Dis, pépé, pourquoi t’es tout bleu ?
Dis, pépé, pourquoi tes yeux coulent tout seuls ?
Dis pépé, pourquoi tu baves
... [+]
Le petit voyageur
il y a
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Finaliste
Jury
Jury
Chez nous, il se raconte une histoire
Une histoire de ventrée
C'était il y a longtemps, les années mille sept cent
En ce temps-là, passaient des navires, des tempêtes
Les anciens en avaient fait des récits pour les soirs de disette
Ils disaient que parfois, un objet venait se coincer entre leurs écailles
Un objet
Collier de laiton
Bout de chiffon, jute bigarré
Un objet
Une dent, un os
Ce matin-là, c'était l'été, janvier
La nuit, en témoin, avait su le naufrage, pavillon hollandais
La bouche du fleuve était devenue ogresse
Le Maroni et ses mâchoires d'eau avaient tout engouffré
Tout englouti
Tout
Alors nous, je veux dire nous les poissons
Ventres vides, joues creuses, mucus secs
Nous allions profiter de l'aubaine
La voici, la ventrée
Le bateau était de bois, mélèze tout percé, voiles arrachées
Soute lourde, hurlante au début
Puis lourde toujours mais silencieuse à la fin
C'était le requin, le vieux, le costaud
C'était le requin qui avait ouvert la voie, une brèche pour la ventrée
Il y avait du sable, des corps, de quoi manger
La ventrée, bon dieu, la ventrée !
Nos ancêtres les poissons, acoupas, raies, vivaneaux, congres
Et même les crevettes, peaux tremblantes, regards de larmes
Nos ancêtres avaient enterré les morts du submersible plutôt que de les dévorer
Ils étaient en paquets, en ballots, chaînes de fonte aux pieds, aux poignets
Au fond du delta guyanais, il y avait un creux
Alors la ventrée, putain de ventrée, ils y avaient renoncé
Et le trou, au large d'Awala Yalimapo
Le trou fut tombeau
Ils étaient des centaines, lest du Leusden
Un enfant parmi eux, son prénom gravé au couteau sur sa peau
Un enfant était là
Il s'appelait Oulanahi, ça veut dire Petit voyageur
Sa vie valait le prix d'une mangue
Quelques grains de café
Une histoire de ventrée
C'était il y a longtemps, les années mille sept cent
En ce temps-là, passaient des navires, des tempêtes
Les anciens en avaient fait des récits pour les soirs de disette
Ils disaient que parfois, un objet venait se coincer entre leurs écailles
Un objet
Collier de laiton
Bout de chiffon, jute bigarré
Un objet
Une dent, un os
Ce matin-là, c'était l'été, janvier
La nuit, en témoin, avait su le naufrage, pavillon hollandais
La bouche du fleuve était devenue ogresse
Le Maroni et ses mâchoires d'eau avaient tout engouffré
Tout englouti
Tout
Alors nous, je veux dire nous les poissons
Ventres vides, joues creuses, mucus secs
Nous allions profiter de l'aubaine
La voici, la ventrée
Le bateau était de bois, mélèze tout percé, voiles arrachées
Soute lourde, hurlante au début
Puis lourde toujours mais silencieuse à la fin
C'était le requin, le vieux, le costaud
C'était le requin qui avait ouvert la voie, une brèche pour la ventrée
Il y avait du sable, des corps, de quoi manger
La ventrée, bon dieu, la ventrée !
Nos ancêtres les poissons, acoupas, raies, vivaneaux, congres
Et même les crevettes, peaux tremblantes, regards de larmes
Nos ancêtres avaient enterré les morts du submersible plutôt que de les dévorer
Ils étaient en paquets, en ballots, chaînes de fonte aux pieds, aux poignets
Au fond du delta guyanais, il y avait un creux
Alors la ventrée, putain de ventrée, ils y avaient renoncé
Et le trou, au large d'Awala Yalimapo
Le trou fut tombeau
Ils étaient des centaines, lest du Leusden
Un enfant parmi eux, son prénom gravé au couteau sur sa peau
Un enfant était là
Il s'appelait Oulanahi, ça veut dire Petit voyageur
Sa vie valait le prix d'une mangue
Quelques grains de café

Pourquoi on a aimé ?
L’angle très inattendu – du point de vue des poissons – offre un regard très original au naufrage Leusden, et souligne l’horreur de ce
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Pourquoi on a aimé ?
L’angle très inattendu – du point de vue des poissons – offre un regard très original au naufrage Leusden, et souligne l’horreur de ce