“Racontez-nous votre première fois” demande le bel homme qui lui fait face. Il a le teint légèrement poudré de ses semblables. Il se tient droit, costume propre et sans un pli. Des dents blanches qui apparaissent en rythme derrière des lèvres fines. Une vague odeur de cologne le précède et le suit. Elle connaît ce genre d’homme. Il y en a eu de plus en plus au fil des ans. Quelques femmes aussi, mais moins. Elle sait qu’elle doit répondre à ses questions. C’est la règle.
“Ma première fois?”
Elle hésite. Il l’encourage d’un petit hochement de tête. Professionnel, aux aguets.
Que dire?
La première fois, c’était avec un petit noiraud, son voisin, son copain d’enfance. Elle avait dit oui, pour lui faire plaisir, sans trop y penser. Si elle avait dit non, son histoire aurait été bien différente, elle s’en rend compte. Mais elle avait dit oui et c’est pour ça qu’elle en était là aujourd’hui.
Sa première fois. Elle se rappelle l’avoir suivi jusqu’au vieux hangar en tôle ondulée. Il y faisait chaud. L’air sentait la poussière et la sueur. Il avait enlevé son pull sans plus de cérémonie et il n’avait pas fallu longtemps avant qu’elle en fasse de même.
Lorsqu’il s’était mis à s’agiter, elle n’avait pas bien compris. Elle l’avait imité au mieux, attentive et appliquée. Elle était depuis sa naissance une enfant consciencieuse.
Ça n'avait pas duré longtemps. Il faisait vraiment chaud et l’odeur de la sueur lui piquait le nez. Lorsqu'il s’était arrêté, elle avait souri vaguement en attendant qu’il rassemble ses affaires. Quand il avait demandé: “Alors?”. Elle avait souri un peu plus. Ca avait semblé le satisfaire.
Peu après, il avait voulu remettre ça. L’envie était là, dans ses yeux brillant, dans son corps jeune agité d’impatience. Elle n’avait pas su dire non. Elle n’avait pas eu de raison de le faire. Elle s’ennuyait, seule chez elle. Elle ne voulait pas le décevoir. Elle ne voulait pas qu’il se tourne vers quelqu’un d’autre. Elle l’avait suivi à nouveau au hangar métallique.
Ce jeu, étrange, elle ne le maîtrisait pas. Elle ne savait pas encore donner le change. Elle n’y mettait pas beaucoup du sien et il l’avait bien vite vu.
Il s’était assombri et immobilisé.
“Tu n’aimes pas?”
“Si, si!” elle avait répondu un peu trop vite. Ses cheveux en désordre la démangeaient. Sa bouche, sèche, lui semblait pâteuse. “Il faut que je m’habitue”, avait-elle ajouté pour combler le malaise qui s’installait.
Il lui avait laissé le bénéfice du doute. Pour cette fois. Mais elle avait su à ce moment qu’elle devrait faire mieux la prochaine fois. Ça ne serait pas si facile. Il n’était pas stupide. Elle devrait s’appliquer. S’impliquer. Pour le retenir dans ces échanges qu’elle n’était même pas sûre d’apprécier, mais que déjà elle ne voulait plus abandonner. Parce que c’est comme ça qu’il l’aimait. Et de l’amour, elle en était affamée en permanence.
Alors, c’est elle qui avait pris les devant.
“Demain, même heure?”
Il avait été méfiant. Mais il en avait tellement envie! Alors, il avait dit oui.
Le soir, dans sa chambre, elle s’était préparée corps et âme. Le corps, c’était facile. Elle était jeune, vive, forte. Il lui suffisait d’une tenue appropriée pour emballer sa chaire prête à l’action. L’âme, finalement, ce n’avait pas été difficile non plus. Elle avait déjà décidé qu’elle ne lâcherait pas l’affaire. Sa volonté ne faiblirait pas. Il ne lui restait qu’à apprendre. A s’améliorer. A pratiquer. Elle s’était endormie confiante de ses futures victoires.
A l’heure dite, elle s’était rendue au hangar, déterminée. Elle l’avait attendu en lissant sa tenue trop voyante, frissonnant dans le vent qui s’était levé. Aurait-elle dû prévoir une veste? Juste le temps qu’ils s’y mettent?
Lorsqu’il était arrivé, il n’était pas seul. Une petite blonde et son jumeau l’accompagnaient. Ils riaient tous les trois en s’approchant. Elle s’était sentie vaciller, incertaine de la tournure des événements.
“Mes cousins”, avait-il lâché, arrivé à quelques pas. "Ça t'embête pas?”
Il avait dit ça d’une façon tellement naturelle. Sans la moindre hésitation. Les jumeaux avaient souri. Elle s’était rendu compte qu’elle avait encore tellement à découvrir. Tellement à apprendre. Alors pourquoi pas?
Ils étaient entrés, les quatre, dans le hangar. La chaleur les avait enveloppés et la porte s’était refermée sur leurs jeunes corps impatients.
“Racontez-nous votre première fois”, répète l’homme à la belle prestance en comblant le silence d’un nouveau sourire éclatant. Elle revient à elle. Focus.
Le terrain. Le présentateur. Sa victoire. Elle a vingt-cinq ans maintenant. Elle vient de remporter le tournoi national de tennis. Le début d’une longue carrière. Un jour de gloire!
