La petite silhouette frêle se découpe à peine dans le couchant brûlant et ondule tel un mirage à l'horizon. Mānav traîne des pieds et chacun de ses pas soulève un nuage de poussière qui ne ... [+]
On la distingue à peine. On la devine assise, adossée au mur, baignée par la lueur clignotante que diffuse le chargeur encastré sur sa gauche. La dernière barrette s'illumine et une tonalité retentit. Hal ouvre les yeux. Un son léger, mécanique, accompagne chacun des clignements de ses paupières. Puis ses mains tâtent l'arrière de son cou et débranchent le câble qui s'enroule et disparaît dans le mur. En se levant, Hal les regarde à peine, tous les autres dans la pièce, ceux qui restent assis. Si elle déroulait jusqu'à eux l'alimentation de sa base, peut être se réveilleraient-ils eux aussi ? Mais Hal ne le fera pas, elle n'est pas programmée pour ce genre de considération, elle est assignée aux soins du vivant.
A son passage, les portes coulissent dans un chuintement discret et s'ouvrent sur un long couloir uniquement éclairé de bleu à la base des murs. Lisse et parfaite, sa peau paraît bleue elle aussi sous cet éclairage céruléen. Depuis l'incident, les secteurs du vaisseau encore alimentés en énergie fonctionnent en mode économique. Seule la salle de stase et le centre de pilotage tournent à plein régime. Hal ne croise personne dans les couloirs déserts. Pourquoi continue t-elle d'y aller ?
En entrant dans la salle de stase, les caissons de cryogénisation s'étendent à perte de vue. Au pied de chacun, sur les écrans de contrôle, aucun voyant n'indique de dysfonctionnement technique. Pourtant, quand Hal se penche pour mieux les voir, ce sont des momies desséchées qu'elle contemple dans chacun des sarcophages hermétiquement fermés. Son système de détection ne relève plus rien de vivant dans cette immense espace. Mais elle sait que la vie perdure, un peu plus loin, dans le secteur du vaisseau dédié à la botanique.
Malgré les années qui se sont écoulées, Hal n'a rien oublié de la mission de l'équipage. Tels des arches de Noé, différents vaisseaux avaient été envoyés à travers l'univers vers des objectifs différents mais tous prometteurs. La planète qu'ils quittaient se mourrait ; c'était en quête d'une possible nouvelle vie que les survivants s'étaient lancés.
Hal ne sait rien des autres vaisseaux. Ont-ils connu le même destin ? L'ordinateur de bord ne les détecte plus depuis bien longtemps.
Hal ne ressent pas de peine pour ces hommes et ces femmes, elle ne ressent pas non plus de culpabilité. Elle n'a pas été programmée pour cela mais pour prendre soin de la vie et chaque matin depuis l'incident, c'est vers cette vie ténue que ses pas la portent. Des pas presque aussi fluides que ceux des hommes qui l'ont créée.
La porte coulisse sur le secteur dédié au végétal. Avant l'incident, une incroyable luxuriance régnait derrière les vitres des vivariums. Aujourd'hui, tout est réduit à l'état de poussière. Tout, sauf ces petits éléments tombés au pied des plantes mères avant qu'elles ne flétrissent. Ces petites coquilles aux formes diverses. Ces petits trésors de tailles variées qui protègent une vie en stase naturelle, en dormance. Dans la poussière, Hal les a tous récoltés. Dans des tubes de verre, elle les a triés et les a soigneusement rangés avec d'autres que les colons avaient sélectionnés.
Elle pousse de l'index son sternum, dévoilant son espace de stockage. Il s'ouvre dans son corps comme un tiroir, laissant un grand creux dans son dos. Elle y dispose les tubes scellés, bien calés à la verticale. Aujourd'hui, ils arrivent à destination.
Aucun lieu dans le vaisseau ne permet d'admirer la planète en approche. C'est du poste de pilotage que Hal en découvre les contours. Un hologramme du globe flotte au centre de la pièce. Une planète bleue parsemée de continents jaunes et ocre... Une planète vierge de vie terrestre. L'ordinateur égraine les données atmosphériques, la composition du sol et les éléments organiques présents dans l'eau. Hal pose une main sur son ventre. Les conditions sont propices au développement de ses petits trésors.
Les portes du vaisseau n'ont livré passage qu'à elle et c'est seule qu'elle foule le sol de cette jeune planète. Dans ces eaux, elle a décelé une profusion de vie. Les cyanobactéries y pullulent, rejetant de plus en plus de dioxygène dans cette atmosphère encore très riche en dioxyde de carbone. Le sol est pauvre. Certains de ses petits trésors n'y trouveront pas les éléments nécessaires à leur croissance... Peut-être parviendront-ils à rester en sommeil suffisamment longtemps pour pouvoir s'épanouir sur l'humus que créeront les adventices.
Hal s'éloigne des embruns de la côte. Elle cherche le lieu propice au déploiement de la vie terrestre. Frais et suffisamment ombragé pour que les germes ne soient pas grillés dès leur sortie par les ardeurs de cette étoile qui brille dans le ciel azuréen.
Ici, ce sera parfait. Son index déploie d'une pression le compartiment renfermant les petits trésors. Doucement, elle descelle le premier tube et verse son contenu dans sa main. Les sphères roulent et glissent entre ses doigts. Puis son geste gagne en assurance, elle sème à la volée et la vie se disperse. Comme pour lui répondre, lui donner son accord tacite, le ciel se voile. Il gronde et Hal attend que les premières larmes tombent des nuées assemblées. Elle ne sent pas les grosses gouttes s'écraser sur son corps mais elle les voit qui éclaboussent le sol. Dans son esprit artificiel, les statistiques et les probabilités que la vie prenne défilent et s'emballent.
