Le jour de mes huit ans, j'ai reçu un cadeau auquel je ne m'attendais pas ; une montre au bracelet noir où apparaissait sur le cadran Mickey Mouse, avec ses bras légèrement entortillés et qui ... [+]
Comme tous les matins, Nicole restait allongée dans son lit trop grand pour elle, les yeux inutilement ouverts dans la pénombre. C'était le Jour de l'An, et Nicole se demandait si elle trouverait la force de se lever, pour ce jour, pour l'année entière à venir. La simple idée de cet effort surhumain la faisait tressaillir. Et pourtant, il le faudrait bien. Maudit instinct de survie ! se dit-elle. Et de mauvaise grâce, elle se glissa hors des draps. Elle enfila sa robe de chambre en grommelant, se plaignant du froid, de cette bêtise de nouvelle année et de tous ces idiots qui avaient fait la fête pour un simple changement de calendrier, dans un élan naïf d'espoir pour le futur.
Dans un lourd soupir, elle prit entre ses mains le cadre photo posé sur la table de chevet. Le sourire de feu son mari Gilbert ne la quittait jamais. Depuis seize mois maintenant il était parti, et la douleur de son trépas était toujours aussi vivace pour Nicole. Elle embrassa le portrait de son bien-aimé, les joues sillonnées de larmes et reposa tendrement le cadre à sa place.
Sans entrain, la veuve se dirigea vers la cuisine préparer du café. Elle traversa le salon quand quelque chose attira son regard sur la table à manger. Posée bien en évidence se trouvait une boîte dorée que Nicole n'avait jamais vue. La vieille dame s'approcha, incrédule. Elle saisit la boîte entre ses mains et l'examina ; elle n'y vit aucune marque d'aucune sorte, elle n'entendit aucun bruit quand elle la secoua, il n'y avait aucun système d'ouverture à l'exception d'un minuscule trou sur le dessus. Elle essaya de regarder à travers, en vain. D'où pouvait-elle bien venir ? Est-ce que quelqu'un avait pénétré son appartement à son insu ?
Dans un mouvement de panique, Nicole lâcha la boîte et se précipita sur sa porte d'entrée, mais celle-ci était solidement verrouillée. Les fenêtres également. Elle fouilla chaque recoin ; l'argenterie était à sa place, ses bijoux dans leur écrin. Haletante, elle se rua sur son téléphone. Elle voulut appeler la police mais se ravisa. Comment expliquer que quelqu'un était venu sans effraction, n'avait rien pris mais avait laissé une boîte vide ? Ils la prendraient sûrement pour une vieille folle.
Précautionneusement, elle ramassa l'objet du délit et poussa un cri de stupeur. Un fin parchemin dépassait du trou.
Voilà autre chose ! dit Nicole à haute voix. Ses mains tremblotantes extirpèrent le papier et le déplièrent. Un mot y était inscrit : "Que chaque jour de cette nouvelle année vous apporte un instant de bonheur."
Pendant de longues minutes, Nicole ne sut que songer de tout ceci. Brusquement, dans un geste d'agacement, elle jeta la boîte et le message à la poubelle, ironisant sur la niaiserie de ce dernier.
Le lendemain matin, après avoir une énième fois fixé le morne plafond, Nicole sortit péniblement de son lit. Quelle ne fut sa surprise quand en entrant dans le salon, elle vit la boîte trôner sur la table avec le mot déplié posé à côté, et un nouveau billet dépassant de la fine ouverture. À nouveau elle passa frénétiquement tout l'appartement en revue, mais rien à signaler. Aux grands maux les grands remèdes ! s'écria-t-elle tout en balançant la boîte et le mot dans un sac poubelle, puis elle descendit en robe de nuit mettre le tout dans la benne. Nicole remonta chez elle avec la satisfaction du devoir accompli.
