- Rencontre de son point de vue à elle
Il faut que je me jette à l’eau.
Mes pieds, dont le bleu pastel vernis sur mes ongles contraste avec l’or fin du sable, foulent allègrement la plage.
Il est là bas. Tout occupé qu'il est à faire courir son chien dans les vagues.
Une grosse bouffée de désir m'envahit, et je m'exhorte au calme.
Je repense à la petite phrase de mon horoscope : allez à l'abordage de l'amour !
Je vérifie, d'une main discrète, que mon maillot de bain est bien ajusté. Pas question d'en montrer trop ! Et bien que ça déborde un peu ( comment résister aux petits pains au chocolat ou aux fast food ?) Je veille à ce que tout reste bien en place.
Le cri d'une mouette parfait ce tableau idyllique de la rencontre entre un homme et une femme.
J’essuie distraitement une fiente qui s’est injustement déposée sur mon épaule.
Heureusement, ma peau luit grâce à l’huile de monoï. Elle l’envoûtera !
Mon regard est braqué sur lui. Cela fait plusieurs semaines que nous nous croisons sur cette plage. Lui joue avec son chien, moi je cours pour éliminer mes excès de la veille.
Mon attention étant focalisée sur lui, je marche par mégarde sur un couteau, ce long coquillage affûté déchire la chair tendre de mon pied.
Aucun son ne sort de ma bouche, dont j'ai soigneusement peint les lèvres d'un rouge cerise.
J'essaie de ne pas claudiquer mais la douleur est bien là. Heureusement, il n’est plus bien loin mon Apollon.
Je me ragaillardie à la pensée de notre future histoire d'amour.
Les petites vagues nous lécherons les orteils alors qu'il entamera la discussion tout en me dévorant des yeux. Bien entendu, nous finirions par repartir ensemble vers notre destin. Peut-être me tiendra-t'il la main timidement ?
Toutes à mes pensées je n'ai pas vu qu'il avait lancé son frisbee dans ma direction et son chien entre en collision avec moi. Me voilà donc à quatre pattes sur le sable après un joli roulé boulé que le sable a tout de même amorti.
Je peste contre cet incident mais il accourt vers moi et semble tellement désolé.
Son regard est entièrement fixé vers moi et l’instant aurait pu être magique si son chien ne s’était pas mis à me lécher les pieds bruyamment. Il semble apprécier le monoï.
Je le laisse se confondre en excuses. Je lui adresse mon sourire le plus séducteur. Il semble désorienté mais me tend la main pour me remettre sur pied.
Pourquoi ai-je mis tant de monoï sur moi ? Ma main glisse dans la sienne et je retombe, cette fois ci sur mes fesses. Son chien en profite pour me passer un grand coup de langue sur le visage. Il le rappelle vers lui fermement. J'en profite pour me relever.
À cet instant des enfants accourent avec force et cris dans l’eau. Il les regarde en souriant mais me demande timidement mon prénom. Je m’apprête à lui répondre, quand je reçois brusquement un seau d'eau glacée qu'un des gamins était allé remplir, dans mon dos.
Je suis saisie mais lui éclate de rire. Malgré moi je l'imite. Après tout, c'est une entrée en matière comme une autre.
Je sens qu’il me dévore du regard. Je le sens bien !
- Rencontre de son point de vue à lui
Il sait que, l’été terminé, s'en est fini de l’insouciance et il commencera pleinement sa vie d’adulte avec les responsabilités et les soucis qui en découlent.
Ah zut ! Il peste intérieurement.
Voilà que la fille est réapparue ! Depuis qu'il s’est retiré sur ce bungalow du bord de mer il l'a constamment croisée. Au départ, il a cru à une coïncidence mais par la suite il a commencé à s’inquiéter.
Elle lui fait peur, il doit se l'avouer.
Il se dégage d'elle une drôle d'aura. C'est la première fois que quelqu’un lui fait cette impression. Ça le met mal à l'aise.
Elle n’est ni jolie ni laide. Mais sa démarche est bizarre.
D’ordinaire elle se contente de le dévorer des yeux sans oser l'affronter directement. Ça l’arrangeait bien. Mais là elle fonce ( il devrait plutôt dire boitille à la matière d'un capitaine unijambiste) droit vers lui. Il lance le frisbee à Vulcain mais surveille sa progression du coin de l’œil. Il note, en grimaçant, qu'une mouette a déféqué sur son épaule.
Au moment où il relance le jouet elle dévie de sa trajectoire et même si le frisbee la frôle, Vulcain la percute.
Quelle poisse !
Bien entendu elle tombe avec une lourdeur inouïe. Son rembourrage lui permet de ne pas vraiment se blesser mais il sait qu'il est de son devoir de l'aider à se relever.
Elle lui adresse un sourire engageant mais elle a du rouge à lèvres plein les dents, la pauvrette !
Quand il lui tend la main il a l'impression que ses seins vont jaillir du minuscule bikini dans lequel ils sont engoncés.
Et comme si ça ne suffisait pas sa main à elle, huileuse ( il essaie de chasser la pensée qu'il a d'elle en train de manger des frites avec les doigts) glisse dans la sienne et elle retombe.
Il est au bord de l'écœurement.
Vulcain, quant à lui, la trouve à son goût et lui lèche la figure.
Il voudrait se sauver à toutes jambes mais sa bonne éducation le lui interdit et il se retrouve à lui demander poliment son prénom pendant qu'elle se relève.
Sa réponse est couverte par le bruit d'une horde d'enfants qui court vers les vagues. L'un d'eux arrose la fille.
Il est heureux de cette diversion et éclate de rire. Elle interprète ça autrement.
Il aimerait se sauver vite de cette plage ! Car non, vraiment, cette fille il ne la sent pas du tout !
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