Les rêves deviennent réalité sans même s’en rendre compte

Toute histoire commence un jour, quelque part. Celle-ci eut lieu le 3 septembre 1990, là-bas. À l’âge de dix ans, elle voulait être une adulte comme sa mère. Lulu pensait que la vie d’un enfant était monotone : aller à l’école, jouer avec ses amis, faire ses devoirs, regarder la télé. Bref, la même chose tous les jours.

La petite fille s’apercevait que toutes ses idées et ses plans étaient possibles grâce à l’approbation d’un autre, d’un adulte. Elle allait se promener dans la campagne avec un adulte, elle allait regarder des films au cinéma ou chez quelqu’un seulement si un adulte était avec elle, et elle faisait ses devoirs avec un adulte.

Malgré cette situation, Lulu appréciait presque tous ces moments, mais elle se disait souvent : « ça n’a pas de sens, on ne peut pas penser par nous même ! Mais quelle horreur ! Les adultes font tout, tout seuls et ils n’ont pas besoin de notre aide ! Je voudrais être comme ma mère : elle est indépendante. Elle réfléchit pendant quelques instants, assise à son bureau et elle écrit sur son cahier des informations que je ne comprends pas, mais que je pense être importantes parce qu’elles sont écrites par ma mère ».

Un jour, la fillette et ses amies étaient en train de jouer à la marelle dans le jardin d’une maison abandonnée ; tout à coup elle cessa de sauter parce qu’elle se sentit très fatiguée. Lulu s’assit alors sur le tronc d’un arbre et vit une tortue voler très rapidement à côté d’elle. La fille s’étonna de voir une tortue avec des ailes mais elle décida, malgré tout, de lui parler. La tortue ne répondit pas au début mais Lulu se montra insistante et lui dit, en tapant doucement sur sa carapace :

-Coucou ! Où vas-tu si vite ? Pourquoi es-tu pressée ?

La tortue, interrompant son vol, lui répondit :

-Fillette, je dois rentrer chez moi rapidement. Je n’ai pas le temps de te parler maintenant, mais si tu veux, je peux répondre à toutes tes questions et plus encore à un autre moment.

-Quand est-ce que tu pourras me répondre ?

-Demain, à cette heure-ci.

-Tu me le promets ?

-Oui, petite, je te le promets.

-À demain ! -lui répondit Lulu dans un mélange de déception et d’impatience.
Les amies de la fillette étaient en train de l’appeler depuis une demi-heure, mais elle ne les entendait pas. Elle était absorbée par l’apparition de cette tortue peu commune, au point de se sentir dans une autre dimension.

Lulu leur expliqua qu'elle était épuisée et que c’était pour cette raison qu’elle avait arrêté de jouer avec elles, puis elle ajouta :

-Maintenant, je dois rentrer chez moi. Il est très tard et je ne veux pas que ma mère s'inquiète.

Cris, l'une de ses amies, lança :
-Mais non ! Il n’est pas tard ! Il est à peine 15h.

Lala, son amie la plus proche, savait que depuis quelques semaines Lulu n'avait plus envie de jouer comme avant. Elle se décida donc à lui demander :

-Dis-nous la vérité Lulu, pourquoi tu ne veux plus jouer avec nous ?

Lulu devint pâle, mais elle prit son courage à deux mains et répondit :

-Mes amies, comment pourrais-je vous expliquer... ? Vous êtes très gentilles mais je sens que notre vie, notre enfance est monotone. On fait toujours les mêmes choses. Les adultes, eux, font des choses plus variées : ils voyagent beaucoup, ils ont de nombreux amis, ils vont dîner ensemble, ils achètent tout ce qu’ils veulent, ils travaillent et en plus ils ont des enfants à qui ils disent quoi faire...

-Mais no Lulu, on fait des choses très intéressantes et différentes aussi. Les adultes pensent seulement à travailler et ils n'ont pas le temps pour nous. -Rétorqua Cris.

-Ce n’est pas vrai ! Ma mère, elle m'aime beaucoup et elle a du temps pour moi.
Lulu prononça ces mots sur un ton nerveux alors qu'elle courait vers chez elle.

-Attends ! -Cria son amie Lala.
Lulu ne revint pas sur ses pas.

Une fois arrivée chez elle, la fillette pensa beaucoup à la tortue mystérieuse ; elle voulait vraiment la revoir. Lulu essaya de s’endormir pour que lendemain arrivât plus vite, mais elle passa une nuit blanche en imaginant à quoi ressemblerait une vie d’adulte.

Tout à coup, elle aperçut sa mère. Il était déjà tard pour aller à l’école, la fillette sourit quand sa mère l’embrassa.

-Bonjour, mon trésor ! Lève-toi, sinon tu vas être en retard !

-Bonjour maman ! Je ne veux pas aller à l’école, je veux aller au travail avec toi.

