Sans espoir

Toute histoire commence un jour, quelque part. La mienne a commencé le jour où je me suis retrouvée en train de me demander pourquoi n’ai-je pas le droit de vivre heureuse et fière ? Pourquoi ne puis-je pas vivre de la terre que j’ai sous les pieds ? Pourquoi ne suis-je pas dans le testament ?

Voir ses parents mourir dans mon village ouvre la porte soit à l’échec de sa vie, soit à une lutte toute sa vie quand on est femme.

Combien de femmes dans mon village n’ont pas d’identité ? Toute ma vie n’a été que combat, tristesse et larmes. Je vois mon espoir et ma vie sombrer et disparaître à l’horizon dès le jour où mon père m’a dit adieu. À dix ans, élève en classe de 6ème. « Pourquoi ne la donne-t’on pas en mariage pendant les funérailles de son père ? », disaient les oncles qui ont désormais droit de parole à mon sujet. Comme un objet mis aux enchères chacun faisait une estimation de ce que je pourrais rapporter.

Le cœur brisé par la mort de mon père, que me reste-t-il dans la vie si ce n’est qu’une mère muselée, sans pouvoir, sans langue ? Donnée en mariage à un homme ayant le double de l’âge de ma mère, je suis devenue femme à 11 ans et mère à 12 ans. Pourtant leur vie n’a pas changé après m’avoir vendue comme un objet, me privant de mes rêves.

Avec son âge avancé, mon mari fut ravagé par une maladie et est décédé en me laissant veuve et 4 enfants à élever. Lorsque mon Mari est décédé, mon quotidien s’est transformé en un combat permanent pour la survie. Seulement 6 mois après sa mort, ses parents sont venus récupérer les terres alors que je les cultivais pour subvenir aux besoins de mes enfants. Je n’avais de soutiens ni du côté de mes parents ni de la belle famille. J’ai lutté tous les jours, utilisant toutes les voies de recours possibles au niveau local, mais sans soutien, j’ai abdiqué et ma vie a basculé. Je n’arrivais plus à subvenir aux besoins de mes enfants. J’ai même tenté d’obtenir un crédit auprès de la famille de mon mari, afin de mener des activités génératrices de revenu et agricoles et prendre en charge mes enfants, mais en vain. J’ai finalement été obligée de les répartir à mes parents pour ne pas les voir mourir de faim. Privée de sommeil au quotidien, mes nuits étaient de plus en plus longues à cause de l’idée de voir mes enfants souffrir et habiter loin de moi, de ne pas être sûre de moi qu’ils auront au moins un repas dans la journée.

Pourquoi la société est-elle si ingrate ? Pourquoi ne puis-je pas jouir de ce que la terre peut offrir ? Pourquoi la terre ne doit appartenir qu’aux hommes ?