« Mais t'es complètement malade mon pauvre Lucien ! »
La phrase de sa femme résonnait dans sa tête. « Et puis quoi bordel ? Boudiou ! » pensa-t-il. Il était comme ça Lucien
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Un coup d’épaule le projette en avant. Alors qu’il récupère à quatre pattes sa lance, quelques ricanements s’élèvent des rangs. Il ne leur en veut pas, leur réaction est humaine mais encore faudrait-il que le qualificatif d’homme convienne encore. Aujourd’hui, la mort plane dans l’air et toute humanité semble disparaitre. Au final, n’est-ce pas plus mal?
Une trompette retentit. La peur lui glace les entrailles et il s’avance au combat d’une démarche faussement assurée, essayant de dissimuler le tremblement qui agite maintenant son corps. Peine perdue, à travers la visière de son heaume ses yeux parlent pour lui : « Vais-je mourir ? » Cette idée ne le quitte plus, elle ne quitte personne à cet instant.
A vrai dire, ce n’est pas la mort qu’il craint le plus mais la souffrance. Plus jeune, il se répétait souvent « autant mourir rapidement plutôt que souffrir.». Certains appellent ça de la lâcheté mais lui n’a pas de mots à mettre sur ce sentiment, tout ce qu’il veut c’est vivre. L’altruisme et le courage n’auront pas leur place aujourd’hui et être un héros ne l’intéresse pas.
Les deux parties adverses se rapprochent. Nerveusement, il triture la manchette de métal enserrée autour de son bras. Il passe son index sur le lacet de cuir, suis les entrelacements et descend ainsi jusqu’à sa main. Une fois, deux fois. Il sourit alors que ce contact le chatouille mais, en cet instant hors du temps, le rire qui monte s’étrangle dans sa gorge car cela lui rappelle sa propre fragilité.
Le temps semble comme suspendu et les bruits alentours ne sont plus qu’un lointain murmure. Seule sa respiration saccadée résonne dans sa poitrine et les coups sourds de son cœur gonflant ses tempes font bourdonner ses oreilles. Et soudain, ils apparaissent nettement devant lui. La lutte sera inégale. Ils semblent mieux nourris et mieux armés. Si ce n’était que cela...Le désespoir peut faire des miracles mais aujourd’hui ils sont aussi bien plus nombreux.
Déjà, le premier corps à corps a commencé. Les armures s’entrechoquent. Il rabat son bouclier devant lui. Toujours protéger ses devants. Les plaies au ventre ne laissent aucune chance avec ces lames souillées et les estropiés du jour rapidement auréolés d’une odeur putride finiront par rejoindre leurs frères tombés avant eux. Voilà la véritable récompense de cette gloire éphémère.
Le soleil est au zénith. Il n’y a aucune ombre où s’abriter, seule la poussière générée par les pieds agités parvient à adoucir la morsure des rayons, mais mélangée à la sueur des fronts celle-ci coule dans les yeux, obstruant la vision. Comble de la malchance, son casque l’empêche de s’éponger et il cligne désespérément des yeux.
Les secondes défilent à une vitesse folle et voici déjà venu son premier combat. Une masse s’écrase à côté de lui dans un bruit étouffé et seul un réflexe incroyable lui a évité de finir la tête broyée. Il lève les yeux et aperçoit la lame de son couteau plantée dans une gorge tandis qu’un liquide chaud coule le long de son bras. L’autre s’effondre, inanimé. J’ai gagné. Le souffle court et les yeux clos, il remercie son instinct. Mais il n’y a pas de temps pour le repos, d’autres menaces approchent déjà.
Un, deux, trois, il est encerclé. Même doté du meilleur instinct de survie, la nature ne pourra pas grand-chose pour lui. Il panique, perd son contrôle. Une attaque vient de son côté droit, il esquive une première fois mais sent une lame pénétrer son flanc gauche. Dans un cri il s’échappe, le sang perle au sol et les assauts venant de toutes parts ne s’arrêtent plus. Le tendon tranché, il s’effondre à terre.
Des sanglots le prennent. Il est le seul à entendre sa voix tandis que les autres s’approchent lentement, un méchant sourire dessiné sur le visage. « Merde, merde, c’est pas possible, pas comme ça ! ». Un filet est lancé et le voilà maintenant prisonnier comme un animal. Il est gravement blessé et son esprit semble se détacher de son corps. Il regarde sereinement autour de lui ce carnage né de la main de l’homme.
De son piédestal, le soleil compte lui aussi les victimes et sa brûlure se fait tout à coup douce pour les mourants, réchauffant le corps qui se glace, leur rappelant dans un dernier éclair de lucidité toute la beauté de la vie.
Non, vraiment, il ne veut pas mourir mais le choix lui a depuis longtemps échappé.
Et, alors qu’il ferme les yeux, l’ouïe lui revient en un rugissement confus et toute la laideur du monde l’éclabousse, l’étreint pour ne plus le lâcher jusque dans ces derniers instants. Les rires, la joie, tous les sentiments les plus admirables se mélangent ici à la peur, aux cris, au désespoir. L’arène est pleine de vie et son cœur bat au rythme des victimes.
