Une idylle un cauchemar

Toute histoire commence un jour, quelque part naissant d’un drame, d’une belle rencontre... La mienne sera couleur d’arc en ciel. Je l’écris comme une thérapie dans un besoin d’avancer et de pardonner pour être libérée. Puisqu’ elle est mienne, je décide la commencer dans le bureau du Professeur Assogbavi Steeve. J’ai, en effet, été convoquée par lui après les plaintes d’un interne. J’aurais refusé d’aller lui payer son plat de riz dehors. Je suis désolée mais mes parents ne m’ont pas envoyée en fac de médecine pour servir de coursier aux ainés ! Je me demande s’il a osé aller se plaindre sur la vraie raison de mon « impolitesse ».
- oui...demoiselle Sylvanus, j’ai eu vent de votre manque de discipline. Peu importe ce que votre interne vous a demandé de faire, vous n’aviez qu’à obtempérer ! La médecine c’est l’armée sans les armes : c’est-à-dire obéir d’abord et réclamer ensuite.
- Professeur j’aimerais...
- Je ne veux pas votre version des faits ! Et de quel droit osez-vous m’interrompre mademoiselle ? D’accord ! Une semaine de garde saura-vous remettre les idées en place. Vous commencez dès ce soir. Vous pouvez disposer.
La dure à cuire que j’étais, fondis en larmes, sous le regard très satisfait de l’ainé qui était debout derrière moi.
- Sortez de mon bureau !cingla encore le professeur.
Je ne me fis par prier et me dirigeai vers la sortie....
Les huit jours de garde ? Je les fis. Devant tous, je gardai la tête haute, ma bonne humeur, ma jovialité même si mon être criait vengeance.
A ma descente de garde le huitième jour, je rentrai chez moi toute épuisée et m’endormie automatiquement. A mon réveil, mon portable affichait un message : «  bonsoir mademoiselle Sylvanus. C’est le professeur Assogbavi. Je comprends que vous devez être fatiguée de toute cette longue garde. J’ai tenté de vous joindre sans succès. Juste pour vous dire que je crois que malgré votre caractère bien trempé, vous êtes une jeune fille agréable et intelligente. Ma porte vous est ouverte, quel qu’en soit le motif. J’aimerais pour vous, être un père, un mentor et aussi un ami...pour balayer cet incident. »
J’étais abasourdie mais le sommeil ne me laissa pas y réfléchir et me rendormis.
Le lendemain, je me réveillai de très bonne humeur. J’avoue que recevoir un message du plus sexy professeur de la fac n’était pas pour me déplaire. Nous étions presque à la fin du mois donc côté finance c’était galère. J’allais devoir me contenter ce soir d’un vieux riz sans viande. Tout ça passera... Tout à coup, je reçu un appel venant d’un numéro inconnu :
- Allo, bonsoir mademoiselle Sylvanus, votre tonton à l’appareil
- (j’avais reconnu la voix chaude et moelleuse du professeur) Bonsoir professeur
- Ta voix est savoureuse au téléphone...comment vas-tu miss ?
- Bien professeur, merci ; dis-je hésitante
- Alors que fais-tu de ta soirée, j’avais envie d’aller manger mais la perspective d’y aller seul ne m’enchante guère...es-tu tentée ? J’aimerais mieux vous connaitre (il passait du « vous » au « tu » d’une manière trop troublante !)
- D’accord professeur. Je m’apprête et je viens où ?
- Devant le CHU
Une heure plus tard, j’étais à l’endroit prévu, j’avais peur que quelqu’un nous voit et ne se fasse des idées.
Ce soir-là, je découvris un homme merveilleux. Un homme tendre, charmeur, pas méchant. Vraiment, heureusement que j’ai accepté ce diner c’était très bien. Le professeur m’a amené chez lui. Nous avons mangé du lapin au vin qu’il a cuisiné lui-même. Il m’a expliqué qu’il s’est dit qu’étant en weekend end, nous avions plus de chances de croiser des gens connus qui pourraient se faire des idées sur le type de relations que nous entretenions.