-Lulu, qu’est-ce que tu racontes ? Non ! Non ! Tu dois étudier. Les enfants doivent aller à l’école, les adultes vont travailler. -Déclama sa mère, interloquée.

-Maman ! Je veux...
Sa mère l’interrompit en disant :

-N’insiste pas ! Quand tu seras grande tu pourras, mais pas pour l’instant.
La réponse de sa mère rendit triste la rêveuse, néanmoins, elle se leva et s’habilla pour aller à l’école encore une fois.

-À toute à l’heure, ma chérie, -lui dit sa mère. Amuse-toi bien et apprends plein de choses.

-Oui, maman. -Répondit la fille. À ce soir.

Quand Lulu arriva à l’école, ses amies lui lancèrent un « salut ! » enthousiaste. Elle répondit sans entrain. La maîtresse entra dans la classe et chacune d’entre elles s’assit à sa place.

-Lulu, -dit la professeure. Montre-moi tes devoirs.

Lulu n’avait pas fait ses devoirs, elle avait oublié.

-Madame... je ne les ai pas faits... désolée.
Madame Nunu en fut étonnée. Lulu faisait toujours ses devoirs.

La maîtresse réclama les devoirs aux autres élèves, mais elle demeura inquiète au sujet de Lulu.

À l’heure de la pause, Lulu resta dans la salle de classe pour faire croire à ses copines qu’elle dormait ; la stratégie fonctionna : ses amies ne lui dirent rien.

Quelques minutes plus tard, elle ouvrit les yeux, prit ses affaires et sortit.
Elle pensa à la tortue et décida donc d’aller au jardin de la maison abandonnée. D’abord, elle devait trouver un moyen de sortir de l’école sans que personne ne la voie. Elle se souvint d’une porte dérobée et se risqua de passer par là. Elle réussit.

Quand elle arriva au jardin, tout était calme. Elle attendit pendant deux heures que la tortue apparaisse. Finalement, Lulu la vit arriver.

-Salut, mon amie ! –Dit la tortue

-Salut, Tortue Volante ! –Répondit la fillette.

-Alors, qu’est-ce que tu veux savoir ?

-Et bien... je suis surprise parce que je n’avais jamais vu une tortue pareille. Comment tu fais pour voler ?

-J’en avais marre d’être lente, je voulais vraiment être plus rapide pour que les autres animaux ne se moquent plus de moi, alors je suis venue ici, j’ai fermé les yeux et pensé très fort à mon souhait et voilà : je suis la tortue la plus rapide du monde.

- Oh ! Tu veux dire que cet endroit a le pouvoir de réaliser les rêves ?

- Oui, fillette ! As-tu un rêve ?

-Oui, un très grand rêve...

-Lequel ?

- Je souhaiterais grandir plus vite. Nous, les enfants, nous faisons toujours les mêmes choses ; les adultes, eux, font plusieurs d’activités qui semblent divertissantes et captivantes...

- Mais non, fillette, chaque chose en son temps, profite de ton enfance, tu arriveras à l’âge adulte sans même t’en rendre compte.

-Dis-moi, tortue, pourquoi tu n’as pas simplement accepté le fait d’être une tortue, c’est ça ta vraie nature, n’est-ce pas ?

La tortue resta songeuse, la fillette avait raison.

-Bon, réfléchis bien, petite...

-J’en ai vraiment envie...

-D’accord, assieds-toi sur le tronc de l’arbre et répète avec conviction ce que tu souhaites.

Lulu ferma ses yeux et sentit un chamboulement dans tout son être.
Elle dormit pendant vingt minutes et quand elle revint à elle, elle parlait plus calmement et avait le visage plus grave. Elle avait grandi.

À partir de ce moment-là, Lulu, désormais Louise, commença à travailler comme directrice de l’entreprise dont sa mère était la propriétaire. Chacune travaillait dans une ville différente. Elles ne se voyaient pas souvent parce que leurs contraintes professionnelles les en empêchaient. Louise n’avait pas d’amis. Elle n’avait pas le temps de rencontrer d’autres personnes ; elle travaillait inlassablement pour devenir propriétaire comme sa mère. Elle était chaque jour plus fatiguée. Elle passait des nuits blanches. Les rapports, les comptes de l’entreprise, pas de vacances : tout cela l’étouffait au quotidien.

Une nuit, Louise entendit derrière la porte un bruit d’ailes qui s’agitaient. Elle regarda par la fenêtre et s’étonna de voir une tortue qui volait. Mme. Louise se souvint de son ancienne amie. Ainsi, elle ouvrit timidement la porte et la tortue rentra.

- T’es prête à jouer jusqu’à minuit ? -Demanda Louise redevenue Lulu.

À partir de ce jour-là, tous les soirs après le travail, elles redevenaient des enfants et jouaient tranquillement. Parfois, même la maman de Lulu les rejoignait pour essayer de rattraper le temps qu’elles n’avaient pas su partager ensemble... qu’elles n’avaient pas su vivre.