Le matin suivant, les yeux collés au plafond, Nicole se demanda si son plan de la veille avait fonctionné. Piquée par la curiosité, elle se leva prestement, mis sa robe de chambre avant de rentrer en trombe dans le salon. Nicole manqua de s'étrangler : la boîte était là, ainsi que le premier mot déplié et deux bouts de papier s'échappant du dessus. La vieille dame inspecta tout son domicile en vain. De rage, elle tenta d'enfoncer les deux parchemins à l'intérieur de la boîte mais n'y parvint pas. Cette fois-ci c'en est trop ! Sans même avaler une goutte de café, elle s'habilla, embarqua la boîte et les missives dans son sac, et fila au parking. Elle sauta dans sa voiture et prit la route de la déchèterie, persuadée qu'ainsi le problème serait réglé.
Et pourtant le jour d'après, le problème demeurait crânement sur la table du salon, un nouveau papier prêt à être découvert. Nicole soupira longuement ; visiblement, quelqu'un qu'elle connaissait devait lui jouer un mauvais tour, avait dû la suivre hier et avait remis la boîte sur la table durant la nuit. Mais à part la gardienne et sa fille Corinne, personne n'avait le double de ses clefs.
À la recherche d'indices, Nicole lut les mots sortis de la boîte. Tous étaient du même acabit que le premier : "Chaque jour nouveau est une possibilité d'aventures", "Un seul sourire peut en faire naître des milliers", "Le rire est le meilleur médicament de l'âme."
Billevesées, pensa Nicole. Vraiment des phrases stupides !
Le jour même, elle se rendit chez la gardienne mais celle-ci ne savait rien sur la boîte. Elle en savait nettement plus sur la vie de l'immeuble et partagea avec Nicole quelques commérages juteux. La veuve se prit d'intérêt pour ces histoires de voisinages et, quittant sa loge, elle adressa un sourire à la gardienne qui le lui rendit. Plus tard Nicole appela sa fille, qui ignorait tout de cette affaire. Elles bavardèrent un long moment. Lorsqu'elle raccrocha, le mystère de la boîte demeurait entier mais étrangement Nicole n'en était pas contrariée.
Le lendemain, elle se leva aussitôt réveillée et se précipita dans le salon. Et le message qu'elle reçut ce jour-là était de loin le plus étonnant de tous : "Il faut savoir accepter ce que l'on ne peut comprendre."
Cela ne pouvait pas être une coïncidence. Est-ce que cette chose pense ? s'interrogea Nicole.
La phrase tournait en boucle dans sa tête. Que lui fallait-il accepter ? Accepter que cette satanée boîte venant de nulle part la gratifierait tous les matins de bons mots plus mielleux les uns que les autres? Accepter que son mari était parti bien trop tôt, la laissant vieillir seule entourée de tous leurs souvenirs?
Accepter c'est se résigner, pensa-t-elle. Mais y a-t-il autre chose que je puisse faire ? Rien ne fera disparaitre cette boîte idiote, et rien ne me ramènera mon Gilbert, coincé dans une autre boîte.
Les mois passèrent, avec chaque jour un nouveau message. Nicole avait beau se moquer de leur simplicité, elle les répertoriait soigneusement dans un cahier. La vieille dame n'éprouvait plus le moindre mal à se sortir du lit ou à prendre son petit déjeuner. Parfois même elle chantonnait en s'habillant.
L'arrivée des beaux jours l'inspirait. Elle avait invité la gardienne pour boire un café. Elle téléphonait à sa fille toutes les semaines. Elle allait se promener dans le parc et avait même fait la connaissance de Michel, un homme âgé, veuf lui aussi et avec qui elle aimait discuter.
Parfois quand elle riait, une pointe de culpabilité semblait la percer, ravivant sa peine. Elle songeait alors au portrait de Gilbert, à son immuable sourire qui ne la quitterait jamais, et cette pensée chassait ses doutes.