Ce fut le début d’une belle histoire d’amitié qui dura six semaines. Derrière sa carapace de professeur, c’était vraiment un homme fabuleux, respectueux, galant et sérieux. Il savait me parler me faire comprendre les choses. Je sentais que je devenais une meilleure personne à ses côtés. Puis, tout doucement je sentis qu’il ne se rendait plus disponible pour nos échanges et rencontres. Au début, je mis cela sur le compte des cours qu’il avait commencé à dispenser...puis non les cours passèrent mais la distance s’accentuait. Un jour, alors que je sortais prendre un peu d’air dehors, je le vis garer devant ma cour! Je poussai un petit cri d’étonnement. Il entra chez moi et s’assit avant de m’adresser un « bonsoir ma puce »
- Bonsoir professeur, je suis surprise de te voir la
- Oui il faut qu’on parle Zita. Tu as du remarquer ma distance depuis quelques semaines ; je vais être franc avec toi...ça peut t’effrayer ce que je veux te dire mais j’estime que tu es une grande fille et que tu peux comprendre...que tu as le droit de savoir...
Mes yeux écarquillés luisaient de questions.
- Je suis tombé amoureux de ton innocence, de ton intelligence...apprendre à te connaitre a été fatal pour moi, je n’en peux plus de faire semblant : je t’aime.
Je n’ai pas réfléchis...je me suis jetée dans ses bras et je l’ai embrassé lui communiquant toute la tendresse d’un baiser que je brulais inconsciemment de lui donner depuis la première fois que nous avions diné ensemble...Nous n’avons pas beaucoup parlé, nos corps s’en sont chargés. C’était merveilleux.
Steeve était vraiment attentionné et aimant. Je pouvais toujours compter sur lui en toutes circonstances. Financièrement je n’osais pas lui demander de l’argent, mes parents m’envoyaient le peu qu’ils pouvaient... Mon chéri avait fait un lourd prêt à la banque et cela pesait sur lui. Je m’étais tellement attachée à cet homme que je commençai à considérer la question du mariage. J’étais prête à me sacrifier pour lui...devenir sa deuxième femme. Je lui ferai le nombre d’enfants qu’il voudra. J’espérais de tout cœur qu’il aborde très vite ce sujet.
Hier, j’avais appelé ma mère pour l’informer de mon idylle. Elle n’était pas ravie comme je m’y attendais mais je devais le faire puisque bientôt Steeve viendrait demander ma main.
Ce soir nous avions rendez-vous mais je vais décommander je préfère rentrer lire mes cours qui s’accumulent de plus en plus. Je suis amoureuse je n’arrive plus à apprendre. Il faut que je me reprenne. Je rentrai à la maison aux environs de 17h, très épuisée. Je n’eus que la force de me jeter sur le lit et m’endormir. A 20h, à mon réveil, je décidai de lui faire une surprise et d’aller dormir chez lui. Ayant ma clé, j’entrai sans sonner chez lui et me dirigeai vers son petit bureau. Dans le couloir, je croisai une jeune fille en tenue d’Eve. C’était une de nos ainées elle devait être en sixième année. A ma vue, elle poussa un petit cri de surprise et se précipita dans la chambre de Steeve.
- Louvette, que se passe-t-il ? ouï-je dire
- Ce n’est que moi, criai-je toute furieuse, que fait-elle là et dans cette tenue ? Puis ce fut le trou noir. A mon réveil, j’étais allongée dans son lit... une perfusion en cours.
- Enfin tu es réveillée ! que s’est-il passé Zita ? étais-tu souffrante ? tu as fait un malaise devant mon portail.
- C’était qui l’autre fille ?
- Quelle fille ?
- Celle qui était ici avec toi avant mon arrivée. Tu es un menteur Steeve ! je te hais !
- Mais arrête ! il n’y avait aucune fille ici. Comment peux-tu penser une chose pareille ? Regarde ! tu brules de fièvre...tu as eu tes règles ce mois-ci ?
- Euh... que vient faire cette question dans notre conversation ?
- C’est parce que je trouve que ça ne te ressemble pas de t’évanouir comme ça.
