Il dort. Enfin, je crois. Je guette chacune de ses respirations. Chacune me libère de mon apnée. Reste l’angoisse. Et la peur.
Il est quatre heures du matin. Ils ont accepté que je reste, ils... [+]
Samedi 4 juillet 2020
Salut, bonhomme... Tu permets que je t'appelles "bonhomme"? Il n'y a rien de condescendant à cela. C'est juste que je ne sais pas trop quel terme employer qui ne te froisse pas. Oui, je sais, surtout pas" gamin", même si tu en es un pour moi... Alors pourquoi pas "bonhomme"?...
Alors donc, salut, bonhomme,
Il faut aussi chaud à ton époque qu'aujourd'hui, on dirait. Et tu es là allongé sur ce lit à rêvasser en écoutant la bande originale du film "Rocky" pour la combientième fois de la journée, dis-moi?...
Longtemps, tu croiras, au seul motif que tu considèreras avoir eu le choix à chaque instant de ta vie, être pleinement responsable de ton sort. C'est facile, et ça ne mange pas de pain, mais ce n'est pas aussi simple car plus les années passeront et plus tu te rendras compte que c'est seulement une certaine faiblesse de caractère qui est la seule responsable.
Regarde-moi si tu peux et surtout, je t'en supplie, écoute-moi. Ta première connerie, tu vas la faire dans quelques jours, pas plus. Cette première erreur que tu aies jamais commise se sera tout bêtement de vouloir t'extirper de la vie d'adolescent solitaire qui a été la tienne jusqu'à tes seize ans... Pas d'amis... Tout juste deux petites amies à peine embrassées que déjà disparues vers d'autres bras et d'autres aventures sans doute beaucoup plus palpitantes...
Et voilà, nous sommes à l'été de tes seize ans qui commence par la nouveauté de ce job gentiment dégotté par ton père, ton "vieux" comme tu aies à dire, ou bien "l'ancêtre", au centre de tri postal. Sans te le dire... Vous ne vous êtes jamais parlé vraiment... Et surtout, rassure-toi, vous ne vous parlerez pas plus dans ton futur... Question de pudeur mal placé... Et puis, quoi, les mecs, les vrais, n'ont pas besoin de ça, non?... Enfin, sans te le dire, il te permets ainsi de te faire un peu d'argent de poche pour l'année de fac de droit qui t'attend, car l'été de tes seize ans commence aussi par ta réussite au baccalauréat...
Pour fêter ça, tu as invité des copains lycéens. Tu as tout préparé et les a attendus, attendus... Allongé sur ton lit, tu les attends encore, je suis sûr... Mais ils ne sont jamais venus et ne viendront pas plus maintenant. C'est ainsi, tu le sais, tu n'as jamais eu d'amis...
L'été de tes seize ans commence avec l'aménagement d'une pièce à côté du garage... Une table, trois chaises, une vieille gazinière et un buffet en formica pour un peu de vaisselle... Une armoire pour le peu de linge que tu possèdes et un lit, ce lit où tu rêvasses à cet instant...Tout cela, histoire de t'acclimater à la vie d'étudiant loin de papa et maman que tu n'as jamais quittés et qui t'attend à la rentrée...
Le saphir crisse dans le silence de la fin du 33 tours. Ta décision est prise: l'été de tes seize ans va te voir t'installer devant le gros cahier d'écolier, stylo plume à la main, pour ce qui va être le premier roman du Victor Hugo du XXIème siècle. Tu as déjà le titre: "Ce pauvre garçon solitaire" sous titré "Confessions d'un enfant du XXème siècle"...
Désolé de te l'annoncer ainsi, sans aucune précaution, mais... Tu n'arriveras jamais au bout de ce roman. Pourtant, pour le peu que je m'en souvienne, c'était pas mal du tout. Mais tu n'as pas les épaules assez larges pour une tâche pareille... Question de volonté... Et question de cette impatience qui va te faire gâcher pas mal d'opportunités.
Mais pour l'heure, entre écriture tout au long de nuits arrosées au café et longues rêveries en lisant la "Recherche du temps perdu" de Proust, Juillet va s'écouler jusqu'à ton premier salaire...
Malédiction!...
Pour la première fois, enfin tu possèdes le pouvoir de t'offrir ce que tu veux, à savoir... Tu as beau tourner la question cent fois dans ta petite caboche d'étudiant studieux, tu ne vois rien qui trouve grâce à tes yeux... Mais hélas, le ver est dans le fruit. Tu viens de comprendre que travailler là, maintenant, t'offre la possibilité d'une rémunération immédiate. Alors pourquoi attendre d'avoir fini des études et, diplôme en poche, trouvé un boulot, alors que, tout de suite, tu peux subvenir à tes besoin?...
Tu la vois, l'erreur?... La première?... Tu la sens la grosse connerie qui va en entraîner tant d'autres?...
Bourrique, va!... Avec tes capacités, une route était toute tracée pour toi... Ton grand père te l'a bien dit des dizaines de fois... Mets à profit ton don pour étudier et étudier encore, pousser loin et à toi grosse voiture et belle maison... Mais non, grand père est un vieux con et c'est toi qui as raison!... Alors à quoi bon?...
Tu la vois l'erreur?... La première?... tu la sens la grosse connerie qui va en entraîner tant d'autres?... Non, bien sûr... C'est pour cela que, parfois, comme aujourd'hui, je m'en viens, visiteur de ton futur, pour tenter de te faire comprendre ces choses qu'au fond de toi tu sais, bien que tu refuses d'y croire... Mais... M'écouteras-tu seulement?... Et n'est-ce pas déjà trop tard?...
