Moi déçu, Lui perdu

Toute histoire commence un jour, quelque part. La mienne commence le jour où j’ai commencé à considérer Douglas comme un ami, et comme dans notre culture nous sommes tous des frères, il était comme un frère pour moi ! Tout débute à l’amphithéâtre 450 de l’université de Douala où j’étais tranquillement assis vers le Chabat, je laissais le prof de chimie fondamentale surfer dans mon cerveau. Tellement la leçon était intéressante que je n’éprouvais aucne difficulté dans la compréhension, si bien que je commençais à douter de moi-même.
Prof : Quelle est la formule du Benzène ? J’accorderais deux points supplémentaires à celui qui trouve la réponse
Quand les gars et les gos ont entendu cela, la salle a commencé à s’agiter comme un essaim d’abeilles qui déménageait pour changer de ruche ; Je levai timidement le doigt,
Moi : Monsieur je pense que c’est C6H6
Prof : Exact, rappelle-moi cela au prochain galop.
Après la « petite » réponse que je venais de donner tous les regards de la classe se sont subitement tourner vers moi, on aurait dit que je venais d’accomplir un miracle ; c’est pendant ce cours que j’avais fait la connaissance de Nady Nankeu. Une go belle partout, la beauté toute faite ! une véritable guitare espagnole. Elle m’avait approché pour me demander si j’avais fait mes études secondaires au lycée Bilingue de Babangwa parce que d’après elle « mon visage lui semblait familier ».
Nady : je pense que c’est toi que je voyais souvent au lycée, c’est toi qui était souvent impresario lors des soirées culturelles n’est-ce pas ?
Moi : [tout penaud] oui c’est moi, et toi tu dois être Nady n’est-ce pas ? Je n’allais pas quand même diminuer le peu d’égo que j’avais en lui faisant comprendre qu’en fait je la connaissais déjà et qu’en secret j’avais le béguin pour elle.
Nady : Oui en effet je m’appelle Nady Nankeu, ça fait plaisir de voir un visage familier, je me sens rassurée.
C’est ainsi que de fil en aiguille, des restos aux boites de nuit en passant par des ballades dans la ville, sans oublier quelques séances de travail, Nady et moi nous nous sommes rapprochés, en fait c’est ainsi que Nady est devenue ma « go ». Dans mon téléphone son nom c’était « choupinette », mon fond d’écran c’était sa photo, Facebook, WhatsApp, Insta... sa photo était partout. Pendant sept mois, je nageais dans l’amour, dans le vrai amour, l’amour pure. Nady était dingue de moi, enfin je pense ; romantisme, charme, beauté, tout était au rendez-vous : on filait le parfait amour ;
Toutefois, le hic dans notre relation était le « sexe », mais elle me demandait toujours d’attendre, qu’elle ne voulait aucunement me faire du mal, car elle m’aimait et lorsqu’elle serait vraiment prête, ensemble on feuillettera avec plaisir nos différentes pages. Je trouvais cela bizarre ! c’est toute cette confusion qui me poussa à me confier totalement à celui que j’appelais frère.
Douglas : Gar je ne sais pas pourquoi tu cherches loin, la go là ne t’aime pas !! moi je te dis, si elle t’aimais elle allait se donner à toi ;
Moi : ahhhhh...je ne sais plus quoi penser gar !! il y’a une différence radicale entre ce que tu me dis et ce que je sais d’elle ! en tout cas le temps est le véritable juge de l’histoire.
Je rentrais chez moi ce jour-là, je me couchais sur mon lit à compter les carreaux du plafond, puis je m’assoupis ; il était 03h quand la sonnerie de mon téléphone me fît sortir de mes rêves :
Moi : Oui allô choupinette bonsoir !! que se passe-t-il pour que tu m’appelles si tard ? tout va bien ?
Nady: Tu demandes cela à qui ? Donc tu as encore le courage de me parler !! tu n’as même pas honte tu comprends ! avec tout ce que j’ai sacrifier pour toi !?
Moi : Mais chérie de quoi est-ce que tu parles ? je ne comprends rien !! et puis où est-ce que tu es avec les bruits autour de toi comme cela ?