“Ma première fois?”
Elle veut garder pour elle ses souvenirs d’enfance, trop intimes pour les partager. A la place, elle invente. Elle a appris à donner le change.
“La première fois que j’ai mis les pieds sur un court de tennis...”
“Ma première fois?”
Elle hésite. Il l’encourage d’un petit hochement de tête. Professionnel, aux aguets.
Que dire?
La première fois, c’était avec un petit noiraud, son voisin, son copain d’enfance. Elle avait dit oui, pour lui faire plaisir, sans trop y penser. Si elle avait dit non, son histoire aurait été bien différente, elle s’en rend compte. Mais elle avait dit oui et c’est pour ça qu’elle en était là aujourd’hui.
Sa première fois. Elle se rappelle l’avoir suivi jusqu’au vieux hangar en tôle ondulée. Il y faisait chaud. L’air sentait la poussière et la sueur. Il avait enlevé son pull sans plus de cérémonie et il n’avait pas fallu longtemps avant qu’elle en fasse de même.
Lorsqu’il s’était mis à s’agiter, elle n’avait pas bien compris. Elle l’avait imité au mieux, attentive et appliquée. Elle était depuis sa naissance une enfant consciencieuse.
Ça n'avait pas duré longtemps. Il faisait vraiment chaud et l’odeur de la sueur lui piquait le nez. Lorsqu'il s’était arrêté, elle avait souri vaguement en attendant qu’il rassemble ses affaires. Quand il avait demandé: “Alors?”. Elle avait souri un peu plus. Ca avait semblé le satisfaire.
Peu après, il avait voulu remettre ça. L’envie était là, dans ses yeux brillant, dans son corps jeune agité d’impatience. Elle n’avait pas su dire non. Elle n’avait pas eu de raison de le faire. Elle s’ennuyait, seule chez elle. Elle ne voulait pas le décevoir. Elle ne voulait pas qu’il se tourne vers quelqu’un d’autre. Elle l’avait suivi à nouveau au hangar métallique.
Ce jeu, étrange, elle ne le maîtrisait pas. Elle ne savait pas encore donner le change. Elle n’y mettait pas beaucoup du sien et il l’avait bien vite vu.
Il s’était assombri et immobilisé.
“Tu n’aimes pas?”
“Si, si!” elle avait répondu un peu trop vite. Ses cheveux en désordre la démangeaient. Sa bouche, sèche, lui semblait pâteuse. “Il faut que je m’habitue”, avait-elle ajouté pour combler le malaise qui s’installait.
Il lui avait laissé le bénéfice du doute. Pour cette fois. Mais elle avait su à ce moment qu’elle devrait faire mieux la prochaine fois. Ça ne serait pas si facile. Il n’était pas stupide. Elle devrait s’appliquer. S’impliquer. Pour le retenir dans ces échanges qu’elle n’était même pas sûre d’apprécier, mais que déjà elle ne voulait plus abandonner. Parce que c’est comme ça qu’il l’aimait. Et de l’amour, elle en était affamée en permanence.
Alors, c’est elle qui avait pris les devant.
“Demain, même heure?”
Il avait été méfiant. Mais il en avait tellement envie! Alors, il avait dit oui.
Le soir, dans sa chambre, elle s’était préparée corps et âme. Le corps, c’était facile. Elle était jeune, vive, forte. Il lui suffisait d’une tenue appropriée pour emballer sa chaire prête à l’action. L’âme, finalement, ce n’avait pas été difficile non plus. Elle avait déjà décidé qu’elle ne lâcherait pas l’affaire. Sa volonté ne faiblirait pas. Il ne lui restait qu’à apprendre. A s’améliorer. A pratiquer. Elle s’était endormie confiante de ses futures victoires.
A l’heure dite, elle s’était rendue au hangar, déterminée. Elle l’avait attendu en lissant sa tenue trop voyante, frissonnant dans le vent qui s’était levé. Aurait-elle dû prévoir une veste? Juste le temps qu’ils s’y mettent?
Lorsqu’il était arrivé, il n’était pas seul. Une petite blonde et son jumeau l’accompagnaient. Ils riaient tous les trois en s’approchant. Elle s’était sentie vaciller, incertaine de la tournure des événements.
“Mes cousins”, avait-il lâché, arrivé à quelques pas. "Ça t'embête pas?”
Il avait dit ça d’une façon tellement naturelle. Sans la moindre hésitation. Les jumeaux avaient souri. Elle s’était rendu compte qu’elle avait encore tellement à découvrir. Tellement à apprendre. Alors pourquoi pas?
Ils étaient entrés, les quatre, dans le hangar. La chaleur les avait enveloppés et la porte s’était refermée sur leurs jeunes corps impatients.
“Racontez-nous votre première fois”, répète l’homme à la belle prestance en comblant le silence d’un nouveau sourire éclatant. Elle revient à elle. Focus.
Le terrain. Le présentateur. Sa victoire. Elle a vingt-cinq ans maintenant. Elle vient de remporter le tournoi national de tennis. Le début d’une longue carrière. Un jour de gloire!
“Ma première fois?”
Elle veut garder pour elle ses souvenirs d’enfance, trop intimes pour les partager. A la place, elle invente. Elle a appris à donner le change.
“La première fois que j’ai mis les pieds sur un court de tennis...”