Le dimanche de Pâques Nicole reçut la visite de Corinne. Les deux femmes se tombèrent dans les bras et restèrent enlacées longtemps. Je suis heureuse de te retrouver Maman, lui glissa sa fille à l'oreille.
Depuis ce jour, la boîte disparut aussi inexplicablement qu'elle était apparue. Dans ses rares moments de tristesse qui suivirent, Nicole se consolait avec les messages restés consignés dans le cahier.
Dans un lourd soupir, elle prit entre ses mains le cadre photo posé sur la table de chevet. Le sourire de feu son mari Gilbert ne la quittait jamais. Depuis seize mois maintenant il était parti, et la douleur de son trépas était toujours aussi vivace pour Nicole. Elle embrassa le portrait de son bien-aimé, les joues sillonnées de larmes et reposa tendrement le cadre à sa place.
Sans entrain, la veuve se dirigea vers la cuisine préparer du café. Elle traversa le salon quand quelque chose attira son regard sur la table à manger. Posée bien en évidence se trouvait une boîte dorée que Nicole n'avait jamais vue. La vieille dame s'approcha, incrédule. Elle saisit la boîte entre ses mains et l'examina ; elle n'y vit aucune marque d'aucune sorte, elle n'entendit aucun bruit quand elle la secoua, il n'y avait aucun système d'ouverture à l'exception d'un minuscule trou sur le dessus. Elle essaya de regarder à travers, en vain. D'où pouvait-elle bien venir ? Est-ce que quelqu'un avait pénétré son appartement à son insu ?
Dans un mouvement de panique, Nicole lâcha la boîte et se précipita sur sa porte d'entrée, mais celle-ci était solidement verrouillée. Les fenêtres également. Elle fouilla chaque recoin ; l'argenterie était à sa place, ses bijoux dans leur écrin. Haletante, elle se rua sur son téléphone. Elle voulut appeler la police mais se ravisa. Comment expliquer que quelqu'un était venu sans effraction, n'avait rien pris mais avait laissé une boîte vide ? Ils la prendraient sûrement pour une vieille folle.
Précautionneusement, elle ramassa l'objet du délit et poussa un cri de stupeur. Un fin parchemin dépassait du trou.
Voilà autre chose ! dit Nicole à haute voix. Ses mains tremblotantes extirpèrent le papier et le déplièrent. Un mot y était inscrit : "Que chaque jour de cette nouvelle année vous apporte un instant de bonheur."
Pendant de longues minutes, Nicole ne sut que songer de tout ceci. Brusquement, dans un geste d'agacement, elle jeta la boîte et le message à la poubelle, ironisant sur la niaiserie de ce dernier.
Le lendemain matin, après avoir une énième fois fixé le morne plafond, Nicole sortit péniblement de son lit. Quelle ne fut sa surprise quand en entrant dans le salon, elle vit la boîte trôner sur la table avec le mot déplié posé à côté, et un nouveau billet dépassant de la fine ouverture. À nouveau elle passa frénétiquement tout l'appartement en revue, mais rien à signaler. Aux grands maux les grands remèdes ! s'écria-t-elle tout en balançant la boîte et le mot dans un sac poubelle, puis elle descendit en robe de nuit mettre le tout dans la benne. Nicole remonta chez elle avec la satisfaction du devoir accompli.
Le matin suivant, les yeux collés au plafond, Nicole se demanda si son plan de la veille avait fonctionné. Piquée par la curiosité, elle se leva prestement, mis sa robe de chambre avant de rentrer en trombe dans le salon. Nicole manqua de s'étrangler : la boîte était là, ainsi que le premier mot déplié et deux bouts de papier s'échappant du dessus. La vieille dame inspecta tout son domicile en vain. De rage, elle tenta d'enfoncer les deux parchemins à l'intérieur de la boîte mais n'y parvint pas. Cette fois-ci c'en est trop ! Sans même avaler une goutte de café, elle s'habilla, embarqua la boîte et les missives dans son sac, et fila au parking. Elle sauta dans sa voiture et prit la route de la déchèterie, persuadée qu'ainsi le problème serait réglé.
