C’était un jeune new-yorkais obsédé par l’argent
Il ne voulait qu’amasser les billets, en toute saison,
Tous ses amis... [+]
Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. Il vaut mieux fermer les yeux quand on est en prison. Il n’y a que du noir tout autour, un noir dantesque et dangereux. Lors des premiers mois de mon emprisonnement, je faisais la différence entre ce qu’il y avait autour de moi et ce qui se passait dans ma tête. Je n’en suis plus capable. Je me suis adaptée, je crois.
J’arrive à les voir clairement, ces corps difformes et monstrueux reposant sur les épaules des prisonnières. Ces tumeurs anarchiques aux formes démoniaques, d’une laideur ignoble. Leur couleur rouge sang est la seule qui soit différente du noir dans lequel on nous noie. Ces monstruosités sont les crimes commis par chacune d’elles. Leurs atrocités les ont suivies en prison, faisant désormais partie de leurs corps meurtris.
Au début, je n’avais rien sur mes épaules. C’était ma preuve que je n’avais pas commis ce dont on m’accusait. Je croyais dur comme fer en mon innocence, mais personne d’autre n’y a jamais cru. Des doigts dénonciateurs se sont pointés vers moi, et tout s’est passé très rapidement. Les membres de ma famille m’ont tourné le dos, tous mes amis ont soudainement disparu. J’ai essayé de prouver qu’ils se trompaient, en vain. Dans mon pays, une fille de dix-neuf ans n’a pas le droit de se défendre. Le juge a été catégorique : deux ans de prison ferme. Des voix furieuses se sont élevées dans la salle, disant qu’une meurtrière comme moi mérite bien plus. Mes pensées se sont écroulées, à l’instar de ma vie désormais détruite. Tous mes rêves sont tombés à l’eau au moment où le verdict a été annoncé. Mais je savais que j’étais innocente, que je n’ai jamais eu d’intention criminelle. C’est cette idée qui m’a permis d’endurer en silence, et de préserver ma santé mentale.
Au début, mes yeux ne pouvaient pas supporter la laideur de cette prison hideuse. Ce milieu sans lumière, et surtout tous ces monstres rouges, me répugnaient. Fermer les yeux me procurait alors paix et sérénité. Mais au fil du temps, j’ai appris à échanger avec les autres prisonnières. Cet échange n’a pas duré longtemps. Dès qu’elles ont connu la raison de mon emprisonnement, mes codétenues n’ont pas pu cacher leur dédain à mon égard. Leurs regards sont devenus remplis de haine et de mépris, comme ceux que me lançaient mes concitoyens.
C’est à ce moment que j’ai commencé à sentir mes épaules s’alourdir. J’ai alors découvert une petite tumeur derrière mon épaule gauche. Elle était de la taille d’un pois, mais sa couleur rouge sang m’a effrayé. Des doutes ont commencé alors à s’installer dans mon esprit. Ma conviction n’était peut-être qu’un simple mécanisme de défense psychologique, une sorte de déni absolu, pour que je puisse survivre sans sombrer dans la folie. Tous les tueurs ont probablement cru être innocents à un certain moment. Le poids d’un meurtre est peut-être trop accablant pour qu’on puisse l’assumer et le porter sur ses épaules. La possibilité que j’aie réellement commis ce meurtre n’a plus quitté mes pensées. Fermer les yeux est maintenant devenu tout aussi angoissant que les traits noirs des cellules et les contours de ces monstruosités éparpillées partout. Même mon sommeil est devenu plein de cauchemars, teinté de rouge et de noir. Je rêve de sang, de mort et de monstres ; mes propres monstres, qui n’arrêtent pas de se multiplier.
Plus je me rendais compte de la réalité et de l’atrocité de mon crime, plus l’enflure sur mes épaules grandissait. Elle est maintenant la plus effrayante parmi toutes ces affreuses raisons d’emprisonnement. Le doute grandissant a fini par devenir certitude, et ma tumeur a finalement pris la forme de l’être que j’ai tué. Elle me rappelle chaque jour cette vie que j’ai ôtée, celle de mon enfant.
Mes journées se ressemblent. Mes nuits sont aussi terrifiantes les unes que les autres. L’obscurité est en train de m’ensevelir petit à petit. Mais même après des mois de ruminations et d’idées noires, une partie de moi pense toujours que je n’ai pas ôté de vie. Elle me chuchote que j’en ai plutôt sauvé une, que je n’avais pas d’autre choix. Je confirme en me disant que je n’étais pas prête à être maman, qu’un embryon de cinq semaines est juste une collection de cellules après tout.
Je cherche désespérément un regard compatissant, une réplique qui donnerait raison à ces réflexions, en vain. Plus le temps passe, plus je prends conscience que je m’accroche à un espoir illusoire. Un espoir dont l’inexistence est confirmée par la loi, par la condamnation de toute la société et surtout par les regards réprobateurs des autres prisonnières.
Je me rends alors à l’évidence que je suis une tueuse, une criminelle de la pire espèce. Le monde serait sans doute un meilleur endroit sans moi. Peut-être qu’une condamnation à mort est le châtiment approprié à mon crime. Peut-être que je pourrais même renaître dans un autre corps, assaini, immaculé et réellement mien...
