Confession

Jeune étudiante Passionnée de l’écriture et de la poésie.

Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux.
Tout dépend : est-ce que je voulais vraiment ouvrir les yeux? Ou est-ce que je voulais réellement de la lumière pour combattre le noir obscur dans lequel je m’étais plongé ? Est-ce que cette obscurité n’était pas en quelque sorte une belle échappatoire pour moi afin de pouvoir accéder au monde merveilleux dont me faisait découvrir en cachette ma petite Luciana. Est-ce que j’étais prêt à délaisser ces petits moments de bonheurs, de plaisirs, de fous rires qu’elle me procurait ? Ces moments où je ne voyais qu’elle et ses petites astuces qui me faisaient sentir que mon âme se déchargeait délicieusement du poids de mon corps. Ces moments où je parvenais à peine à sentir le poids de mes problèmes mis en quarantaine. Ces moments où j’oubliais même que j’étais papa et que j’avais des obligations envers mes enfants. Ces moments où je vivais comme si je ne venais pas froidement d’enterrer la mère de ma progéniture. Mon devoir devrait être de les consoler, de les chérir, de les réconforter en les couvrant de câlins et d’amour. Ils avaient besoin d’un père qui les aidera à comprendre et à accepter que la vie est ainsi faite. Qu’elle est aussi cruelle et imprévisible qu’un tremblement de terre. Hélas, je n’étais pas moi-même. Je n’étais pas le Fabian qui s’empressait d’accompagner ses enfants à leurs écoles respectives. Enfin, je crois que j’étais dans le plus grand des noirs, un noir qu’une fine partie de lumière ne pouvait pénétrer, encore moins dissoudre. Comme un obsédé, je ne pouvais pas me passer de Luciana. Sa beauté si miraculeuse me faisait perdre complètement la tête, sa vulgarité majestueuse m’attirait au point que j’acceptais qu’elle m’enchaînat sur ton lit. Ses yeux rayonnaient de désirs de me faire respecter ses vouloir, importait peu si elle était prodigue ou pas. Et elle à son tour, tout ce qui la préoccupait, c’était de me faire croire qu’elle était là pour me faire oublier mes soucis alors qu’en réalité, elle ne cherchait qu’à me soutirer toutes mes économies. Elle était une très belle demoiselle, dotée d’un charme pittoresque et piquant à la fois. De teint clair, elle se maquillait comme si elle se rendait à une émission télé quand elle passait me voir. Son parfum si attractif me donnait envie de chasser l’été et d’inviter chaleureusement l’hiver afin que je puisse me glisser tendrement du haut des collines de glace en ski en lui tenant par la main. Dès qu’elle sortait de notre chambre, elle me manquait déjà. Elle était toujours si bien coiffée, portait toujours des habits attirants. Quand elle venait me rendre visite à la maison, elle se fringuait comme une femme aux mœurs légères. Elle était sans pudeur et se fichait complètement de l’avis des gens sur son accoutrement. Depuis ta mort, j’ai fait croire aux enfants que j’étais malade et que Luciana passait tout le temps à la maison juste parce qu’elle s’occupait de moi. Notre petit garçon Ismael qui vient de souffler sa huitième bougie lui, croit toujours en ce que j’avance, mais Fatima qui a maintenant 13 ans, ne veut pas s’approcher de moi, ni même que je la touche depuis que Luciana est dans les parages. Elle ne m’adresse plus la parole, n’entre plus dans notre chambre sauf si elle veut fouiller un peu dans tes affaires. Malgré le fait qu’elle détestait affreusement Luciana, elle respectait quand même notre intimité et ne débarquait jamais dans la chambre quand Lucia y était. Je ne sais pas où elle a appris toutes ces bonnes manières, mais je trouve cela très bien comme éducation même si ce n’est pas moi qui les lui a enseignées. Je crois qu’elle les tient sûrement de toi. Et cela ne me surprend