D’un sommeil éveillé

Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés? Peut-être les deux. J'imagine les flèches d'horloge que j'écoute en faisant un mouvement que je ne sais pas si je serais encore capable d'imiter. Je fais des randonnées circulaires dans le paysage que je vois, mais je ne les aperçois qu'en raison des étourdissements que je souffre. Même si je n'avais pas eu le pire des jours, la nuit dans laquelle je m'étais mis n'a pas, selon toute apparence, l'intention de se faire finir bientôt, comme une couette inversée qui m'éloigne de la chaleur de la proximité.
Il semble que le temps s'est oublié de moi et m'a laissé à agoniser en regardant l'avenir dont je ne fais pas partie. Je pense à moi-même «Est-ce la fin?». Je m'imagine à faire des exercices, des travaux en retard... je veux appeler n'importe qui, mais mon portable est à quelques centimètres de ma main qui reste à l'envers, ignorante aux ordres que je lui donne. «Est-ce la fin?». Je fais d'effort pour me rappeler que ça finira bientôt, sans grand succès. «On sera comme ça toujours.» C'est comme une force qui m'a fait subir un coup d'état interne et qui maintenant commande ma pensée. «On perd du temps et personne ne s'en fou». Et qu'est-ce que ça veut dire? «On n'importe pas et on n'a jamais importé».
Mais... du tout?
«Oui, Du tout.»
J'ai l'impression d'avoir perdu le contrôle de ma conscience. Mes bras ont déjà commencé à me faire du mal et cette douleur glisse en direction du reste de mon corps comme le poison d'un serpent. J'arrête de me sentir les pieds, et mon imposteur voix me frappe constamment la sanité. «Du tout», elle répète encore et encore. Comme dans une chambre de torture, je sens la douleur de l'impuissance encore consciente et légèrement réveillée. Plus j'essaie, pire devient cette douleur qui me blesse la tête sans même me toucher. L'horloge imaginaire revient à bouger en produisant des bruits tranchants qui m'empêchent d'écouter dehors de la porte qui, même ouverte, s'est oubliée de me passer la tranquillité habituelle. Je n'avais plus le contrôle.
Et cette situation n'était pas une des brèves. Je resterais là-bas pour au moins deux heures, qui m'ont épuisé comme deux mois et que j'ai senti passer comme à deux ans. Le moment où J'ai aperçu les premiers mouvements de mes doigts, j'étais déjà assez battu pour en explorer les autres. Cela a pris du temps, mais j’ai commencé au fur et à mesure à les récupérer : mes mains, mes bras, mes pieds... L'autonomie me revenait faculté à faculté jusqu'à ce que mon corps entier était de nouveau à moi. La bataille était finie, mais j'avais peur de la guerre.
Je n'ai plus de choix maintenant, il faut que je me réveille. Je vais à la cuisine pour prendre n'importe quoi à grignoter et pour essayer de récupérer la couleur qui cet événement m'avait pris. Le bruit de mes pas n'est pas suffisant pour remplir le silence qui s'était installé dans la maison et dans ma tête, au point de me faire presser la faction des oeufs du matin sans même discerner un rayon de lumière. Pour la première fois dans toute la nuit, il y a quelque chose d'autre que mes efforts insuffisants plus tôt qui, maintenant, me retient au monde réel. Je me sens vivant.
Le jour commence à apparaître tandis que les nuages se dissipent et la tempête enfin arrête de crier. Je prends le calendrier pour voir le jour de la semaine. Dimanche. Le jour le plus solitaire, peut-être, surtout si on vit seul. L'horloge réel de la salle, qui m'a déjà tellement aidé à me reconnecter à la réalité cinétique , maintenant s'éloigne de moi en prolongeant ses secondes. En fait, selon moi, je ne sais même pas si je veux que le jour dure ou qu'arrive la nuit, mais le temps est le seul médicament que j'atteins et qui ne m'envoie pas des pièges... Il devra donc être suffisant.
Je regarde le soleil qui se lève lentement au ciel. La lumière qu'il produit envahit la salle en produisant le rayon que je cherchais tellement plus tôt. De la fenêtre dont il venait, je ne vois que le gris des édifices et la fumée des voitures qui lèvent la poussière. J'ai déjà essayé d'allumer la télé, mais le bruit désordonné ne m'a pas fait du bien. En fait, il me rappelle le chaos que j'ai vécu et augmente ma crainte... Je sens qu'il n'est pas encore fini, que la nuit qui s'approche sera comme le soleil, un événement autonome, qui ne se soucie pas de moi ou de mes incapacités. Toutefois, elle vient sans arrêt, comme une bête qui me chasse ou un virus qui cherche un hôte.
Je me suis rendu compte que je ne me suis pas approché de ma chambre toute la journée. La porte reste fermée comme à cloîtrer un mal qui je ne veux pas ou peut-être ne peux pas faire face. Mon bouclier temporaire, je bien le savais, ne resterais pas longtemps puisque la nuit bientôt arriverais et, avec elle, le besoin d'y retourner et de combattre à moi même. Je prends une chaise dans laquelle je m'assois tourné aux couleurs du temps qui passe... Il n'a plus à faire qu'attendre l'avenir.
La nuit arrive et je me sens décidé à ouvrir la porte d'un seul coup. La faiblesse qui m'est affecté n'est plus si forte quand je l'attends. Je marche pied à pied dans le couloir et je tourne la poignée. La porte s’ouvre silencieusement. En regardant la chambre, le lit foiré agite un peu le peur qui j'essaie de contrôler, mais il est trop tard pour qu'il me fasse quitter. Je laisse la porte ouverte et je fait le lit dans mon propre pas. Plus je reste ici, plus je me sens habitué à y être... peut-être le temps ne m'a pas encore quitté, et pour cela je le remercie.
Je m'allonge au lit et respire profondément.
Je ne sais pas vraiment à quoi je dois penser maintenant. Peut-être l'avenir est déjà défini et je le subirai peu important ce que c'est. Peut-être le temps m'a appris à conseiller ma tête anxieuse de l’impotence de la nuit. Peut-être il suffit de connaître l'existence du demain pour ne pas avoir besoin d’être pressé, ou même ces préoccupations qui me tuent doucement entre les lignes des jours.
Peut-être je n'ai pas besoin d'horloges pour marquer mon temps, ou même des portables pour me sentir en sécurité
Peut-être il suffit que je me couche, tranquille et conscient. Que je me ferme les yeux et souhaite moi, enfin, une bonne nuit...
Je m'ouvre les yeux mais ne vois que l'obscurité de la chambre. J'écoute le même horloge pendant que je cherche n'importe quoi dans le noir constant. Sans savoir où tourner mon visage, Je me ferme les yeux pour être certain que, dans la sombre, il y aura au moins moi même. Je sens mes doigts et mes mains qui, automatiquement, comme à m'envoyer une message d'espoir, pressait le matelas . Étonné, je souris.
Je me sens encore faible à cause de ce qui s'est passé. La nuit m'est encore effrayante aux yeux, néanmoins elle ne cessera pas de, tous les jours, me faire rappeler mes craintes. Si je serais toujours capable de bouger, c'est le moins important... seul le temps peut le repondre. En tout cas, je suis prêt, le temps! Je suis prêt à vous faire face autant qu'à moi même, mes insécurités, mes fautes...
Et si je réussis... un jour, peut-être, dans l'avenir que personne ne connaît...
Dans ce jour impossible...
Je serais encore une fois à moi même.