- Je n’ai pas encore eu mes règles. Il faut que je vérifie. Je retrouvai mon petit carnet où je notais les dates importantes de mon cycle: j’avais un retard d’environ 3semaines ! Je ne savais pas s’il fallait rire ou pleurer .Ce bébé, s’il existait, était le fruit de mon amour pour lui, cet homme merveilleux que j’aimais si fort. Au même moment, j’avais la peur au ventre.
- Les résultats de la prise de sang sont arrivés : le test de palu est positif...celui de grossesse aussi ; bravo !
- Pourquoi t’adresses-tu à moi sur ce ton accusateur ? je ne t’ai rien fait !
- Ce n’est pas moi qui suis tombée enceinte Zita, ce n’est pas moi qui ai cherché à piéger un homme déjà marié !
- Mais je ne suis pas tombée enceinte toute seule non ? criai-je ! Je vais rentrer à la maison Steeve, on va en reparler samedi...le temps de digérer la nouvelle et de prendre des décisions.
- Ok je te dépose, dit-il froidement
Les jours s’écoulèrent tout doucement jusqu’au jour où nous devrions nous asseoir et discuter calmement. C’était clair dans ma tête : il va falloir faire des projets : d’abord informer sa femme, ensuite mes parents. Nous ferons alors le programme pour le mariage traditionnel avant que la grossesse ne soit visible et puis nous préparerons correctement la venue du bébé. Madame Assogbavi Zita ça sonnait bien.
La journée du Samedi, vers 18h, j’entendis sa voiture se garer à ma porte. Dès qu’il entra, Steeve, contre toute attente se mit à pleurer. Ces larmes étaient pour moi la preuve de son amour. Quand les larmes tarirent, nous pûmes enfin échanger.
- Qu’allons-nous faire ma puce ? un peu de moi grandit en toi...As-tu réfléchis ? pourras-tu l’annoncer à la terre entière que tu portes mon enfant ?plus rien ne sera pareil. Tu n’es qu’en deuxième année, il te reste encore 5ans. Qu’allons-nous faire ?
- Ne t’inquiète pas chéri, ensemble, nous serons fort. Notre amour triomphera de tous les obstacles.
- Nous ne pouvons pas garder cette grossesse ! Tu ne penses pas que j’ai raison ?
- (j’avais la tête baissée, des larmes silencieuses coulaient de mes yeux)
- Je veux faire les choses dans les règles. On attend que tu sois en 3e année. Ensuite, j’irai demander ta main chez tes parents et vers fin 4e année on pourra faire notre premier enfant.
- Et ce bébé qui grandit en moi?
- Il sera le catalyseur d’une belle histoire d’amour chérie, un peu comme un martyr. Puisque sa venue m’a fait prendre conscience qu’il fallait que je prenne mes responsabilités envers toi et faire de toi la femme que j’attendais... Laisser ce bébé venir au monde n’engendrera que regrets et malheurs : je ne veux pas te perdre Zita.
- Et si après je n’arrive pas à tomber enceinte, demandai-je les yeux écarquillés par la peur ?
- Non, je connais un bon gynécologue, tu n’auras ni douleurs ni séquelles, je te le promets chérie
- Non, va-t’en. Je m’étais promis de ne jamais faire d’avortement...jamais ? J’en ai déjà fait une fois...avec mon ex. Je n’étais pas prête j’avais 19ans, nous étions jeune. Je n’ai pas été assez forte pour protéger mon enfant : cette culpabilité me rongera toujours ; cela ne se reproduira plus jamais. S’il le faut j’assumerai seule cette grossesse.
Après cette discussion, Steeve s’en alla et je n’eus de ses nouvelles qu’un mois plus tard. En effet, un soir, il vint chez moi, tentant de m’expliquer combien je lui manquait et comment il avait pris peur à l’annonce de ma grossesse et qu’il avait fait et dit des choses qu’il ne devait pas. Il demandait même mon pardon et voulait avec moi recoller les morceaux. La réconciliation se passa naturellement, il m’emmena passer quelques jours chez lui pour me faire oublier ces durs moments. Arrivés chez lui, il avait déjà concocté un petit plat pour nous.