point. Ah! Ma belle et tendre Binetou ! Que Dieu t’accueille dans son Paradis céleste. Tu étais si ambitieuse et si battante, tu pouvais nous remonter à tous le moral en quelques minutes. Une femme exceptionnelle et engagée, tu ne pouvais supporter une quelconque injustice. Tu étais l’amie de tout le voisinage. Parfois je te surprenais en train de puiser dans nos réserves de denrées alimentaires pour venir en aide à ceux qui pouvaient à peine trouver de quoi nourrir leurs familles. Dans ton lieu de travail, tout le monde t’appréciait. Lors de tes funérailles, devant tout le monde, ton employeur lui- même a témoigné de ta ponctualité et de ton assiduité au travail. Binetou ! Tu t’es laissée vaincre par ce foutu cancer du col de l’utérus qui n’a cessé de te torturer depuis les deux ans d’Ismael. Au début de l’apparition de cette maladie quand tu me disais toujours que tu avais mal au bassin et au bas du dos, je te rassurais que c’était juste des douleurs passagères que tu te sentirais mieux très bientôt. Je ne peux pas oublier cette nuit où je t’avais trouvé dans la salle de bain, en train de pleurer dans la baignoire. Tu n’arrêtais pas de saigner, le sang avait entièrement changé la couleur de l’eau de la baignoire. Tu n’arrêtais pas de pleurer comme un petit bébé.
Ce jour là, j’avais eu tellement peur que j’ai trébuché en voulant te sortir de l’eau. Lorsque je t’avais vu dans cet état, j’avais cru que tu allais mourir dans ce bain de sang. À notre arrivée à l’hôpital, le médecin m’avait dit que tu étais atteinte du cancer du col de l’utérus, et que c’était dû au fait que tu as eu un rapport sexuel à un très jeune âge. Je lui ai alors raconté cette histoire de viol dont tu avais été victime à 12 ans. Binetou ! Toute ta vie n’a été qu’un cauchemar depuis le jour où ce violeur t’as touché. Tu n’as jamais pu oublier cette scène. Comme si toute cette douleur qui te rongeait ne suffisait pas, est venue s’ajouter celle du cancer. Ne pouvant plus supporter tous ces coups bas de la vie, tu rendis l’âme. Après toute cette souffrance que tu as subi avant de mourir, à ce jour, tout ce qui m’intéresse, c’est de me chercher un petit coin de bonheur avec une fille du quartier ! Quelle honte pour moi ! Pour ta mémoire, pour le respect de nos enfants, pour l’innocence de notre petit Ismail et pour la considération de notre petite Fatima qui te ressemble tant !
Tu ne peux pas t’imaginer à quel point je me sens ingrat envers vous. Je ne suis qu’un vaurien qui ne mérite ni l’affection ni la pitié de nos enfants. Saches que je ne suis plus avec cette femme sans pudeur. Pardonne-moi et je te fais la promesse que dorénavant, je m’occuperais dignement de nos merveilleux petits enfants. Au moment où il se confessait calmement devant la tombe de maman, je tenais Ismael par la main. Il ne savait même pas qu’on était là en train de l’écouter depuis le début de sa confession. Lorsque nous entendîmes ces mots de la bouche de papa, nous nous sommes aussitôt précipités dans ses bras pour le réconforter et le rassurer que nous allons tout recommencer et vivre comme la belle famille que maman avait toujours essayé de construire. Il était tellement content de nous retrouver enfin réunis qu’il nous a promis de ne plus jamais revoir Luciana. C’est ainsi qu’il mit fin à cette belle terreur. Et depuis ce jour, mon père a ouvert un centre d’accueil et d’aide pour jeunes filles victimes de viol et chaque année, il verse 15% de ses revenues dans des hôpitaux pour le traitement des femmes atteintes du cancer du col de l’utérus. Il nous disait qu’il faisait tout cela pour retrouver cette lumière qui lui manquait dans sa vie depuis la mort de maman et que c’était le seule moyen pour lui de se sentir encore plus proche de ma mère...