L'hommage à deux sœurs prostituées

Toute histoire commence un jour, quelque part.Depuis l’été dernier,la bataille réapparaît dans le village de Musenga.Le ciel est parsemé d’immenses fumées noires,de flambeaux de cartouches et leur lumière éblouit les désespérés tandis que leur chaleur agonise les blessés. Les hommes et les animaux meurent innocemment;et les maisons et les champs sont détruits au passage des soldats vêtus d’épées et de mitrailleuses. C’est la guerre opposant les notables du village aux villageois où ceux-ci reprochent aux notables une intolérable désinvolture et leurs violences perpétuelles. Ainsi, après de violents coups qui ont duré vingt six mois, le matin du 1 Août 2001 apparaissent deux jeunes filles de 21ans rescapées de ces batailles. Leurs visages saignent de la sueur démesurée. Elles veulent faire le tout possible pour ramener la paix, l’ordre et la prospérité dans leur village natal:
Toyi et Bukuru sont deux jumelles couronnées d’une extrême beauté. L’amour de la patrie prédomine en elles. Elles sont nées d’une mère frugale et d’un père très envieux du pouvoir. Cette mère s’appelle NZIRUBUSA, le nom confié aux victimes de guerres. Elle est morte le 1er Juillet lors de la bataille où elle a été fusillée par son mari avec ses proches. Cette mort a provoqué l’exil des deux jumelles vers Buruhukiro. Dans leur vie, elles sont souriantes, pitoyables, courageuses comme leur feue mère. Mais elles sont aussi attachées aux plaisirs sensuels. La mort de leur mère les désespère jusqu’aux moelles des os. “C’est vrai que notre mère est morte?” se demande Toyi en pleurant. Bukuru prend sur la poitrine de Toyi pour l’apaiser. Elles ne pensent plus à leur père. Celui-ci leur paraît comme un monstre pour avoir osé tuer leur mère. Toutes désespérées, Toyi et Bukuru s’embrassent assises dans la boue. Il pleut abondamment ce temps. Cet embrassement est un signe de leur fraternité et de leur hospitalité. Après cela, Toyi demande à Bukuru: “Que pouvons-nous faire? Je n’ai plus de force et je n’ai pas envie de revoir notre maudit père. ”Bukuru lui répond mais difficilement: “Ma sœur! Vaut mieux quitter ici. Allons chercher l’asile ailleurs. La paix va peut-être revenir dans nos cœurs.”
Elles se lèvent par la suite en s’appuyant l’une sur l’autre .En pleurant, elles prennent le chemin vers Buruhukiro c’est-à-dire Lieu de repos des Ames. Elles marchent à pas comptés sur un chemin glissant. C’est à cause de la pluie et du sang qui y coule. Le sang des morts et des blessés. Elles tombent et se lèvent après toutes les cinq secondes. Toyi est beaucoup frappée par la fatigue et la peur. Cinq heures de marche dans la forêt. “Tu vois ces malheurs Bukuru”? demande Toyi. “Oui je vois ma sœur. Que dieu nous sauve! ”Répond Bukuru. “Non c’est quoi Dieu? La prière ne suffit pas pour mettre fin à cette situation néfaste ”dit Toyi. Sœur! N’offense pas Dieu! dit Bukuru. Pour toi, par quel autre moyen pouvons-nous passer pour nous en sortir sans l’intervention de Dieu le Tout-Puissant”? Toyi lui répond énergétiquement: “Nous devons utiliser nos propres moyens dont nous disposons. Ce Dieu nous a données le corps et l’esprit pour nous sauver nous–mêmes et sauver nos voisins. Arrivons à Buruhukiro nous allons trouver la solution”. Bukuru trouve cette idée bonne et dit: “Ah bien! Allons-y! Oui nous devons ménager nos corps et talents pour ramener la paix, l’ordre et la prospérité dans notre village de Musenga. Nos richesses du corps sont à la disposition”. Ces richesses du corps ce sont leurs sexes.