Salut, bonhomme... Tu permets que je t'appelles "bonhomme"? Il n'y a rien de condescendant à cela. C'est juste que je ne sais pas trop quel terme employer qui ne te froisse pas. Oui, je sais, surtout pas" gamin", même si tu en es un pour moi... Alors pourquoi pas "bonhomme"?...
Alors donc, salut, bonhomme,
Il faut aussi chaud à ton époque qu'aujourd'hui, on dirait. Et tu es là allongé sur ce lit à rêvasser en écoutant la bande originale du film "Rocky" pour la combientième fois de la journée, dis-moi?...
Longtemps, tu croiras, au seul motif que tu considèreras avoir eu le choix à chaque instant de ta vie, être pleinement responsable de ton sort. C'est facile, et ça ne mange pas de pain, mais ce n'est pas aussi simple car plus les années passeront et plus tu te rendras compte que c'est seulement une certaine faiblesse de caractère qui est la seule responsable.
Regarde-moi si tu peux et surtout, je t'en supplie, écoute-moi. Ta première connerie, tu vas la faire dans quelques jours, pas plus. Cette première erreur que tu aies jamais commise se sera tout bêtement de vouloir t'extirper de la vie d'adolescent solitaire qui a été la tienne jusqu'à tes seize ans... Pas d'amis... Tout juste deux petites amies à peine embrassées que déjà disparues vers d'autres bras et d'autres aventures sans doute beaucoup plus palpitantes...
Et voilà, nous sommes à l'été de tes seize ans qui commence par la nouveauté de ce job gentiment dégotté par ton père, ton "vieux" comme tu aies à dire, ou bien "l'ancêtre", au centre de tri postal. Sans te le dire... Vous ne vous êtes jamais parlé vraiment... Et surtout, rassure-toi, vous ne vous parlerez pas plus dans ton futur... Question de pudeur mal placé... Et puis, quoi, les mecs, les vrais, n'ont pas besoin de ça, non?... Enfin, sans te le dire, il te permets ainsi de te faire un peu d'argent de poche pour l'année de fac de droit qui t'attend, car l'été de tes seize ans commence aussi par ta réussite au baccalauréat...
Pour fêter ça, tu as invité des copains lycéens. Tu as tout préparé et les a attendus, attendus... Allongé sur ton lit, tu les attends encore, je suis sûr... Mais ils ne sont jamais venus et ne viendront pas plus maintenant. C'est ainsi, tu le sais, tu n'as jamais eu d'amis...
L'été de tes seize ans commence avec l'aménagement d'une pièce à côté du garage... Une table, trois chaises, une vieille gazinière et un buffet en formica pour un peu de vaisselle... Une armoire pour le peu de linge que tu possèdes et un lit, ce lit où tu rêvasses à cet instant...Tout cela, histoire de t'acclimater à la vie d'étudiant loin de papa et maman que tu n'as jamais quittés et qui t'attend à la rentrée...
Le saphir crisse dans le silence de la fin du 33 tours. Ta décision est prise: l'été de tes seize ans va te voir t'installer devant le gros cahier d'écolier, stylo plume à la main, pour ce qui va être le premier roman du Victor Hugo du XXIème siècle. Tu as déjà le titre: "Ce pauvre garçon solitaire" sous titré "Confessions d'un enfant du XXème siècle"...
Désolé de te l'annoncer ainsi, sans aucune précaution, mais... Tu n'arriveras jamais au bout de ce roman. Pourtant, pour le peu que je m'en souvienne, c'était pas mal du tout. Mais tu n'as pas les épaules assez larges pour une tâche pareille... Question de volonté... Et question de cette impatience qui va te faire gâcher pas mal d'opportunités.
Mais pour l'heure, entre écriture tout au long de nuits arrosées au café et longues rêveries en lisant la "Recherche du temps perdu" de Proust, Juillet va s'écouler jusqu'à ton premier salaire...
Malédiction!...
Pour la première fois, enfin tu possèdes le pouvoir de t'offrir ce que tu veux, à savoir... Tu as beau tourner la question cent fois dans ta petite caboche d'étudiant studieux, tu ne vois rien qui trouve grâce à tes yeux... Mais hélas, le ver est dans le fruit. Tu viens de comprendre que travailler là, maintenant, t'offre la possibilité d'une rémunération immédiate. Alors pourquoi attendre d'avoir fini des études et, diplôme en poche, trouvé un boulot, alors que, tout de suite, tu peux subvenir à tes besoin?...
Tu la vois, l'erreur?... La première?... Tu la sens la grosse connerie qui va en entraîner tant d'autres?...
Bourrique, va!... Avec tes capacités, une route était toute tracée pour toi... Ton grand père te l'a bien dit des dizaines de fois... Mets à profit ton don pour étudier et étudier encore, pousser loin et à toi grosse voiture et belle maison... Mais non, grand père est un vieux con et c'est toi qui as raison!... Alors à quoi bon?...
Tu la vois l'erreur?... La première?... tu la sens la grosse connerie qui va en entraîner tant d'autres?... Non, bien sûr... C'est pour cela que, parfois, comme aujourd'hui, je m'en viens, visiteur de ton futur, pour tenter de te faire comprendre ces choses qu'au fond de toi tu sais, bien que tu refuses d'y croire... Mais... M'écouteras-tu seulement?... Et n'est-ce pas déjà trop tard?...
Et si à son tour ce gamin pouvait se rendre compte de celui qu'il est devenu?…
Merci infiniment pour les quelques lignes que Vous avez bien voulu déposer ici...
En tous les cas, merci infiniment pour votre passage.