À l'époque où les billes débordaient de mes poches,
En ces jours agités dans ma tête de pioche,
Je voulais un vélo, et... [+]


« Je pars avec de bons souliers et des habits superbes,
Je n'ai que moi à défendre, je ferai de mon mieux. »*
Il faisait de son mieux, reprendre un carré d'herbe,
Un buisson, un taillis pour sauver la patrie,
Pour le coucher à terre, ajuster l'ennemi,
La balle entre les yeux, éteindre la lumière.
La fleur à son fusil, une drôle de guerre,
Tout cela est si loin, le jour où il partit,
Dans ses habits superbes, le cœur en bandoulière.
Aujourd'hui, il est là, et depuis mille jours,
La légende des siècles le soir il se raconte
Pour oublier sa peur qui se couvre de honte.
Les guêtres dans la fange, il tient encore debout,
Il ne sait jusqu'à quand. S'il reste encore un homme,
C'est à grands coups de gnole, et la ration de rhum
Qu'avant chaque combat il avale en riant.
Et soudain, en hurlant, ils sortent de leur tombe,
La tranchée protectrice qui s'écroule sur eux.
Ignorant le fracas, l'horreur de l'hécatombe,
Sur un coup de sifflet hystérique et vengeur,
Ils obéissent à l'ordre des rêves de vainqueurs.
Il revoit le soleil, enrubanné de brume.
Un douloureux éclat le foudroie à son tour.
Ultime rendez-vous, il repense à sa brune,
Qui demain, sans un mot, terrassée d'amertume,
Dans un dernier sanglot, écrira l'épitaphe
Naïve et incongrue pour un suprême hommage.
« Parti avec de bons souliers et des habits superbes. »
* Paroles de Poilus

extrait de "Ceux de 14", immense bouquin.
" Sur le front de Soriot, le mouchoir est devenu rouge. Ses pieds aux talons joints
dépassent les bords du brancard. Ses mains à demi closes ont une pâleur de cire...
Pauvres pieds bottés de cuir rude et de boue! Pauvres mains inertes! Pauvre homme!..."
Cet extrait de "La boue" est en phase avec votre poème. Après les combat de l'été 14,
ce furent les longs mois d'attente et d'enlisement, comme vous le dites avec talent...
harassée, ces reins ployés, ces fronts inclinés vers la terre, lesquels de ces enfants habillés en soldats portaient déjà, ce soir, leur cadavre sur leur dos." Genevoix
NB : Je n'ai pas voté pour votre haïku car cette forme, trop courte pour moi, ne me parle pas. Je me rattrape avec ce poème plus long et très beau.