Quatorze

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Nouvelles :
  • Policier & thriller

Personne ne survit à une nuit avec moi. Personne. Homme ou femme, l'issue est toujours la même.
Ça fait bientôt trois ans que j'exerce. Mais aujourd'hui, pour la première fois, j'ai choisi la date hautement symbolique du 14 février. Pour fêter ma future quatorzième victime.
J'ai une obsession pour ce chiffre. Ma naissance a eu lieu un 14 avril, c'est le double du 7 – chiffre porte-bonheur par excellence –, et c'est aussi le nombre total de divinités olympiennes.
Ma technique est très simple : utiliser le VPN le plus efficace au monde – outil utilisé pour être anonyme sur Internet –, pour m'inscrire sur différents sites de rencontres, tantôt avec une adresse IP russe, tantôt cambodgienne. Je ne mets jamais de photo, non pas que mon physique ne soit pas attirant, mais bien entendu pour éviter de laisser des traces.
Et je fais mes petites courses. Les gens désespérés ne manquent pas, dans ce monde. Tout ce qu'ils veulent, c'est un peu d'amour, et c'est ce que je leur donne. Une nuit inoubliable, puis la mort, avant que l'aube ne soit levée.
L'acte sexuel ne me procure aucun plaisir, que ce soit avec un homme ou une femme. C'est pour eux que je le fais. Pour qu'ils partent en paix. La vie ne leur offrira de toute façon jamais rien de beau.
Mais cette fois, c'est différent. J'ai atterri, un peu par hasard – le destin ? –, sur le profil d'une jeune femme splendide. Christine, 28 ans. En étudiant de près les informations qu'elle avait bien voulu donner sur le site, j'ai compris qu'avec elle, je n'aurais même pas besoin de faire semblant : ses goûts sont identiques aux miens.
Oui, d'habitude, je triche. Beaucoup. Après analyse approfondie des champs renseignés, je me documente sur les centres d'intérêt de la personne pour tout en connaître sur le bout des doigts, avant de modifier mon propre profil en conséquence.
Mais là, non. C'est tout naturellement que je lui parle. Elle semble très accessible, bien loin de ce qu'on pourrait attendre d'une telle beauté. Je me surprends à sourire lors de nos conversations par claviers interposés.
Vient le moment où elle veut voir à quoi je ressemble. Une photo ne suffira pas, je ne veux pas prendre le moindre risque. Une conversation webcam plus tard, et nous prévoyons de nous rencontrer, le lendemain. Le 14 février. Enfin.
Je l'emmène au restaurant. Le repas se passe très bien et je m'étonne de voir que je n'ai aucunement hâte de l'emmener dans la chambre d'hôtel que j'ai louée pour l'occasion. Je bois ses paroles, tout en évitant de boire trop de vin – j'ai besoin de toutes mes capacités pour ne pas faire d'erreur.
Je paye la totalité de l'addition, malgré son insistance. Elle voulait payer sa part, mais c'était hors de question. On en est au moment dangereux et hasardeux : lui demander si elle veut monter dans ma chambre. J'avoue que plusieurs de mes plans ont été interrompus à ce moment, la personne estimant qu'il était trop tôt pour ce type de proposition. Parfois, j'arrive à rattraper le coup et repousser l'exécution à quelques jours plus tard. Le reste du temps, c'est foutu pour de bon.
Elle accepte, sans hésiter. L'excitation monte en moi. J'ai fait les choses en grand : la chambre est extrêmement romantique. Ma victime du soir – Christine –, avance directement vers le grand lit King Size et enlève sa robe. J'avais déjà remarqué qu'elle ne portait pas de soutien-gorge.
Mon regard se promène sur ce corps presque nu – il ne reste qu'un shorty rouge, assorti à sa robe – et je ressens quelque chose de nouveau, d'inhabituel : du désir. Je la veux.
Je fais encore plus d'efforts qu'avec les autres. Nos deux corps fusionnent complètement, tout comme nos esprits l'ont fait plus tôt, pendant le repas.
Elle s'endort tout de suite après. Un peu plus tôt dans la journée, j'ai fait un petit crochet par la chambre et y ai caché mon couteau, sous le lit, à portée de ma main. Je m'en saisis et me prépare à frapper. Sa mort sera paisible.
Je me réveille alors que l'aube point à l'horizon. C'est la première fois que quelqu'un me survit. Je me rends bien vite compte qu'elle est partie. Il n'y a que moi dans ce grand lit, le couteau ayant retrouvé sa place en-dessous de celui-ci. Un autre détail me saute aux yeux : mon portefeuille n'est plus sur la petite table de nuit.
Je me suis fait avoir. Ça m'apprendra à avoir des doutes. Plus jamais.
La porte de ma chambre s'ouvre à la volée. Pendant un instant – qui me semble incroyablement long –, j'imagine que c'est la police, qu'ils ont trouvé ma trace, d'une façon ou d'une autre, et que je vais finir mes jours en cabane. Ma main se tend instinctivement vers le couteau, dans le but de m'ouvrir la gorge. Plutôt mourir.
Mais jamais je n'ai vu un flic porter une si belle robe rouge. Christine entre dans la pièce, les fesses d'abord. Elle tient dans ses mains un grand plateau rempli de différentes viennoiseries, de tasses de café, thé et chocolat chaud, et d'un verre de jus d'orange.
Elle s'excuse d'avoir ouvert la porte si violemment, ses mains étant prises, elle avait dû utiliser son fessier. Elle repose mon portefeuille sur la table de nuit, expliquant qu'elle n'avait pas de monnaie pour payer le petit-déjeuner, ce pourquoi elle s'était permis d'emprunter la mienne.
Le sourire sur mon visage me vient tout à fait naturellement. C'est la meilleure sensation que j'aie jamais ressentie. Je suis enfin prête à tout arrêter et faire de cette femme ma compagne, pour l'éternité. Il semblerait que j'aie une préférence pour les femmes, finalement. Aucun homme n'avait réussi à faire sa place dans mon cœur de cette façon.
Mais je devrais être infidèle. Une seule fois. Après tout, amoureuse ou pas, j'ai besoin de ma quatorzième victime.

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