Les douleurs s'intensifiaient, et avec elles, la peur.
Les contractions avaient débuté depuis déjà quelques heures, mais elles étaient devenues atroces.
Le bébé mettait un temps infini
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J'avais fortement entamé ma treizième année lorsque je les ai eues pour la première fois. J'étais depuis longtemps avertie, et initiée à la conduite à tenir lorsque ce moment arriverait. Copines, amies (qui elles les avaient pour certaines depuis deux ans déjà) et mère s'étaient depuis longtemps chargées de mon éducation. Je n'y pouvais rien, j'étais en retard, et de ce fait, pas encore tout à fait sortie de l'enfance. Même Betty, ma meilleure amie (quand nous n'étions pas chez elle, nous étions chez moi), me faisait sentir, sans jamais l'exprimer clairement que des pans entiers du monde réel m'étaient encore interdits à cause de ce retard dans mes mécanismes physiologiques les plus intimes. Je compris mieux de quoi il retournait lorsque le lendemain, cette fois nous étions chez elle, dans sa chambre, où personne ne venait jamais nous déranger, lui ayant appris qu'enfin, je les avais depuis hier, elle me lança : « Maintenant, on va pouvoir te trouver un mec ! » Je n'étais pas certaine de saisir toutes les finesses associant le fait d'avoir ses règles pour la première fois, et de pouvoir sortir avec un garçon, mais depuis que nous étions amies, depuis l'école primaire, j'avais toujours eu une confiance aveugle envers Betty et sa connaissance des arcanes de ce monde, ce qui me permettait de cacher mon ignorance souvent crasse en toutes sortes de matières qu'elle semblait posséder, elle, sur le bout des doigts. Je pris donc sa remarque comme évidente, naturelle, indiscutable, et j'acquiesçai d'un hochement de tête déterminé.
Je n'étais pas totalement innocente. Je connaissais « en gros » le processus, cependant il y avait encore pas mal d'éléments qui échappaient à mon entendement. Ainsi le rôle exact du mâle me restait encore en grande partie masqué, malgré les cours d'éducation sexuelle, malgré les tentatives d'explications de mère, qui pourtant était persuadée de s'exprimer clairement, et sans pudibonderie inutile. Et aussi délurées fussent-elles ou se prétendaient-elles, ni Betty, ni Martine, ni Alexia, ni aucune autre n'en savait beaucoup plus. En fait, tout cela paraissait assez confus inquiétant et vaguement délirant.
Je décidais de rattraper immédiatement le temps perdu. Non que j'en aie une envie folle, mais c'était apparemment indispensable. Trouver un partenaire ne fut pas un problème, j'étais déjà, malgré mon retard, une belle plante, et je n'eus que l'embarras du choix parmi tous ceux avec qui Betty s'entremit pour moi. Absurdement, si son prénom m'est totalement sorti de l'esprit, je me rappelle son nom de famille, disons Dubois, pour ne fâcher personne. Pourquoi lui, plutôt qu'un autre ? Mystère, hasard, opportunité. Mais peu importe, ce fut lui.
Je me retrouvai donc ce samedi légèrement pluvieux du mois de février en compagnie de mon premier flirt, dans le parc bordant la rivière, lieu immémorialement consacré aux amourettes de toute la jeunesse de la ville et des environs.
À peine fûmes-nous installés sur un banc à l'écart, qu'il s'empressa de me sauter dessus, conquérant et empressé. J'eus droit au baiser sur la bouche, avec la langue et tout. J'avais un peu d'entraînement grâce à Betty (déjà), qui trouvait même que j'étais une élève plutôt assidue, et que je préférais de loin à Dubois. Avec Betty c'était plus doux, plus amusant, et surtout infiniment plus troublant. Puis il s'en prit à mes seins. Ces mains étaient glacées et malhabiles, et je ne ressentais rien de très agréable, mais désireuse de ne rien compromettre par une remarque inconsidérée, je laissais faire. J'allais jusqu'à dégrafer personnellement mon soutien-gorge, que tout à sa fureur amoureuse il mettait à mal. Jusque-là, j'étais plus curieuse que réellement convaincue. Il était gentil, mais il sentait un peu fort la transpiration, et vu de près, son acné me rebutait plus que je n'osais me l'avouer.
Lorsqu'il glissa une main entre mon ventre et mon jeans, je me raidis, de plus en plus mal à l'aise, de moins en moins émoustillée, pris d'un affreux doute, mais, stoïque, et bien qu'il souffla dans mon cou comme un qui se noie, je continuais l'expérience. Pas question en revanche de le laisser guider ma main vers son propre entrejambe. Quand ses doigts atteignirent ma culotte, je jugeais que nous avions atteint les limites que Betty m'avait tracées, précisément, l'élastique de la culotte, et j'étais prête à mettre le holà, qu'il les avait déjà franchies. Je me saisis de son poignet, afin de lui apprendre les bonnes manières, mais déjà il retirait sa main. Il avait deux minuscules traces de sang au bout des doigts. Dans ma précipitation à connaître enfin le grand frisson, j'avais oublié ce détail... Il regardait tour à tour sa main et mon ventre, comme s'il n'était pas sûr de bien comprendre. Puis il se décomposa à une vitesse extraordinaire, blanchit, verdit, pour finir par vomir copieusement à mes pieds. Achevant de me refroidir pour le coup.
« Mais, mais tu es vraiment dégueulasse... » gémit-il entre deux ignobles hoquets.
J'avais ce petit soleil entre mes jambes, chaud et doux comme de l'argile humide, et voilà qu'il m'insultait, voilà qu'il insultait cette petite merveille de fronces palpitantes, qu'il insultait mon beau sang rouge. Passé la surprise, la honte, la déconvenue, je lui balançai un bon coup de poing dans le dos qui l'envoya bouler dans les massifs de buis, sombres et trempés de pluie, pour lui apprendre à respecter les filles, et sa mère, et ce fut le premier et aussi le dernier qui porta la main sur moi avec mon accord.
Je ne jetterai pas la pierre à Dubois, qui d'ailleurs ne le mérite pas, il ne fit que me conforter dans mes aspirations les plus profondes.
(extrait de « La littérature est un sport de gonzesse » édit. « Le Manuscrit »)
Vive l’imagination créatrice !
Je soupçonne, « L’Iliade et l’Odyssée », « Madame Bovary » et « 1984 » (pour ne citer que cela) d’être d’ailleurs, des œuvres de pure fiction, c'est à dire très proche du monde réel.
Merci à vous !
Merci de votre appréciation.
Quant à la scène finale, si elle est de pure invention, le décor, et sa fonction disons pré-génésique, existe bien et répond au doux nom de « Mont-Coton ».
Merci en tous cas de votre lecture attentive.
Mais ne voyant que des commentaires féminins, je serais curieuse de savoir ce que ces messieurs en pensent.
Quant à ce qu’en pensent « ces messieurs » comme vous écrivez, je suis tout aussi curieux de le savoir ! Mais peut-être que définitivement « la littérature est un sport de gonzesse » ?
Je ne pense pas que cela soit plus difficile que de s’identifier à un Jérôme, un Pippy ou à Paul construisant seul sa piscine. Juste un peu d’empathie et d’imagination et on peut aussi se retrouver dans la peau d’une renarde parcourant le monde.
Je reconnais que le sujet est délicat. J’ai hésité à sortir cette nouvelle de son contexte (un roman « raconté » par une fille parlant essentiellement d’autres filles). C’est la phrase : « pour lui apprendre à respecter les filles, et sa mère » que j’avais envie de partager qui m’a finalement décidé.