Nady: Fous-moi le camp tu comprends !...saches que Douglas m’a tout raconté, vraiment je ne savais pas que tu dirais des choses pareilles de moi !!! et pour ton information bon monsieur je suis en boîte de nuit avec lui !! au moins lui il a eu la brillante idée de me proposer de me détendre et d’oublier les bêtises que tu racontais à mon sujet, je regrette même de ne pas avoir accepté ses avances depuis !! bonne nuit et oublies moi tu comprends?
Moi : Mais Nadège écoute....
Avant que je n’aie le temps de placer d’autres mots Nadège venait de me raccrocher au nez. Je ne pus fermer l’œil de toute la nuit. Je venais de me rendre compte que non seulement mon ami de confiance m’avait trahi en contant fleurette à ma meuf dans mon dos, mais surtout que ses faux conseils avaient pour but de me séparer d’elle. À 08h du matin j’entendis toquer fortement à ma porte, quand j’ouvris, grande surprise !!! c’était Nady, tout en larmes. Je compris que sa nuit avait été très courte mais surtout pénible ; pendant que je réfléchissais, elle éclata en sanglot, en prononçant des mots que j’avais du mal à déchiffrer.
Nady : Ecoute chéri, je suis désolée pour tout ce que je t’ai dit hier, je sais que j’ai été très dure et méchante envers toi !!
Cette phrase me coupa le souffle ! je tombais de nue ! donc après tout ce qu’elle m’avait balancé hier, non seulement elle avait encore le toupet de venir chez moi, mais en plus de me demander des excuses ! j’avais envie de répondre à ces excuses par une bonne claque sur sa joue ! mais, pour des raisons de politesse, de courtoisie et surtout parce qu’elle était en pleurs, je lui répondis :
Moi : Ce n’est pas grave choupinette je te comprends, ça peut arriver ! ne t’inquiète pas ça va ok !?
Nady : [tout en pleurs] il m’a touché, chéri il m’a violé !!! il m’a fait saouler pour coucher avec moi !! et en plus sans préservatif !
C’était le comble ! il l’avait fait, et moi qui essayait de faire l’amour avec ma copine depuis des mois ! au point de me confier à Douglas sur ma situation, en une nuit lui il l’avait « fait ». Je n’en revenais pas !
Nady : J’imagine ce que tu ressens en ce moment, et je ne t’en voudrais pas si tu ne veux plus de moi ! je sais que depuis on n’avait pas pu franchir ce cap-là, je sais que depuis tu meurs d’envie de découvrir mon corps ; mais sache que si j’ai toujours dit non c’était pour une bonne raison ! je t’aime et je ne veux pas te faire du mal, je ne veux surtout pas te perdre.
Je ne comprenais rien de tout ce que Nady racontait, ses mots sonnaient dans mes oreilles comme de la chimie quantique ;
Nady : J’ai une confession à te faire... j’ai le... j’ai le SIDA ! cela fait deux ans que je vis avec, et c’est la raison pour laquelle je refusais que tu me fasses l’amour sans consulter un médecin au préalable. Voilà ! tu sais tout maintenant, je crois que mon cœur peut souffler à présent.
La confession que venait de me faire Nady me laissa bouche bée ! Je n’arrivais pas à y croire. Elle était si belle, si bien portante, personne n’aurait pu imaginer un seul instant qu’elle vivait avec le VIH SIDA !
Nady : s’il te plaît parles moi !
Moi : Douglas le sait ?
Nady : Quand il essayait de me déshabiller je le lui ai dit mais il ne m’a pas cru, il a continué à le faire. Une fois qu’il avait fini je le lui ai répété, il m’a demandé si j’étais sérieuse, je lui ai répondu oui, il ne m’a toujours pas cru. C’est quand je lui ai montré les Anti-Rétro-Viraux (ARV) qui étaient dans mon sac à main qu’il a réalisé qu’il venait de commettre la pire bêtise de sa vie. C’est là qu’il a commencé à me crier dessus et à me frapper. C’est une chance si j’ai pu m’échapper.