Hal s'assoit en tailleur. Il faudrait qu'elle retourne sur sa base pour charger ses batteries. Ses paupières clignent dans un bruit mécanique, léger, puis se ferment.
Si la germination n'en est qu'à ses débuts, curieusement, un sourire semble s'épanouir sur le visage d'ordinaire impassible.
A son passage, les portes coulissent dans un chuintement discret et s'ouvrent sur un long couloir uniquement éclairé de bleu à la base des murs. Lisse et parfaite, sa peau paraît bleue elle aussi sous cet éclairage céruléen. Depuis l'incident, les secteurs du vaisseau encore alimentés en énergie fonctionnent en mode économique. Seule la salle de stase et le centre de pilotage tournent à plein régime. Hal ne croise personne dans les couloirs déserts. Pourquoi continue t-elle d'y aller ?
En entrant dans la salle de stase, les caissons de cryogénisation s'étendent à perte de vue. Au pied de chacun, sur les écrans de contrôle, aucun voyant n'indique de dysfonctionnement technique. Pourtant, quand Hal se penche pour mieux les voir, ce sont des momies desséchées qu'elle contemple dans chacun des sarcophages hermétiquement fermés. Son système de détection ne relève plus rien de vivant dans cette immense espace. Mais elle sait que la vie perdure, un peu plus loin, dans le secteur du vaisseau dédié à la botanique.
Malgré les années qui se sont écoulées, Hal n'a rien oublié de la mission de l'équipage. Tels des arches de Noé, différents vaisseaux avaient été envoyés à travers l'univers vers des objectifs différents mais tous prometteurs. La planète qu'ils quittaient se mourrait ; c'était en quête d'une possible nouvelle vie que les survivants s'étaient lancés.
Hal ne sait rien des autres vaisseaux. Ont-ils connu le même destin ? L'ordinateur de bord ne les détecte plus depuis bien longtemps.
Hal ne ressent pas de peine pour ces hommes et ces femmes, elle ne ressent pas non plus de culpabilité. Elle n'a pas été programmée pour cela mais pour prendre soin de la vie et chaque matin depuis l'incident, c'est vers cette vie ténue que ses pas la portent. Des pas presque aussi fluides que ceux des hommes qui l'ont créée.
La porte coulisse sur le secteur dédié au végétal. Avant l'incident, une incroyable luxuriance régnait derrière les vitres des vivariums. Aujourd'hui, tout est réduit à l'état de poussière. Tout, sauf ces petits éléments tombés au pied des plantes mères avant qu'elles ne flétrissent. Ces petites coquilles aux formes diverses. Ces petits trésors de tailles variées qui protègent une vie en stase naturelle, en dormance. Dans la poussière, Hal les a tous récoltés. Dans des tubes de verre, elle les a triés et les a soigneusement rangés avec d'autres que les colons avaient sélectionnés.
Elle pousse de l'index son sternum, dévoilant son espace de stockage. Il s'ouvre dans son corps comme un tiroir, laissant un grand creux dans son dos. Elle y dispose les tubes scellés, bien calés à la verticale. Aujourd'hui, ils arrivent à destination.
Aucun lieu dans le vaisseau ne permet d'admirer la planète en approche. C'est du poste de pilotage que Hal en découvre les contours. Un hologramme du globe flotte au centre de la pièce. Une planète bleue parsemée de continents jaunes et ocre... Une planète vierge de vie terrestre. L'ordinateur égraine les données atmosphériques, la composition du sol et les éléments organiques présents dans l'eau. Hal pose une main sur son ventre. Les conditions sont propices au développement de ses petits trésors.
Les portes du vaisseau n'ont livré passage qu'à elle et c'est seule qu'elle foule le sol de cette jeune planète. Dans ces eaux, elle a décelé une profusion de vie. Les cyanobactéries y pullulent, rejetant de plus en plus de dioxygène dans cette atmosphère encore très riche en dioxyde de carbone. Le sol est pauvre. Certains de ses petits trésors n'y trouveront pas les éléments nécessaires à leur croissance... Peut-être parviendront-ils à rester en sommeil suffisamment longtemps pour pouvoir s'épanouir sur l'humus que créeront les adventices.
Hal s'éloigne des embruns de la côte. Elle cherche le lieu propice au déploiement de la vie terrestre. Frais et suffisamment ombragé pour que les germes ne soient pas grillés dès leur sortie par les ardeurs de cette étoile qui brille dans le ciel azuréen.
Ici, ce sera parfait. Son index déploie d'une pression le compartiment renfermant les petits trésors. Doucement, elle descelle le premier tube et verse son contenu dans sa main. Les sphères roulent et glissent entre ses doigts. Puis son geste gagne en assurance, elle sème à la volée et la vie se disperse. Comme pour lui répondre, lui donner son accord tacite, le ciel se voile. Il gronde et Hal attend que les premières larmes tombent des nuées assemblées. Elle ne sent pas les grosses gouttes s'écraser sur son corps mais elle les voit qui éclaboussent le sol. Dans son esprit artificiel, les statistiques et les probabilités que la vie prenne défilent et s'emballent.
Hal s'assoit en tailleur. Il faudrait qu'elle retourne sur sa base pour charger ses batteries. Ses paupières clignent dans un bruit mécanique, léger, puis se ferment.
Si la germination n'en est qu'à ses débuts, curieusement, un sourire semble s'épanouir sur le visage d'ordinaire impassible.
Hal rachète son fâcheux cousin et homonyme de 2001.
J'avais entrevu une autre fin possible : que Hal soit elle-même le terreau pour ses "petits trésors", parce que la main sur son ventre, c'était très beau. Merci !