J’arrive à les voir clairement, ces corps difformes et monstrueux reposant sur les épaules des prisonnières. Ces tumeurs anarchiques aux formes démoniaques, d’une laideur ignoble. Leur couleur rouge sang est la seule qui soit différente du noir dans lequel on nous noie. Ces monstruosités sont les crimes commis par chacune d’elles. Leurs atrocités les ont suivies en prison, faisant désormais partie de leurs corps meurtris.
Au début, je n’avais rien sur mes épaules. C’était ma preuve que je n’avais pas commis ce dont on m’accusait. Je croyais dur comme fer en mon innocence, mais personne d’autre n’y a jamais cru. Des doigts dénonciateurs se sont pointés vers moi, et tout s’est passé très rapidement. Les membres de ma famille m’ont tourné le dos, tous mes amis ont soudainement disparu. J’ai essayé de prouver qu’ils se trompaient, en vain. Dans mon pays, une fille de dix-neuf ans n’a pas le droit de se défendre. Le juge a été catégorique : deux ans de prison ferme. Des voix furieuses se sont élevées dans la salle, disant qu’une meurtrière comme moi mérite bien plus. Mes pensées se sont écroulées, à l’instar de ma vie désormais détruite. Tous mes rêves sont tombés à l’eau au moment où le verdict a été annoncé. Mais je savais que j’étais innocente, que je n’ai jamais eu d’intention criminelle. C’est cette idée qui m’a permis d’endurer en silence, et de préserver ma santé mentale.
Au début, mes yeux ne pouvaient pas supporter la laideur de cette prison hideuse. Ce milieu sans lumière, et surtout tous ces monstres rouges, me répugnaient. Fermer les yeux me procurait alors paix et sérénité. Mais au fil du temps, j’ai appris à échanger avec les autres prisonnières. Cet échange n’a pas duré longtemps. Dès qu’elles ont connu la raison de mon emprisonnement, mes codétenues n’ont pas pu cacher leur dédain à mon égard. Leurs regards sont devenus remplis de haine et de mépris, comme ceux que me lançaient mes concitoyens.
C’est à ce moment que j’ai commencé à sentir mes épaules s’alourdir. J’ai alors découvert une petite tumeur derrière mon épaule gauche. Elle était de la taille d’un pois, mais sa couleur rouge sang m’a effrayé. Des doutes ont commencé alors à s’installer dans mon esprit. Ma conviction n’était peut-être qu’un simple mécanisme de défense psychologique, une sorte de déni absolu, pour que je puisse survivre sans sombrer dans la folie. Tous les tueurs ont probablement cru être innocents à un certain moment. Le poids d’un meurtre est peut-être trop accablant pour qu’on puisse l’assumer et le porter sur ses épaules. La possibilité que j’aie réellement commis ce meurtre n’a plus quitté mes pensées. Fermer les yeux est maintenant devenu tout aussi angoissant que les traits noirs des cellules et les contours de ces monstruosités éparpillées partout. Même mon sommeil est devenu plein de cauchemars, teinté de rouge et de noir. Je rêve de sang, de mort et de monstres ; mes propres monstres, qui n’arrêtent pas de se multiplier.
Plus je me rendais compte de la réalité et de l’atrocité de mon crime, plus l’enflure sur mes épaules grandissait. Elle est maintenant la plus effrayante parmi toutes ces affreuses raisons d’emprisonnement. Le doute grandissant a fini par devenir certitude, et ma tumeur a finalement pris la forme de l’être que j’ai tué. Elle me rappelle chaque jour cette vie que j’ai ôtée, celle de mon enfant.
Mes journées se ressemblent. Mes nuits sont aussi terrifiantes les unes que les autres. L’obscurité est en train de m’ensevelir petit à petit. Mais même après des mois de ruminations et d’idées noires, une partie de moi pense toujours que je n’ai pas ôté de vie. Elle me chuchote que j’en ai plutôt sauvé une, que je n’avais pas d’autre choix. Je confirme en me disant que je n’étais pas prête à être maman, qu’un embryon de cinq semaines est juste une collection de cellules après tout.
Je cherche désespérément un regard compatissant, une réplique qui donnerait raison à ces réflexions, en vain. Plus le temps passe, plus je prends conscience que je m’accroche à un espoir illusoire. Un espoir dont l’inexistence est confirmée par la loi, par la condamnation de toute la société et surtout par les regards réprobateurs des autres prisonnières.
Je me rends alors à l’évidence que je suis une tueuse, une criminelle de la pire espèce. Le monde serait sans doute un meilleur endroit sans moi. Peut-être qu’une condamnation à mort est le châtiment approprié à mon crime. Peut-être que je pourrais même renaître dans un autre corps, assaini, immaculé et réellement mien...
Vous-avez toutes mes 3 voix.
Je vous invite à découvrir mon texte en compétition pour le prix des jeunes auteurs, et à me soutenir avec vos voix, si jamais il vous plaît.
https://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/la-chose-11
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