Moi : Nady je ne sais vraiment pas quoi te dire maintenant, j’ai besoin que tu me laisses un peu de temps pour que je puisse réfléchir à tout ceci.
Nady : Ok, je te comprends, prend tout le temps qu’il te faudra et fait moi signe quand tu auras pris une décision ; et s’il te plaît fait moi une faveur, garde cette histoire pour toi seul !! je ne veux pas devenir l’objet de raillerie et de débat de tout le campus.
Nady se leva d’un bond et franchît le pas de la porte. Je me trouvais à un carrefour : j’aimais bien Nady, mais est-ce que je pourrais supporter de vivre avec elle sachant qu’elle est atteinte de VIH SIDA ? En voyant sa silhouette s’effacer, je ne pouvais m’empêcher de repenser à tous ces bons moments qu’on avait vécu ensemble :
Moi : Nady attend ! je préfère ne pas te laisser partir ainsi. Essaye d’abord de te calmer.
Nady : Merci beaucoup Désiré mais ne te sent pas obligé. Je vais bien et c’est ton état qui me préoccupe plutôt. Tu sais ? tu as toutes les raisons de me haïr, et je ne fais qu’obtenir ce que je mérite. Que ce soit ma maladie ou alors mon viol, c’est mon ignorance et ma naïveté qui m’ont joué des sales tours. Ma vie ne tient plus qu’à un fil, j’ai cru à nouveau en l’amour une fois avec toi et je ne voulais pas gâcher ta vie, tu es trop important à mes yeux, tu es une très bonne personne.
Moi : Je te comprends Nady, toutefois arrête de te faire du mal. La vie ne s’arrête pas là et vu ton âge, tu ne peux te permettre de penser au pire, tu as encore beaucoup de chose à accomplir ! Bon Je vais t’accompagner chez toi OK ?! Laisse-moi juste le temps de réfléchir à tout ceci s’il te plait. Et puis souviens toi, la meilleure voie de résolution d’un problème dans un couple reste et demeure le dialogue !
Nady : Ok Désiré, tu as raison ! Je comprendrai aussi si tu me quittes, je me suis psychologiquement préparée à cette éventualité depuis que l’on m’a diagnostiqué cette maladie. Je sais que mon sort est scellé, donc dans tes réflexions ne te force pas s’il te plaît ! prend tout ton temps et merci encore de ton comportement serein face cette situation, merci surtout pour ta franchise, j’aime ton caractère franc-joueur.
Il me fallait absolument rencontrer mon oncle chez lui avant qu’il ne se rende à l’hôpital. Lui seul pouvait m’apporter un avis d’expert sur la situation de Nady. Mon oncle était un jeune médecin et en même temps mon pote, bien que rigoureux au sujet des affaires sérieuses.
Oncle : 7h ! petit, ta piaule a pris feu ?
Moi : Non tonton, pas encore ! j’ai juste urgemment besoin de tes conseils.
Oncle : Humm...vu la tête que tu fais, j’imagine que la situation est sérieuse. Installe-toi et dis-moi : tu as engrossé la fille de qui ?
En quelques minutes, entre hésitation et fuite de mémoire, j’avais déjà fait le résumé de la situation à mon oncle. Il resta silencieux pendant un instant. Puis, il me fixa et me parla d’homme à homme.
