Pour moi qui ne voyageais que pour les grandes vacances - quittant la banlieue parisienne pour nos vignes bourguignonnes - je découvrais soudain qu'Aubagne n'est pas un pénitencier et qu'en dessous de mes chères Côtes de Nuit existait une terre promise, un paradis de cigales “aux rumeurs cuivrées”, d'éclatants genêts et de lavandes capiteuses.

A haute voix je me délectais de tous ces noms aussi étranges que garrigue, bastide ou bartavelle en m'efforçant d'y mettre cet accent chantant qu'auraient eu les petits santons de notre crêche familiale s'ils avaient su parler.

Si les longues discussions politiques de Joseph et de l'oncle Jules m'ennuyaient au plus haut point, je m'échappais bien vite de la Bastide Neuve aux trousses d'un Marcel auquel je m'identifiais chaque jour davantage, tant par nos coiffures de plumes Comanches que par notre connaissance de la règle de trois et du lac Titicaca.

Aujourd'hui quand le cafard me prend j'ouvre sans bruit - de peur d'en effrayer les rares biques qui broutent encore le Garlaban - ce livre de mon enfance bien plus précieux que tous les autres.

Et je bois à sa source retrouvée...