J’ai bien fait de quitter ma chambre de bonne ! Avec ce beau soleil, quel dommage de rester enfermée. L’air est si doux qu’on en mangerait et le vin rosé m’a délié juste ce qu’il... [+]
De jais, sa chevelure...
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Il prit place dans un fauteuil directoire, de shantung bleu recouvert, et rejoignit Lucie dans ses pensées.
C’était un jour de mai. Chez l’oncle Victor.
Une tendre clarté filtrait des rideaux de macramé, tricotant sur l’épaule de la jeune fille un lacis lumineux. Le profil de Lucie, net et bien dessiné, sous l’épaisse chevelure de jais retenue en chignon sur la nuque, calmait ses tensions encore bien présentes malgré les trois jours de permission l’éloignant du dernier conflit naval. Il officiait alors comme Enseigne de Vaisseau de 1ère classe aux larges des côtes anglaises. Le sifflement des obus éclatant dans les eaux noires, l’avait ébranlé dans son corps, dans son âme. La rage de la mer battait encore dans ses veines.
De jais, sa chevelure l’apaisait...
Ils se connaissaient encore si peu et s’inventaient de fausses diversions pour mieux s’observer. Une inclinaison furtive se faufilait...
La guerre n’avait pas mis fin à cette amitié naissante et un peu distraite...
Un jour de mai, joli mois de mai, il était parti là-bas ; si loin d’elle.
La rade de Saïgon s’alanguissait, lascive. Une toile orientaliste... Il changeait de monde... Blanches élégantes européennes au bras de leurs époux, riches planteurs d’hévéas, déambulaient à travers les pousse-pousses tirés par des coolies aux jambes si maigres ; lever de rideau sur un monde d’ailleurs ! Éblouissant et sereinement agressif par sa beauté calme et cruelle... un monde de soumis tenu par des colons dominants qui portaient haut leur superbe... et l’exubérance exotique de la forêt sauvage, vierge, libre...
Il éprouvait du chagrin pour ces autochtones asservis aux coiffes en pagode.
La moiteur du climat l’avait surpris alors qu’il arpentait avec ses confrères de la Royale la rue Catinat. Les tamariniers frémissaient sous l’air pesant, humide.
Les contrastes l’accablaient... cette terre lumineuse, les populations asiatiques assujetties aux fièvres, paludisme, pluies de mousson et au rendement des arbres à caoutchouc...
Le profil de Lucie s’imprimait en filigrane sous les images exotiques...
Ses lourds cheveux de jais apaisaient ses tensions. Le charme envoutant du pays n’avait rien effacé...
Si loin d’elle, si proche...
La guerre. La marine. Son destin, parmi tant d’autres... et Lucie, son ange pacificateur...
De jais sa chevelure...
Quelques années plus tard... les brumes de l’Atlantique au large de Brest ; la houle puissante, le blizzard entrecoupé d’obus qui percutent la mer débridée sculptant des colonnes d’eau monumentales. Dans l’enfer, le profil de Lucie s’invitait, serein... des répits apaisants.
Lorsque la torpille frappa par bâbord, une brèche béante s’ouvrit dans la coque du croiseur cuirassé. Il ne put rejoindre les baleinières de tribord. Vingt minutes plus tard, le bâtiment s’engloutissait dans les eaux sombres par la proue.
Si loin, Lucie frissonnât.
De jais, sa chevelure nouée sur la nuque, se mêla au désespoir ultime du Lieutenant Henri Joubert-Valladieu qui perdait son corps pour la Patrie.
Son âme désunie s’échappa vers Lucie...
C’était un jour de mai. Chez l’oncle Victor.
Une tendre clarté filtrait des rideaux de macramé, tricotant sur l’épaule de la jeune fille un lacis lumineux. Le profil de Lucie, net et bien dessiné, sous l’épaisse chevelure de jais retenue en chignon sur la nuque, calmait ses tensions encore bien présentes malgré les trois jours de permission l’éloignant du dernier conflit naval. Il officiait alors comme Enseigne de Vaisseau de 1ère classe aux larges des côtes anglaises. Le sifflement des obus éclatant dans les eaux noires, l’avait ébranlé dans son corps, dans son âme. La rage de la mer battait encore dans ses veines.
De jais, sa chevelure l’apaisait...
Ils se connaissaient encore si peu et s’inventaient de fausses diversions pour mieux s’observer. Une inclinaison furtive se faufilait...
La guerre n’avait pas mis fin à cette amitié naissante et un peu distraite...
Un jour de mai, joli mois de mai, il était parti là-bas ; si loin d’elle.
La rade de Saïgon s’alanguissait, lascive. Une toile orientaliste... Il changeait de monde... Blanches élégantes européennes au bras de leurs époux, riches planteurs d’hévéas, déambulaient à travers les pousse-pousses tirés par des coolies aux jambes si maigres ; lever de rideau sur un monde d’ailleurs ! Éblouissant et sereinement agressif par sa beauté calme et cruelle... un monde de soumis tenu par des colons dominants qui portaient haut leur superbe... et l’exubérance exotique de la forêt sauvage, vierge, libre...
Il éprouvait du chagrin pour ces autochtones asservis aux coiffes en pagode.
La moiteur du climat l’avait surpris alors qu’il arpentait avec ses confrères de la Royale la rue Catinat. Les tamariniers frémissaient sous l’air pesant, humide.
Les contrastes l’accablaient... cette terre lumineuse, les populations asiatiques assujetties aux fièvres, paludisme, pluies de mousson et au rendement des arbres à caoutchouc...
Le profil de Lucie s’imprimait en filigrane sous les images exotiques...
Ses lourds cheveux de jais apaisaient ses tensions. Le charme envoutant du pays n’avait rien effacé...
Si loin d’elle, si proche...
La guerre. La marine. Son destin, parmi tant d’autres... et Lucie, son ange pacificateur...
De jais sa chevelure...
Quelques années plus tard... les brumes de l’Atlantique au large de Brest ; la houle puissante, le blizzard entrecoupé d’obus qui percutent la mer débridée sculptant des colonnes d’eau monumentales. Dans l’enfer, le profil de Lucie s’invitait, serein... des répits apaisants.
Lorsque la torpille frappa par bâbord, une brèche béante s’ouvrit dans la coque du croiseur cuirassé. Il ne put rejoindre les baleinières de tribord. Vingt minutes plus tard, le bâtiment s’engloutissait dans les eaux sombres par la proue.
Si loin, Lucie frissonnât.
De jais, sa chevelure nouée sur la nuque, se mêla au désespoir ultime du Lieutenant Henri Joubert-Valladieu qui perdait son corps pour la Patrie.
Son âme désunie s’échappa vers Lucie...