Une brume épaisse emmitoufle la campagne humide, le cimetière est désert à cette heure avancée de la soirée, d'ailleurs Antoine le gardien ne va pas tarder à verrouiller la lourde grille de fer forgé qui en protège l'entrée.
Depuis dix ans maintenant, il occupe ce logement de fonction accolé au mur du cimetière.
Ses amis le chahutent souvent à propos de cela en lui disant qu'il n'aura jamais de conflits avec ses voisins et encore moins de tapages nocturnes.
Jusqu'à aujourd'hui, ces insinuations provoquaient des petits sourires moqueurs, seulement depuis un mois maintenant, Antoine ne rit plus du tout.
En effet, depuis quelques temps il se passe des phénomènes étranges et des bruits bizarres viennent le sortir de son sommeil presque toutes les nuits.
La fenêtre de sa chambre qui se trouve au deuxième étage donne directement sur le cimetière et la forêt environnante.
Antoine n'a pas osé en parler à son entourage par peur du ridicule, mais il est très préoccupé et sans vouloir se l'avouer assez angoissé par toutes ces mystérieuses manifestations.
Comme tous les soirs depuis un mois maintenant, il descend dans la cuisine se faire couler un café bien serré et entrouvre sa porte prudemment, il essaie de scruter la nuit noire pour apercevoir d'où proviennent ses bruits étranges.
Il tend l'oreille, cela ressemble à des râles gutturaux et il aperçoit à la lisière du bois, deux petites lumières qui scintillent.
Il n'a pas encore trouvé le courage de s'aventurer jusqu'au bout du cimetière pour percer la clef de ce mystère.
Demain, quand il fera jour, il ira inspecter les tombes qui longent le mur, peut-être trouvera t'il des indices ou une explication rationnelle à ses tourments.
Le lendemain aux premières lueurs du jour, il vérifie minutieusement chaque tombe mais à son grand regret ne trouve rien d'anormal, il s'assure également que la porte qui donne accès à la forêt est bien verrouillée.
Aujourd'hui, c'est son jour de repos, cela va lui permettre de décompresser un peu et de sortir de son train train quotidien, un bon repas avec des potes voilà ce qu'il lui faut.
Pendant toute la soirée, Antoine a un peu bu, bien mangé et beaucoup ri aux blagues potaches de ses amis, cela lui a permis d'oublier pendant quelques heures ses tracas inavouables.
Vers onze heures il prend congés de la joyeuse bande et rentre chez lui sans grand enthousiasme.
Il vient tout juste d'ouvrir sa porte qu'une lumière étrange l'interpelle, il entrouvre les rideaux opaques et aperçoit tout au fond du cimetière une silhouette qui se dirige vers sa maison.
Pris de panique, il reste tétanisé et n'a pas le temps de réagir que l'ombre est déjà devant lui.
Il s'agit d'une très belle jeune femme qui lui sourit, elle porte une robe vaporeuse de voiles blancs sur laquelle tombe en cascade une opulente chevelure d'ébène retenue par deux barrettes scintillantes.
A travers la vitre elle lui dit qu'elle s'appelle Ambrine et qu'elle habite 15 rue des lilas, et si il n'y voit pas d'inconvénient, elle l'invite à prendre un café demain vers quatorze heures.
Elle rajoute qu'elle l'aperçoit tous les jours au cimetière et que finalement il est devenu comme un ami.
Antoine reste bouche bée, cette fille est d'une beauté irréelle et de surcroît elle l'a remarqué, cela le flatte et l'intrigue à la fois.
Il lui demande par où elle est rentrée, et celle-ci lui répond avec aplomb qu'elle est passée par la porte au fond du cimetière, celle qui donne sur la forêt.
Antoine reste perplexe, il est sûr de l'avoir verrouillée, mais il n'a pas le temps de le lui dire que la belle s'est évaporée, il aperçoit sa silhouette blanche qui semble voler sur le gravier.
Le lendemain à quatorze heures précises il se rend à l'adresse indiquée, il sonne à la porte d'entrée et c'est une très vieille femme qui vient lui ouvrir, elle semble très surprise de voir de ce jeune homme et lui demande la raison de sa visite.
Il demande à parler à Ambrine et tout de suite la vieille femme recule d'un pas, son teint devient blafard et des larmes roulent de ses yeux translucides.
-Vous connaissiez Ambrine ?
- Non mais elle est passée me voir hier soir et m'a invité à boire un café.
La vieille femme recule encore apeurée, ses larmes redoublent et dans un cri rauque elle lui lance...
- Mais Ambrine est morte depuis cinq ans maintenant.
Antoine recule à son tour, tout tourne autour de lui, il part en courant comme un fou vers le cimetière.
La porte était bien verrouillée...
Je vous invite à lire mon sonnet Roberto qui est en finale automne et à voter pour lui s'il vous a plu : https://short-edition.com/fr/oeuvre/poetik/Roberto
Bonne soirée à vous.