L'Oublié

Toute histoire commence un jour, quelque part. Pourtant, sous ces cieux d'un noir etincellant, où se noient silencieusement les myriades d'astres immaculés, un homme anonyme marche, seul. Il semble provenir de loin, chaque pas l'éloignant de ses origines, le plongeant dans un fugace instant présent pour le conduire vers un futur incertain. L'homme était en haillons, ses cheveux hirsutes luttaient contre le vent, froid et impitoyable, cruel et sauvage. Ses lèvres étaient mortes, sa gorge sèche, son estomac noué, sa tête en feu et son corps faible et fébrile. Ses pieds nus étaient squelettiques, des entailles dansaient sur ses genoux, et les muscles de ses mollets étaient secoués de vibrations, mûs par l'effort excessif qu'on leur imposait. Chaque brûlure, entaille, écorchure, à vif, brûle. Peut-être fuyait il un passé pénible, tourmenté d'interrogations sans réponses ? Ses yeux étaient rivés vers le sol, sans doute pour ne plus voir ce monde. Ce monde simple, beau, laid, niais, aberrant, souffrant et pénible, vil et fourbe, tendre mais buté. Halètement, suffocation, saignement et marche douloureuse, l'ombre à gauche, les ténèbres à droite, l'inconnu devant et le sang derrière. Telle est l'une des innombrables nuits de marche de l'Oublié sur la Terre Aride et Morte. Le voile de la nuit ne l'arrête pas car il le sait, chaque pas amoindri une distance qu'il sait courte, car l'éclat de l'aube, sa timide éclosion décèle toujours une lueur d'espoir dans les lendemains de notre vie.