Munera, c’est une fête ou l’on vient voir la mort en famille.
-« Au moins, ils ont l’air contents ».
La hache s’abat et le peuple jubile.
Panem et circenses.
Une trompette retentit. La peur lui glace les entrailles et il s’avance au combat d’une démarche faussement assurée, essayant de dissimuler le tremblement qui agite maintenant son corps. Peine perdue, à travers la visière de son heaume ses yeux parlent pour lui : « Vais-je mourir ? » Cette idée ne le quitte plus, elle ne quitte personne à cet instant.
A vrai dire, ce n’est pas la mort qu’il craint le plus mais la souffrance. Plus jeune, il se répétait souvent « autant mourir rapidement plutôt que souffrir.». Certains appellent ça de la lâcheté mais lui n’a pas de mots à mettre sur ce sentiment, tout ce qu’il veut c’est vivre. L’altruisme et le courage n’auront pas leur place aujourd’hui et être un héros ne l’intéresse pas.
Les deux parties adverses se rapprochent. Nerveusement, il triture la manchette de métal enserrée autour de son bras. Il passe son index sur le lacet de cuir, suis les entrelacements et descend ainsi jusqu’à sa main. Une fois, deux fois. Il sourit alors que ce contact le chatouille mais, en cet instant hors du temps, le rire qui monte s’étrangle dans sa gorge car cela lui rappelle sa propre fragilité.
Le temps semble comme suspendu et les bruits alentours ne sont plus qu’un lointain murmure. Seule sa respiration saccadée résonne dans sa poitrine et les coups sourds de son cœur gonflant ses tempes font bourdonner ses oreilles. Et soudain, ils apparaissent nettement devant lui. La lutte sera inégale. Ils semblent mieux nourris et mieux armés. Si ce n’était que cela...Le désespoir peut faire des miracles mais aujourd’hui ils sont aussi bien plus nombreux.
Déjà, le premier corps à corps a commencé. Les armures s’entrechoquent. Il rabat son bouclier devant lui. Toujours protéger ses devants. Les plaies au ventre ne laissent aucune chance avec ces lames souillées et les estropiés du jour rapidement auréolés d’une odeur putride finiront par rejoindre leurs frères tombés avant eux. Voilà la véritable récompense de cette gloire éphémère.
Le soleil est au zénith. Il n’y a aucune ombre où s’abriter, seule la poussière générée par les pieds agités parvient à adoucir la morsure des rayons, mais mélangée à la sueur des fronts celle-ci coule dans les yeux, obstruant la vision. Comble de la malchance, son casque l’empêche de s’éponger et il cligne désespérément des yeux.
Les secondes défilent à une vitesse folle et voici déjà venu son premier combat. Une masse s’écrase à côté de lui dans un bruit étouffé et seul un réflexe incroyable lui a évité de finir la tête broyée. Il lève les yeux et aperçoit la lame de son couteau plantée dans une gorge tandis qu’un liquide chaud coule le long de son bras. L’autre s’effondre, inanimé. J’ai gagné. Le souffle court et les yeux clos, il remercie son instinct. Mais il n’y a pas de temps pour le repos, d’autres menaces approchent déjà.
Un, deux, trois, il est encerclé. Même doté du meilleur instinct de survie, la nature ne pourra pas grand-chose pour lui. Il panique, perd son contrôle. Une attaque vient de son côté droit, il esquive une première fois mais sent une lame pénétrer son flanc gauche. Dans un cri il s’échappe, le sang perle au sol et les assauts venant de toutes parts ne s’arrêtent plus. Le tendon tranché, il s’effondre à terre.
Des sanglots le prennent. Il est le seul à entendre sa voix tandis que les autres s’approchent lentement, un méchant sourire dessiné sur le visage. « Merde, merde, c’est pas possible, pas comme ça ! ». Un filet est lancé et le voilà maintenant prisonnier comme un animal. Il est gravement blessé et son esprit semble se détacher de son corps. Il regarde sereinement autour de lui ce carnage né de la main de l’homme.
De son piédestal, le soleil compte lui aussi les victimes et sa brûlure se fait tout à coup douce pour les mourants, réchauffant le corps qui se glace, leur rappelant dans un dernier éclair de lucidité toute la beauté de la vie.
Non, vraiment, il ne veut pas mourir mais le choix lui a depuis longtemps échappé.
Et, alors qu’il ferme les yeux, l’ouïe lui revient en un rugissement confus et toute la laideur du monde l’éclabousse, l’étreint pour ne plus le lâcher jusque dans ces derniers instants. Les rires, la joie, tous les sentiments les plus admirables se mélangent ici à la peur, aux cris, au désespoir. L’arène est pleine de vie et son cœur bat au rythme des victimes.
Munera, c’est une fête ou l’on vient voir la mort en famille.
-« Au moins, ils ont l’air contents ».
La hache s’abat et le peuple jubile.
Panem et circenses.