Brisée

Suis-je dans le noir ou ai je les yeux fermés ? Peut-être les deux. C'est la première chose que je me le suis demandée et véritablement je ne savais pas. Tout allait parfaitement bien, on était heureux. Il m'aimait et Dieu seul sait combien moi je l'aimais. Je l'aime toujours. Comment? Je ne sais pas mais je l'aime.
Incapable de bouger car j'ai mal partout et à chaque ressenti de douleur, j'ai le coeur qui palpite comme quand je l'avais embrassé pour la première fois, quand je le regardais marcher , je le regardais sourire. Il me fait du mal et je suis amoureuse de lui, je l'aime. Jusqu'à ce jour, j'ignorais qu'on pouvait aimer et dégoûter en même temps une seule personne.
Ils m'ont suggérés d'en parler, ils m'ont dit de ne pas rester. Mais, que peuvent des amis face à l'être aimé? Ils ne pesaient pas dans la balance.
Robert a toujours été la. Depuis que mes quinze ans. Il m'a défendu à l'école quand mes camarades se moquaient de moi, quand ils me frappaient. Après l'école, à l'université il m'a toujours aidé à aller de l'avant. J'ai du mal à croire que c'est Robert. Mon Robert ne ferait pas de mal à une mouche. J'ai sûrement fait quelque chose de mal. Je ne sais rien. Ca va faire cinq ans que je me pose cette question mais toujours pas de réponse.
Tout a commencé un vendredi soir, je ne savais pas ce qui se passait tellement que c'était rapide. Je n'ai pas pu voir et comprendre. On faisait tranquillement l'amour quand tout d'un coup il m'attrapa par le cou, me giffla et me baisa avec rage, on aurait cru un viol, j'ai crié, je luttais énergiquement pour sortir de son étreinte mais je n'ai pas pu, j'ai perdit la force, je me lassa sur le lit et le laissait me maltraiter. On m'aurait dit que Robert était sado-masochisme je ne l'aurait jamais cru. Je ne le crois pas d'ailleurs.
J'ai passé toute la nuit à réfléchir à ce que c'était, coucher sur le dos, les yeux fixés au plafond, j'éclata en sanglots.
Il dormait, on pouvait entendre ses ronflements. Pour ne pas le réveiller je m'étais tournée et mis la tête dans l'oreiller. C'est ainsi que le sommeil m'a volé au petit matin.
Que s'est-il passé? Ce sont ces mots qui ont remplacés le notre père quotidien ce matin là. Un matin de souffrance, de douleur abdominale atroce. On aurait dit que j'ai été me battre contre de violents ennemis durant la nuit. Battre, on m'a bien battu mais ce n'était pas des ennemis mais mon très chèr mari.
J'ai décidé de me lever, étant sur pied j'ai essayé de faire des étirements mais en vain ça n'avait fait qu'empirer ma situation. J'ai donc décidé de me doucher.
L'eau, mon remède à tout. Sous la douche, j'ai eu les idées clairs, tout m'était revenu. De la première caresse jusqu'à la dernière giffle. J'avais fait vite de sortir pour lui demander des explications sur ce qui s'était passé avant qu'il ne parte travailler. Comme explication j'ai eu un regard froid d'un visage qui, semblerait-il dégouté. Il tourna les talons et claqua la porte derrière lui.
Je n'avais pas de mot pour d'écrire cette réaction de la part de Robert. Appuyer contre l’évier de la cuisine je m'effondra par terre.
En plus du dos, le coeur s'invita dans la partie. Le comportement de Robert m'avait brisé le coeur on aurait dit qu'on y frappait avec un marteau. Une main sur le coeur l'autre sur la bouche. Ainsi j'ai passé plusieurs heures sans bouger d'un pouce. Dans ma tête il y avait une seule question . Qu'est ce que j'ai fait de mal?
Depuis ce jour, me frapper, me violer sont devenus pour lui une necéssité. Des problèmes au bureau, des problèmes avec ses amis, après une défaite de son équipe de foot favorite, des paris perdus... Il me frappait dès qu'il trouvait l'occasion. Pour tout. Tout comme les alcooliques boivent pour chaque occasion. Robert me battait et après sortait prendre l'air sur le balcon.
Un jour j'en ai eu marre, j'avais chaud, je manquais d'air, entre deux coup de ceinture j'ai crié “ Je n'en peux plus demain je te dénonces à la police”. Pendant un moment je me sentais bien, c'était la première fois que j'avais riposté. Quelques secondes après je m'étais rendu compte de ce que j'avais fais . Je n'osais même pas penser à cela, tellement que j'avais peur.
J'ai levé la tête pour le regarder, d'un revers de la main il me giffla. Calmement, il m'avait dit :
- À partir d'aujourd'hui tu ne t'approcheras plus de cette porte. En pointant du doigt la porte d'entrée.
Il m'attrapa par le bras, me traina derrière lui jusqu'au grenier. Devant la porte, il m'aida à me lever, me plaqua contre le mur, me caressa le visage. J'avais lévé les yeux, ce n'était plus le même, le regard colérique qu'il avait depuis des années avait disparu. Mais ce n'était pas pour longtemps. Brusquement, il m'attrapa le cou et lécha le sang que j'avais sur les lèvres. Sur le moment, j'ai senti une bouffée de chaleur.
Il ouvrit la porte et me jetta par terre comme une vulgaire chose. J'étais rester au sol pendant plus d'une demie heure à évoquer ce qui s'était passé et mille et une question surgissait dans ma tête.
Avait-il encore des sentiments pour moi ? Pourquoi me maltraitait-il? Qu'est ce qu'il veut de moi ?...
Cela faisait plus d'un mois qu'on avait pas eu de relation sexuelle ou plutôt qu'il ne m'avait pas violé. Il se contentait de me frapper. Plus fort et beaucoup plus souvent.
Avec le pouce, j'ai caressé le coin de ma bouche, il y avait encore sa salive. Jusque là j'ai été forte. Mais par la sensation de ses lèvres près des miennes j'avais fondu en larmes. Depuis ce jour, je suis restée dans le grenier. Je sortais une fois par jour pour la douche, un seau pour soulager ma vessie et il me ramenait à manger deux fois par jour, tantôt des fruits tantôt des sandwiches, rien que ca. Il avait établi ses propres règles. “Pas de scandales sinon je te tue” C'est ce qu'il répète tous les matins avant d'aller travailler. Il ignorait sans doute que j'étais déja morte.
Je ne voyais pas de quoi il avait peur. Mes jambes ne pouvaient même plus me supporter pendant quinze minutes.
J'avais perdu la notion du temps. Les matins je reçois soit une pomme ou des bananes et les après midi un sandwich au jambon et un verre de jus d'orange, ce qui me permet de distinguer matin et après midi.
L'ampoule jaune qui me servait de soleil est grillée et depuis lors je n'ai plus de jour, plus de nuit, le temps m'est devenu vide.
Je me demande si j'existe. Je voulais que tout cela soit un rêve. Peut être que c'en est un. À l'intérieur, une voix me répète sans cesse de m'enfuir. Mais, hélas, il est déja trop tard. Incapable de réfléchir, je n'ai aucune conscience, ni de mon corps, ni de l'environnement encore moins du temps.
Brisée, j'ai peur de sombrer dans la folie. Suis-je dans un rêve? Là dans mon grenier, à plat ventre, suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés? Peut-être les deux. De toute facon c'est la dernière chose qui compte.