Et puis à 11h30, elles entrent dans le village de Buruhukiro. Le climat y est doux et les enfants rentrent de leurs écoles. Les champs sont merveilleux. Le maïs, le haricot et des ignames sont à la maturité. Les gens y boivent de la bière de sorgho . Cette bière est contenue dans une cruche ronde appelée Intango et les gens boivent assis autour d’elle. C’est un symbole d’entente, de partage et d’entraide. Dans ce village, la violence, la haine et la guerre sont un rêve. Les églises catholique et protestante n’existent pas. c’est parce que elles luttent contre la prostitution.
A Buruhukiro, faire l’amour n’est pas interdit. L’amour sexuel est considéré comme symbole et source de paix, de prospérité, de liberté et d’équité. C’est une valeur incontournable et tout le monde lui doit respect. Cet acte de faire l’amour surprend et intéresse Toyi et Bukuru. Elles sont d’ailleurs très sensuelles et c’est pour elles un souvenir. Elles faisaient souvent cet amour avec les garçons lors de la surveillance des chèvres dans la plaine de Gitwa sous le mont Birime. Seulement c’était en cachette. Les villageois de Buruhukiro accueillent les deux sœurs. Ils leur donnent à manger et à boire. Contentes, Toyi et Bukuru remercient à ces villageois. Ensuite, elles leur parlent de ce qui a fait qu’elles quittent leur village natal. Plus courageuse que Bukuru, Toyi prend la parole: “Nous venons de Musenga et notre mère est morte suite aux batailles entre les chefs et les dirigés. Ça fait deux ans et nous avons fui ce village de peur que notre père nous tue car c’est lui-même qui a tué notre mère avec ses amis. La bataille est sanglante et les chemins sont pleins du sang des morts et des blessés. Les maisons et le troupeau sont détruits à cœur vaillant. Donc, nous sommes venues ici à la recherche d’asile. Ayez pitié de nous Dieu vous en remerciera”! Très pitoyablement et chaleureusement, tous les villageois répondent en même temps: “Soyez à l’aise! Vous êtes parmi les vôtres! Vous ferez tout ce qui peut vous plaire et vous enrichir. Et si vous le souhaitez, vous resterez ici chez nous pour toujours”.
Les deux sœurs leur applaudissent et leur demandent par la suite de leur trouver un lit pour se reposer. Ces villageois leur accordent une maison éclairée. C’est une grande maison d’accueil pour ceux qui viennent d’ailleurs. Elles y demeurent les premiers jours avec les natifs. C’est le signe d’amour envers les étrangers. Cette maison n’a pas de chambres et les hommes et les femmes s’y logent sans distinction de sexes et d’état d’âge. Ils couchent ensemble et font l’amour durant toutes les nuits avec n’importe qui .C’est permis et c’est une coutume dans ce village. Les gens y travaillent le jour et y font l’amour la nuit. Ce sont les deux activités principales et obligatoires à Buruhukiro. Toyi et Bukuru sont vivement satisfaites de ce programme.“ C’est bien de voir où l’on fait l’amour que la guerre”, dit Bukuru. “Evidemment oui, ajoute Toyi. Si c’était ainsi même chez nous, le sang ne coulerait pas. Nous serions tous unis y compris ceux qui sont déjà morts. Même notre père n’oserait pas faire le crime contre notre aimable mère. Nous devons diffuser ces adorables comportements même chez nous”, ainsi suggère-t-elle. “Oui, dit Bukuru avec un signe de tête”.