Et pourtant le jour d'après, le problème demeurait crânement sur la table du salon, un nouveau papier prêt à être découvert. Nicole soupira longuement ; visiblement, quelqu'un qu'elle connaissait devait lui jouer un mauvais tour, avait dû la suivre hier et avait remis la boîte sur la table durant la nuit. Mais à part la gardienne et sa fille Corinne, personne n'avait le double de ses clefs.
À la recherche d'indices, Nicole lut les mots sortis de la boîte. Tous étaient du même acabit que le premier : "Chaque jour nouveau est une possibilité d'aventures", "Un seul sourire peut en faire naître des milliers", "Le rire est le meilleur médicament de l'âme."
Billevesées, pensa Nicole. Vraiment des phrases stupides !
Le jour même, elle se rendit chez la gardienne mais celle-ci ne savait rien sur la boîte. Elle en savait nettement plus sur la vie de l'immeuble et partagea avec Nicole quelques commérages juteux. La veuve se prit d'intérêt pour ces histoires de voisinages et, quittant sa loge, elle adressa un sourire à la gardienne qui le lui rendit. Plus tard Nicole appela sa fille, qui ignorait tout de cette affaire. Elles bavardèrent un long moment. Lorsqu'elle raccrocha, le mystère de la boîte demeurait entier mais étrangement Nicole n'en était pas contrariée.
Le lendemain, elle se leva aussitôt réveillée et se précipita dans le salon. Et le message qu'elle reçut ce jour-là était de loin le plus étonnant de tous : "Il faut savoir accepter ce que l'on ne peut comprendre."
Cela ne pouvait pas être une coïncidence. Est-ce que cette chose pense ? s'interrogea Nicole.
La phrase tournait en boucle dans sa tête. Que lui fallait-il accepter ? Accepter que cette satanée boîte venant de nulle part la gratifierait tous les matins de bons mots plus mielleux les uns que les autres? Accepter que son mari était parti bien trop tôt, la laissant vieillir seule entourée de tous leurs souvenirs?
Accepter c'est se résigner, pensa-t-elle. Mais y a-t-il autre chose que je puisse faire ? Rien ne fera disparaitre cette boîte idiote, et rien ne me ramènera mon Gilbert, coincé dans une autre boîte.
Les mois passèrent, avec chaque jour un nouveau message. Nicole avait beau se moquer de leur simplicité, elle les répertoriait soigneusement dans un cahier. La vieille dame n'éprouvait plus le moindre mal à se sortir du lit ou à prendre son petit déjeuner. Parfois même elle chantonnait en s'habillant.
L'arrivée des beaux jours l'inspirait. Elle avait invité la gardienne pour boire un café. Elle téléphonait à sa fille toutes les semaines. Elle allait se promener dans le parc et avait même fait la connaissance de Michel, un homme âgé, veuf lui aussi et avec qui elle aimait discuter.
Parfois quand elle riait, une pointe de culpabilité semblait la percer, ravivant sa peine. Elle songeait alors au portrait de Gilbert, à son immuable sourire qui ne la quitterait jamais, et cette pensée chassait ses doutes.
Le dimanche de Pâques Nicole reçut la visite de Corinne. Les deux femmes se tombèrent dans les bras et restèrent enlacées longtemps. Je suis heureuse de te retrouver Maman, lui glissa sa fille à l'oreille.
Depuis ce jour, la boîte disparut aussi inexplicablement qu'elle était apparue. Dans ses rares moments de tristesse qui suivirent, Nicole se consolait avec les messages restés consignés dans le cahier.
La curiosité est cette fois un bien joli défaut !
Bravo !
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L’art de la vie et de la réussite (Sékou Oumar SYLLA)