Cacophonies (extra)ordinaires en Terre Occitane

Dans une contrée pas comme les autres, à l’extrême sud-ouest d’un pays que l’on nomme fièrement France, vit une communauté d’irréductibles commingeois qui chaque week-end clament à corps et à cris leur amour du païs au gré des rencontres sportives du week-end.


Y’a d’abord le derby « À la vie, à la mort » de Handball – U11 – Gymnase du collège – Samedi 13 h.

– Dis, t’as déjà fait du hand, toi ?
– Non, mais je suis entraineur de rugby, c’est pareil ! Écoute ! Eye of the tiger !
– L’oeil du tigre, mon ami, l’oeil du tigre ! On connait tous !
– Des tigresses commingeoises, tu veux dire !
- En plus, elles ont les crocs les petites ! La mienne n’a rien mangé ce midi ! Pas faim !
A la table d’arbitrage, des papas bénévoles sont chauds comme la braise. Aujourd’hui, faut pas perdre ! Mobilisation générale pour ce derby de folie! Le petit poucet doit vaincre l’Ogre d’à côté, coûte que coûte ! La défaite n’est pas une option. Les Coeurs de Garonne jouent à domicile.
« Là, c’est la guerre ! T’as pas le choix ! T’es chez toi, tu gagnes ! Et surtout, TU LÂCHES RIEN !».
Un seul objectif compte : battre l’équipe voisine qui, depuis trois ans (trois longues et douloureuses années !), les humilie devant leur public. Le challenge semble insurmontable mais pas impossible. Si on veut, on peut ! Les mamans commingeoises poussent à fond leurs graines de championnes. Les banderoles des grands jours sont de sortie. La joyeuse troupe envahit les gradins squattant les meilleures places. Galvanisé par la chanson du film « Rochy », le vieux gymnase tout décati se réveille !
« C'est l’œil du tigre, c'est le frisson du combat (It's the eye of the tiger, it's the thrill of the fight)
Lutte corps à corps pour relever le défi de notre rival (Risin' up to the challenge of our rival)
Et le dernier survivant connu poursuit sa proie dans la nuit (And the last known survivor stalks his prey in the night)
Et il nous regarde tous avec l’œil du tigre. (And he's watchin' us all in the eye of the tiger) »

Y’a aussi le match « De la dernière chance » de Football – U13 – Stade Malaret – Samedi 15h.

- Mais, y’a pas faute là, Monsieur l’arbitre !
- C’est pas un monsieur, c’est une dame !
- Ben, elle manque pas d’air, celle-là ! J’vais aller lui parler du païs si elle continue !
- Ferme-la un peu ta grande bouche, ça changera !
- De toute façon, MA fille, c’est la meilleure !
Au bord du terrain, le couple se chamaille sous le regard désapprobateur des hauts sommets des pyrénées ariègoises qui bordent leur petit bout de campagne. À croire qu’une discussion franche et animée leur tient chaud ! Les autres se taisent emmitouflés sous un tas de vêtements bouffants. Les rafales du vent d’autan fouettent les visages pétrifiés des supporters téméraires. Il est de notoriété publique que le sud-ouest est peu résistant au froid. Les footeuses sont bien loin de toutes ces préoccupations. Elles enchaînent les bonnes passes, les petits ponts et ailes de pigeon. Le banc de touche amorphe fait la grimace. Pourtant, la victoire est au bout du chemin et l’après match bien arrosé ! La buvette, comme à son habitude, ne désemplit pas ! Les chants occitans réchauffent peu à peu l’atmosphère glaciale de cette fin d’après-midi :
« S'il chante, qu'il chante (Se canta, que cante)
Il ne chante pas pour moi (Canta pas per ieu)
Il chante pour ma mie (Canta per ma mia)
Qui est au loin de moi.(Qu'es al luènh de ieu.)
Ces montagnes (Aquelas montanhas)
Qui sont si hautes (Que tan nautas son)
M'empêchent de voir (M'empachan de veire)
Mes amours (Mas amors ont son). »

Y’a enfin le match « À ne pas perdre ! » de Basket – U15 – Nouveau gymnase – Dimanche 11h.

- T’as vu le match hier ?
- Tu parles, si je l’ai vu ! On a encore pris une sacrée raclée !
- Ben maintenant ,ils sont plus du tout dans l’Europe les « english » ! Alors, normalement, plus de Tournoi des six nations !
- Eh ! Les gars, y’a nos filles qui jouent, là ! Finit le quart d’heure toulousain  !
- Tu penses, elles en ont rien à faire ! Qu’on soit là ou pas là, c’est la même !
Voici venu le money-time, le moment où tout bascule. On y est. Les supporters montent en tension. L’accent chaud du sud-ouest fait parler de lui. Les mamans trépignent « avé » les pieds, les papas gueulent dans un brouhaha indescriptible. Leurs banderoles à moitié déchirées tanguent dangereusement comme un navire en pleine tempête. Les conversations partisanes se muent en ordres diffus de parents en transe : « Shoot, mais shoot ! Et le marquage, bordel ! Elle est à qui la 13 ? Mais, tu vas bouger tes fesses, oui !». Les dernières nanosecondes s’égrènent ! Les yeux rougis, les voix cassées, le public retient son souffle en état quasi apnéique...

Sur fond de culture rugbystique, ces cacophonies (extra)ordinaires n’obtiendraient pas le label « Occitanie » sans les traditionnelles parties de pétanque sur le boulodrome (aussi grand qu’une piste de l’aéroport de Blagnac!) et les parties de pêches endiablées en bord de Garonne. Au loin, les initiés peuvent entendre le flow de Big Flo et Oli :
« J'suis né à Toulouse, forcément j'suis pas vraiment honnête...
Bienvenue chez nous
Que tu viennes d'une grand ville, ou d'un petit village
Faut qu'tu vois ça, ah, ah (ah)
On a les plus belles filles, les plus beaux paysages...»