Toyi et Bukuru passent trois jours dans cette maison de passage. Après, elles sont déjà familières avec les villageois de Buruhukiro. Leur sentiment et caractère étrangers disparaissent. Leur beauté et leurs qualités d’ouverture et de charme leur permettent de trouver tout de suite du travail. Elles sont affectées dans un Hôtel appelé FAPLUGUE. C’est un acronyme qui signifie Faire l’Amour Plutôt que la Guerre. Bukuru est nommée Gérante dans cet Hôtel et Toyi la Caissière. Mais toutes les deux sœurs peuvent aussi être au service des clients que les autres agents. Cet hôtel est un lieu de plaisir et tous les gens viennent y boire, y danser et s’y loger. Ils y font le culte d’amour sexuel, symbole de fraternité. Ils s’y présentent toujours pour gouter les saveurs des sexes des jolies filles. Toyi et Bukuru sont beaucoup plus sollicitées. C’est grâce à leur beauté et à leur séduction. “Soyez les bienvenus messieurs! Nous avons bien préparé le repas du jour accompagné de la bière de sorgho, de Primus, de Heineken, de vin,... que désirez-vous?” Tels sont les propos de Toyi et Bukuru. Ce repas c’est le sexe. Durant le manger c’est-à-dire pendant le moment des rapports sexuels, les deux sœurs font perdre la raison de leurs partenaires. Les hommes sortent des chambres affolés de la suavité des sexes de ces jumelles en prêtant des jurons “Ce sont les toutes seules et uniques des filles du monde! Nos filles! Elles remuent bien les fesses et le diable dévore nos esprits!” s’exclament-ils.
Ces deux filles gagnent beaucoup d’argent dans ce métier de débauche. Cependant, elles se souviennent de leur village natal rongé par la pauvreté, la haine et la guerre “si tous les individus de notre village reconnaissaient la valeur et le rôle du sexe dans la vie humaine, ils ne vivraient pas les moments douloureux que nous avons nous aussi vécus. Notre village serait un paradis. L’amour sexuel soutiendrait nos valeurs humaine, éthique et morale. Et la haine, la violence, les massacres, les mépris ne verraient pas le jour”, disent-elles. Les deux filles éprouvent le sentiment de pitié envers les victimes de guerre et les survivants du même village. Elles décident de les secourir en envoyant une correspondance épistolaire aux chefs du village de Musenga.C’est pour leur demander la permission de secourir les pauvres et les vulnérables sans oublier pour soutenir les autres projets du village. Les autorités du village leur ont vite répondu: “c’est une bonne idée d’assister votre village! Venez donc vite, nous vous assurerons la sécurité”. CES autorités sont envieuses de l’argent promis par ces jumelles. Nos étages vont être sans doute s’achever à se construire et les paysans ne seront qu’à se pendre”, disent-elles.
Toyi et Bukuru envoient 50 Millions de FSA (monnaie utilisée à Buruhukiro où 1 FSA équivaut à 1500€).Cette grande somme d’argent est destinée à intervenir dans les cas ci-haut cités. Dans les projets du village, une partie de cet argent est réservée à la construction de trois hôpitaux, cinq écoles dont une université appelée “L’Amour- Paix” et d’un pont qui va relier les deux villages (Musenga et Buruhukiro).L’argent arrive dans les mains de leur père. Il est maintenant le chef du village. Il s’en sert avec ses proches dans leurs besoins comme ils l’avaient déjà prévu. Mais malgré cela, Toyi et Bukuru envoient une autre somme d’argent équivalente à la première. C’est grâce à leur amour de la patrie. A ce deuxième tour, les objectifs envisagés ont été réalisés. Tout le village devient content et même le chef regrette ce qu’il a fait à ses enfants et à leur mère. Mais il ne connait pas de quel métier ses enfants tirent cet argent exorbitant. C’est le métier de débauche. C’est métier gentil et procréateur. Il fait reconstruire le village. Aujourd’hui, les enfants vont à l’école et le chômage est vaincu. Certains villageois savent où Toyi et Bukuru trouvent cet argent“Ntamwuga udakiza c’est-à-dire il n’y a pas de sot métier, il n’y a que de sottes gens” disent-ils.
