— Éteins cette lumière, Elis.
Les dents de mon père sont serrées. Ce n'est jamais bon. Je sais qu'il faudrait me taire, mais c'est plus fort que moi.
— S'il te plait, je veux laisser la
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Moi, si différent des autres
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Jury

Pourquoi on a aimé ?
Un texte dur, qui relate à la première personne la vie effroyable d’une jeune adolescente handicapée, consciente d’être un fardeau pour une
Il était trop tard quand elle a appris qu'elle était enceinte de moi, dit-elle. Alors elle est partie, pour étouffer l'affaire. Elle revient six mois plus tard avec une batârde atteinte d'une anomalie des membres inférieurs. La honte. Il fallait me cacher, me dissimuler pour me mettre à l'abri des regards inquisiteurs de leurs amis du quartier. On ne pouvait pas se permettre de salir l'honneur de la famille. Alors mon sort était jeté. Je relevais de l'interdit, du profane, mon nom ne devrait être cité devant des étrangers ou des amis de la famille. Ainsi, j'ai grandi dans l'ombre de l'honneur de ma famille. En étant l'ultime fardeau de ma mère, un fardeau trop lourd pour ses épaules.
Elle ne me parle jamais de ses sentiments à mon égard. Et les rares fois où j'arrive à lire quelque chose dans ses yeux, je ne vois que de la colère, la culpabilité, le dégoût et l'épuisement. Je doute qu'il y ait un peu d'amour. Mais je m'accroche à l'idée que quelque part en elle, existe un petit peu pour moi. Mais c'est compliqué de le déceler. C'est compliqué, car c'est comme un mélange de tous les sentiments refoulés de sa vie. Toutes les occasions ratées, les sorties entres amis qu'elle a dû quitter pour me garder, les années de sa jeunesse dont elle n'a pas pu profiter. Il y a tout ça dans son regard.
Je ne lui en veux pas pour les fois où elle pète les plombs. Je me souviens de cette soirée avec J. Son petit copain qu'elle a dû annuler pour me garder. Le problème c'est que je ne suis pas habituée aux étrangers. Et depuis la mort de mes grands-parents, c'est à elle de tout gérer. Je ne connaissait pas la baby-sitter, j'ai paniqué, et je n'ai pas arrêté de la réclamer. Fatiguée de tous les appels, elle est rentrée furieuse de cet énième rendez-vous raté. Ce soir-là j'ai su ce qu'était la rage, elle a tout déversé sur moi. Tous ces secrets, tous ces mensonges qu'elle doit garder autour d'elle. Et quand elle a dit que je suis la source de tous ses problèmes, je l'ai comprise ou quand elle m'a demandé de crever pour qu'elle puisse enfin vivre sa vie, je n'en lui ai pas voulu. J'ai compris également lorsqu'un peu plus tard je l'ai entendu dans sa chambre s'effondrer en larmes. Je suis très compréhensive, je la comprends très bien ma maman. Et je sais que je n'ai rien à foutre dans sa vie. Elle n'arrive plus à me cacher. Et je sais qu'elle en a marre des regards accusateurs et des interrogatoires, à chaque fois que quelqu'un me voit. J'ai longtemps rêvé de quitter la maison, pour lui rendre sa liberté. Pour qu'elle puisse rattraper les quinze ans que je lui ai pris. Mais pour aller où. Vous connaissez un endroit dans ce pays où des personnes comme moi peuvent vivre bien ??
Moi je suis un cancer, de ceux qui ne guérissent pas et qui vous minent à l'intérieur jusqu'à avoir votre peau. On ne se débarrasse pas des gens comme moi. Grand père avait raison, un jour je l'ai entendu dire:" cette enfant est un tracas, et dire qu'on doit la supporter jusqu'à la fin de nos jours. Elle ne partira jamais. Quel homme voudra d'une pauvre femme en fauteuil roulant pour épouse ??? On a dû faire quelque chose de bien grave, à Dieu pour qu'il ose nous faire ça... Je suis différente, je sais. Mais je ne l'ai pas choisi ma différence. J'aimerais tellement que maman retrouve son sourire, qu'elle profite de sa vie... Je ne sais même pas pourquoi je vous raconte tout ça...Cette rencontre va prendre fin. Et je serai toujours un embarras pour ma mère. Mais je voudrais arrêter d'être ce bon à rien, Ce casse-pieds qui lui empêche de vivre. Je voudrais être moi-même, être quelqu'un. Quelqu'un qui a sa place, je ne veux plus résumer mon monde à ma petite chambre. Je veux vivre, et ce n'est qu'ainsi que maman pourra retrouver sa liberté.

Pourquoi on a aimé ?
Un texte dur, qui relate à la première personne la vie effroyable d’une jeune adolescente handicapée, consciente d’être un fardeau pour une
On est bien dans l'histoire. J'aurais apprécier que la mise en scène m'apprenne le groupe de parole plutôt que le narrateur.
à de prochains croisements