- Tu veux boire du jus de tamarin, je l’ai fait moi-même.
- Oui je veux bien, hum c’est très bon. (Je bus cette douceur d’un trait ! c’était vraiment délicieux). Tu n’as pas bien remué. On dirait qu’il reste du sucre vanille au fond du verre.
- Ah bon ? tu es sure ? tu dois avoir raison. On mange ? ça va refroidir.
Le repas se déroula dans une bonne ambiance. A la fin du repas, je commençai à ressentir une douleur insoutenable dans le bas-ventre.
- Steeve je ne me sens pas bien. Je ressens une douleur atroce dans le bas-ventre.
- Ah oui ? Calme-toi ça va passer, attendons de voir, peut –être dans une heure si ça ne va pas je vais te faire du spasfon
- Je pense qu’il faut le faire maintenant, dis-je en pleurant. Regarde...du sang coule, je saigne, oh mon Dieu, mon bébé!
- Je vais te donner un anti spasmodique et demain on ira à l’hôpital
- Demain ? Mais c’est une urgence ! Je crois que je suis en train de perdre notre bébé !! fais quelque chose Steeve.
- Mais calme-toi bon sang ! je gère la situation. Tiens du spasfon comprimé, mets sous la langue, ça va te soulager.
- D’accord, dis-je d’une voix à peine audible, la douleur insoutenable m’abattait sérieusement. Je pris les deux comprimés blancs dans ma main, attendant le verre d’eau que Steeve m’apporterait. Les comprimés avaient une forme losangique, je pensai machinalement aux firmes pharmaceutiques qui changeait les noms, les couleurs et même les formes des comprimés juste pour jouer sur la psychologie des malades.
- Tiens chérie, j’espère qu’après ça, tu iras mieux. Je suis désolé, le bébé va bien ?
A peine eut-il posé la question que je senti comme une forte envie d’aller aux toilettes. Je courus sur le pot, les douleurs étaient de plus en plus atroces. Je sentis une boule sortir de moi et dès qu’elle sortit, les douleurs diminuèrent. Je compris que Priscillia était dans le pot. J’hurlai de douleur comme une louve. Mon bébé, mon cœur était comme broyé, ma tête était prête à exploser. Mon bébé !!!!
- Que se passe-t-il ?
- Je viens d’expulser, je ne comprends pas, j’allais bien, ce n’est pas possible
Steeve retourna dans la chambre me laissant seul dans les toilettes. Je me mis à jeter autour de moi des regards affolés, à la recherche de quelque chose, un espoir sur lequel me fonder, ça ne pouvait être qu’un rêve. Mon regard fut attiré par une petite plaquette de comprimé, je ne sais pas pourquoi mais je la pris de la poubelle. C’était du Misoprostol : un comprimé abortif. Qu’es ce que ça faisait là ? Tout d’un coup ce fut comme si un voile tombait de mes yeux : les comprimés losangiques, la poudre au fond du jus de tamarin...il a tué mon bébé ; il pourrait me tuer aussi. Une grande frayeur m’envahit. Cet homme a été capable de ça...et moi qui croyait vivre une belle histoire d’amour ! Mes douleurs pelviennes ne me disaient plus rien. Je me levai péniblement du pot, pris un bain et de bonnes résolutions...
Je rentrai cette nuit même chez moi, sans explication aucune. Cet étranger ne chercha pas à comprendre. Seulement, je voyais bien qu’il n’arrivait pas à cacher sa joie : l’enfant maudit était hors d’état de nuire. Après 5jours de saignements ininterrompus, je me résignai à aller voir un gynécologue qui me soigna. On me fit une aspiration des débris ovulaires : en effet, il restait le sac gestationnel sans mon bébé. Je rentrai chez ma mère dès le lendemain pour m’abreuver de son amour que je sais être vrai .Je ne sais pas si j’aurai le courage de lui raconter mon cauchemar, le temps nous le dira. J’ai risqué ma vie pour un amour fondé sur les paroles mielleuses d’un étranger que je croyais connaître. J’ai payé cher ma naïveté mais on ne m’y reprendra plus.