A la recherche de mon passé

Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux.
Jen ai rencontré des médecins dans ma vie. Jai consulté plusieurs ophtalmologues. Selon eux, mon problème serait dordre psychologique. Je me suis redirigée alors vers des psychologues mais sans aucun succès.
Me voici à présent devant un psychanalyste ou un hypnotiseur, dirai-je. Je nai pas lhabitude de croire en ces pratiques mais au point où jen suis, je nai pas vraiment le choix. Tout ce que je sais de mon enfance, cest que mes parents ont vécu dans un mariage arrangé qui na jamais marché. Dailleurs, je lai appris dune tante un peu trop bavarde.
Jétais donc là, assise devant ce psychanalyste. Le corps présent et lesprit ailleurs, jentendis vaguement sa voix me demander de lui raconter mon enfance. Cétait selon lui un moyen de guérir émotionnellement et avoir des réponses à mes questions. Il dit que cest en le lui racontant que je pourrai me délivrer de mon sort.
« Parler libère lhomme » dit-on ! Mais dans certains cas, il peut avoir leffet contraire. Or de nos jours, on parle dans nos sociétés de libertés dexpressions, d’égalités entre les genres, du respect des droits denfants... Foutaises !
Des gouttes de sueur perlent sur mon front, alors que je me trouvais dans une salle climatisée. Une partie de moi a peur et lautre veut juste défier lautorité de mes grands-parents. Ne mont-ils pas persuadé pendant tant dannées de ne pas chercher à connaitre la vérité ?
Le psy commença à prendre des notes dans son calepin. Je me demande ce quil pouvait bien écrire vu que je navais pas encore délié ma langue Il lève la tête de temps en temps pour mobserver. Tous ces mouvements, je pouvais les voir sans le voir. Je pouvais le sentir.
Il reprit en ces termes : «  Vous détenez une information sur votre enfance que vous ne voulez certainement pas faire renaitre en vous. Mais si vous désirez réellement guérir, vous devrez passer cette étape ». Il dit que jai rangé tous mes souvenirs denfance dans un vieux placard au fond de ma tête et quil était temps de le sortir. Drôle de manière de guérir nest-ce pas ? Me rappeler de mes douleurs pour aller mieux. Cela ma fait faire un sourire mais personne ne mavait obligé à aller vers lui.
Encore que mes souvenirs à moi, nont jamais été rangés dans un tiroir au fond dun vieux placard, enfoui dans ma cervelle. La simple raison est que je nen possédais aucune. Aucune avant mes 6 ans. Tout ce dont je me rappelle, cest davoir toujours été aveugle depuis mon enfance et davoir eu pour parents mes grands-parents.
Au commencement...! Pfff ! Je ne savais même pas où commencer ! Il me demanda de me replonger dans mes souvenirs denfance. La maison avant celle de mes grands-parents, mon école, mes amis. Moi je ne savais rien de tout ça. Eh bien je levai ma tête et la tourna vers mon jardin secret où je pouvais tout apercevoir. Car on na vraiment pas le choix, lorsque vous avez juste des yeux pour orner votre tête. Jentendis néanmoins la personne en face de moi ouvrir une nouvelle page. Que voulait bien-t-il écrire ? Je commençai à douter de ses compétences. La voix me dit : «  Prenez votre temps, je suis là pour vous écouter. »
Je ne réagis pas tout de suite en pensant à mes nombreuses recherches. Je souffrirais dune maladie psychosomatique qui se caractérise par des symptômes physiques affectant un organe ou un système physiologique et dont les causes sont principalement émotionnelles. Limpact de ce trouble dépend néanmoins de chaque individu et de sa capacité à gérer son stress et à canaliser ses angoisses.
Il alluma une musique contemplative, me parla lentement tout en insistant sur des taches à faire. Sa voix ! Cette voix ! Jétais certainement folle de penser en cet instant à la voix de mon psy. Je devrais me concentrer, alors jai commencé par mimaginer enfant. Puis je me vis dans une maison, des images défilaient devant moi. On aurait dit quun écran faisant de moi le téléspectateur de mon propre passé.