Ces villageois chantent les bons actes des deux jumelles. Ils parlent de leurs qualités et de leurs bienfaits à leurs enfants. C’est pour que ces derniers imitent les comportements de ces filles héroïnes. Ils leur apprennent à faire l’amour plutôt que la guerre. C’est pour éviter que le sang se verse encore. Certains enfants sont déjà assez murs et pratiquent ce que leurs parents leur apprennent. Ils doivent copier-coller les attitudes de Toyi et Bukuru. Ce qui se pratique à Buruhukiro s’implante à Musenga. Les enfants suivent les cours et dans la pause se récréent sur l’amour sexuel. C’est pour accomplir le message de FAPLUGUE.Une fois terminé la pause, ils entrent en classe pour suivre la dernière séance. Leurs enseignants sont en retard dans cette séance car ils passent eux aussi la pause dans cette affaire. Tout le village est transformé et les villageois ne pensent plus aux moments douloureux de leur passé. Ils ne pensent maintenant qu’à l’amour. Chez eux aussi, faire l’amour devient une coutume comme à Buruhukiro.On ne le fait plus en cachette car c’est déjà inscrit dans leurs valeurs. Ils disent que faire l’amour est strictement conseillé à tout le monde et que cette activité doit être subordonnée aux autres activités économiques. Le village de Musenga devient riche et fabricateur des enfants. Les gens font l’amour dans la rue, dans la brousse, dans les palais, dans les hôtels, dans les écoles, dans les hôpitaux, dans l’air, dans les rivières,...sauf dans les églises. Les bébés naissent comme du sable du lac Tanganyika. Ils appartiennent à l’Etat et tout le monde contribue à leur éducation, à leur santé, à leur habillement et à leur manger.
Pour certaines gens appelées les Grands Voyants, l’hommage est fort nécessaire à ces deux sœurs jumelles. Comme Toyi et Bukuru ont apporté dans notre village tant de choses! Elles méritent absolument un certificat d’honneur des premiers innovateurs ”disent-ils. Cette proposition a été beaucoup vite saluée par la majorité des villageois. Sauf les partisans des religions ont rejeté cette idée. Ils l’ont vue comme abominable et la considèrent comme une honte sur le village. Aussi Dieu sera-t-il fâcheux de cet acte ignoble ajoutent-t-ils. Mais malgré ce rejet, la majorité l’emporte sur ces fervents croyants et les deux sœurs reçoivent le certificat d’honneur le 1 septembre. C’est la date de la journée du Travail et des Travailleurs dans ce village. C’est parce que elles ont contribué au développement du village. Elles ont été les premières travailleuses et continuent leur mission d’assistance. Ainsi, le village s’enrichit dans les ressources économiques et dans la prostitution et il n’y a plus de troubles à l’intérieur du village. Les fervents croyants rentrent fâcheux dans leurs monastères “il est impossible de tolérer les actes de ces jumelles. Elles ont enseigné ce qui est contraire à la volonté de Dieu. Si nous ne réagissons pas, nous serons nous aussi des trahisseurs” disent-ils.
Le lendemain du 1er septembre, Toyi et Bukuru se rendent à la paroisse de Buhiga appelée La Paroisse Saint Jumeau. Elles y vont à la pénitence. Elles se présentent en même temps devant le confesseur.D'ailleurs, elles sont nées le même jour et ont commis les mêmes péchés: “Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Nous avons pratiqué la prostitution durant 20ans pour trouver de l’argent, l’argent pour la reconstruction de notre village qui était rongé par les maux de toutes sortes. Nous avons aussi prêché aux autres de faire l’amour sexuel au lieu de l’amour conseillé par Jésus Christ. Et le diable nous conseille de faire cet amour sexuel pour toujours. Sans doute nous ne cesserons jamais de le faire mais nous viendrons toujours nous confesser. Tels sont nos péchés”. Le prêtre très fâcheux leur répond: “Vous serez purifiées à la longue, vous allez voir qui suis-je”! Il les emmène devant un grand feu et leur dit un dernier mot: «Il fallait enseigner faire la Prière plutôt que l’amour sexuel”. Il les pousse dans le vif feu.Toyi et Bukuru crient grâce mais personne ne les sauve. Elles prononcent le mot Amen puis leurs corps s’incinèrent. Le prêtre pleure de rire et entre dans sa chambre pour son dîner.