter que d’ouvrir un champs vibratoire particulier dont les variations potentielles permettaient un nombre de rebond par zeptoseconde suffisant pour qu’un signal soit lancé dans les différentes dimensions, dont l’une, il en était sûr, serait celle de l’entité qui était apparue à de multiples reprises aux plus chanceux des humains.
La difficulté résidait donc plutôt dans les conditions à réunir que dans l’application des théories. Cela ressemblait à s’y méprendre à quelques recettes proto-chimiques dont les alchimistes du moyen-âge n’étaient jamais parvenus à réunir tous les ingrédients.
L’essentiel, avait compris le bon Père, était d’ordre naturel. La qualité de vibration nécessaire à l’accomplissement de son expérience ne pouvait se trouver dans certaines circonstances, certes tout à fait exceptionnelles, mais que la nature avait réunies à plusieurs reprises au cours de l’histoire. Après tout, si six cent milles singes tapant pendant six cent mille ans sur six cent mille claviers finissent toujours par écrire une pièce de Shakespeare, pourquoi la nature et ses trillions d’années ne suffirait-elle pas à produire d’elle-même le champ vibratoire recherché ?
Le Père Nicholas fouilla donc les atlas, décortiqua les analyses des sondes terrestres et maritimes, fouilla les archives des études satellitaires et ne trouva... rien. Rien qui fût encore dans son état d’origine. Rien qui puisse correspondre à l’existence première des sites historiques et préhistoriques qui avaient connu ce type d’apparition. De Stonehenge aux îles de Pâques, nulle-part la nature n’avait conservé sa capacité vibratoire d’origine.
Puis l’idée lui vint. Presque brutalement. L’obligeant à descendre de la trottinette électrique qu’il avait empruntée pour visiter plus aisément les reliques les plus sacrées de la capitale française. Il songeait alors à l’abandon, sachant que le monde des hommes avait sans doute détruit toutes les forêts primaires de la planète ou les avait suffisamment dégradées pour qu’elles en aient perdu les qualités nécessaires.
Sauf une.
Une forêt primaire.
Une forêt de chênes si anciens qu’ils avaient vu le 9ème siècle !
Une forêt qui était là, à portée de sa main pour ainsi dire ! Une forêt figée dans le temps et porteuse qui plus est d’un caractère sacré intact depuis des centaines d’années. Un lieu idéal. Un endroit préservé par la foi des fidèles et transcendé par le bruissement constant des prières. Un endroit qu’il pouvait, avec son invention, transformer en antenne, en porte-voix, en haut-parleur de ses désirs.
Il se mit au travail immédiatement.
Tout ne fut pas simple, un lieu préservé est un lieu protégé, mais sa qualité d’ecclésiastique et sa réputation de scientifique lui ouvrirent les portes qui seraient restées fermées à tout autre que lui.
Le 15 avril 2019, tout était prêt.
Le Père Nicholas n’ignorait qu’une chose : comment l’entité le contacterait-elle ? Pourrait-il saisir le moindre élément de ce qu’elle allait dire ? Dirait-elle d’ailleurs ? N’allait-elle pas plutôt l’englober dans une capacité à traverser les dimensions qui le laisserait incapable de la moindre compréhension ?
Sa machine, l’équivalent complexifié d’une boîte à rythme si nous devions la décrire à un enfant du siècle, se mit en marche vers 16h45. Elle fonctionna à peu près cinq minutes pendant lesquelles le Père Nicholas sentit naître en lui une légère inquiétude. Puis l’inquiétude se fit angoisse et panique enfin lorsqu’il prit conscience que les apparitions les plus spectaculaires de l’entité avaient toujours été décrite comme le feu de Dieu.
A 16h50, un touriste allemand criait à l’incendie depuis le parvis de Notre Dame.
Je vous invite à lire mon spectacle nocturne si vous avez un peu de temps : https://short-edition.com/fr/oeuvre/poetik/spectacle-nocture
Bonne journée à vous !
Bravo !
En lice pour le prix Isère :https://short-edition.com/fr/oeuvre/poetik/rimes-en-al