Mes parents faisaient partie de ces couples là. Pas damour, pas de promesses, deux curs opposés, un mariage arrangé. Il ne fallait pas être un génie pour le voir, encore moins être un enfant. Mon père a toujours été froid et distant et narrêtait pas de nous rabaisser à chaque fois quil en avait loccasion. Ma mère, quant à elle était tout le contraire. Chaque matin, elle me souriait en massurant que tout irait bien malgré les bleus présents sur son visage.
Elle ma toujours dit que ma venue a été la plus belle chose qui lui soit arrivée, mais quavoir un garçon aurait amoindrir les choses. Juste à mon prénom je lavais su : Mustapha ! Je ne dirai pas que tout était noir ! Mais des taches blanches sur le pagne noir, je pouvais les compter. La preuve ce soir-là, cétait mon anniversaire. Mes 6 ans ! On dînait tous à table et pour une fois mon père ma demandé de lui narrer un peu mes journées à la maison.
Jétais toute contente de pouvoir communiquer avec lui ! Mon papa ! Toute excitée comme une puce, je commençai. « Maman en cachette mappelait Ouria et non Mustapha. Aujourdhui jai entendu maman au téléphone avec Mamy. Elle pleurait beaucoup et parlait de la femme que tas ramené à la maison la dernière fois ». Je lui demandai finalement si la femme avec qui je lavais vu souvent, voulait prendre la place de maman.
Je naurais pas dû raconter tout cela en voyant lexpression de maman et celui de mon père.
Jentendis des bruits de pas, un rire sec puis la porte de ma chambre qui souvrit. Il se tenait devant moi, les yeux injectés de sang, sa ceinture dans la main gauche et le poing droit serré. Javais peur et mes mains tremblaient. Je savais quil fallait que je prie directement le créateur du Ciel et de la Terre, pour mépargner de la correction quil voulait minfliger. Allah ! Allah ! Allah ! Disais-je en continuité.
Ma mère est entrée en tremblant dans la chambre, les larmes aux yeux et le visage couvert de bleus. Elle sest agenouillée et a demandé pardon à mon père. Elle disait quelle allait recevoir les coups à ma place et quà mon âge je ne comprenais rien. Elle sétait levée pour larrêter mais il la violement poussé contre le mur. Et elle est tombée. Jai couru vers elle et crier ! Maman ! Lève-toi ! Javais du sang sur mes mains et là javais compris. Elle avait le souffle court et jai senti sa dernière respiration. Mon père se trouvait toujours debout mais sa rage laissa place à la peur.
Il me prit alors par les bras et me secoua avec force. Il mamena  vers le placard de ma chambre et my enferma après ces mots : « Tu nas rien vu, rien du tout ! Tout ça cest de ta faute ! ». Je lavais entendu crier, tourner en rond puis séloigner. Javais fermé mes yeux et me répétait sans cesse : « Papa a poussé maman mais je nai rien vu ! Je nai rien vu ! Je nai pas vu. »
Javais attendu longtemps, seule dans le noir et ma mère certainement couchée par terre à lautre bout de la pièce. Des minutes, des heures, des jours écroulés ! Je ne saurai le dire. Je métais réveillée plus tard dans un autre lit autre que le mien. Javais refermé puis rouvert mes yeux. Je ne voyais que du noir. Je me mis à crier et une femme vint vers moi et me serra dans ses bras. Je lai senti à son étreinte que ce nétait pas ma mère puis elle sest présentée en tant que ma mamy. Cétait la fin du film.
Je me suis levée du fauteuil où jétais étendue confortablement dans le bureau du psy. Des larmes coulaient de mes yeux. Je ne marrêtais pas de pleurer. Le psy me tendit un papier mouchoir. Devrait-il encore parlé ? Je venais davoir toute seule la réponse à mes questions. Jétais le seul témoin de cette scène et javais rayé toute cette partie de ma vie sous lordre de mon père. Depuis toutes ces années, je suivais toujours le conseil de mon père. Je savais quoi faire à présent. Jai la chance de voir à nouveau contrairement à ma mère...