Oncle : Désiré, tu es un adulte déjà et tu dois connaître certaines choses ; Tu sais, en tant que médecin ce genre d’histoire est monnaie courante ; j’en écoute en longueur de journée. Vois-tu, elle pouvait faire comme certaines filles porteuses de VIH, c’est-à-dire partager la maladie à tout le monde ! mais elle s’est abstenue de faire cela avec toi. Mon petit, avoir le SIDA n’est plus une fatalité. Tu peux bel et bien vivre avec ta chérie aussi longtemps que possible sans contracter la maladie ; et si jamais tu pensais à l’épouser dans le futur, sache vous pouvez avoir de nombreux enfants qui n’auront non plus la maladie. Tu m’as dit qu’elle se fait déjà traiter, c’est une très bonne chose. Maintenant, si tu décides de rester avec elle, je vous attendrai à l’hôpital ensemble et je m’occuperai personnellement de votre cas. En ce qui concerne Douglas, essaye de le recontacter car plus la prise en charge des patients séropositifs est précoce, moins ils sont contagieux ! en d’autres termes, la trithérapie est un moyen préventif très efficace, même pour protéger l’autre. Pour que cela fonctionne effectivement, il faut que la charge virale soit indétectable dans le sang depuis au moins 6 mois, sans oubli de prises d’ARV, et que l’on ne soit atteint d’aucune autre infection sexuellement transmissible. C’est d’autant plus utile dans les cas de couples séro-différents, car cela permet de protéger son/sa partenaire et de réduire le stress général chez les personnes séropositives, stress qui a des effets négatifs sur le corps, le cerveau et le psychisme. Le traitement précoce est aujourd’hui une des solutions pour mieux vivre avec le VIH. Le dépistage régulier est donc très important !
Moi : Après t’avoir écouté attentivement tonton, je vais essayer une fois de plus de le joindre et même s’il n’a pas été sérieux envers moi, je peux imaginer l’état dans lequel il se trouve et après tes explications, je pense que je dois d’abord l’aider à surmonter cette étape ; quant à ma relation avec Nady je compte la continuer car je l’aime, comme tu l’as si bien dit, je peux vivre ma relation sans crainte, quand bien même elle serait malade.
Oncle : Tu sais, tu as agi comme un homme mature et je t’en félicite. C’est l’ignorance qui pousse parfois les Hommes à agir de manière irréfléchie et les conséquences deviennent plurielles. Je suis fier que tu sois venu me rencontrer, ils sont peu dans ton cas qui penseraient ainsi. Bonne chance mon petit, compte sur moi pour te soutenir dans cette épreuve.
Quelques minutes plus tard je me trouvai chez Nady.
Moi : Nady ? qu’est ce qui t’arrive ?
Sans dire mot, elle me tendit son Smartphone, j’y vis un message à l’écran :
Bonjour Nady, j’ai préféré t’écrire ce message parce que je sais, tu ne répondras pas à mes appels... je regrette de tout cœur l’acte que j’ai commis, je ne sais pas ce qui m’a pris mais je paye déjà le prix fort. Tu es une bonne fille et tu as le meilleur mec de toute la terre. J’ai tout fait pour perdre en quelques heures mon ami, mon frère. Je n’ai pas d’excuse à cela mais j’espère vous me pardonnerez. Je ne peux pas vivre avec ce que je vous ai fait et surtout avec cette maladie que j’ai tant redouté toute ma vie. Que Dieu vous garde et vivez en paix.
Douglas
Moi : Choupinette, c’est à cause de ce message que tu pleures ?
Nady : Douglas vient de se suicider
Moi : Pardon ? quoi !?
Nady : Chéri ! son corps est présentement à la morgue, si tu lis bien le message tu verras qu’il me l’a envoyé hier à 23h ; on me l’a annoncé ce matin, il s‘est pendu ce matin vers 3h.
Douglas ? Un gar plein de vie ? Se suicider ? À cause du VIH ? Même sans se faire dépister ou alors sans tenter de se battre comme Nady ? Sans essayer de lutter il avait opté pour la mort alors que j’avais pris la décision de l’aider ? Ahhh... la vie !! décidément mon oncle avait raison : l’ignorance peut nous pousser à commettre des actes irréversibles.
Moi : Arrêtes de pleurer s’il te plait. Après avoir longtemps discuté avec mon oncle j’ai pris une décision : je veux rester avec toi Nady. Je t’aime et je ne veux pas vivre sans toi. Des lignes de surprises pouvaient se lire sur le visage de Nady, elle mit les mains à la bouche ; et devine quoi : il a même décidé de s’occuper personnellement de notre cas !
Nady : (Elle se leva et me prit par le cou toute heureuse) Merci mon Dieu ! merci mon amour, je t’aime aussi beaucoup et je te promets de......
Elle ne put finir sa phrase que mes lèvres étaient déjà sur les siennes.