Les géantes

Rêveur lucide... Bienvenue ¡! **** Note: je titre parfois "Epi-kü" des textes s'inspirant de l'esprit des épigrammes et des haiküs, sans règles rythmiques imposées.

Image de Portez haut les couleurs ! - 2021
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Rien ne présageait Mélissa à gravir ce mont sulfureux, à tous les sens du terme.

Le volcan islandais Öræfajökull était en éruption, ce n'est ni la chaleur incandescente de son coeur de lave, ni l'air glaçant jusqu'à l'écume de l'océan l'entourant qui aurait pu la freiner.

Les seuls éléments la tirant mentalement en arrière s'attenuaient à chacun de ses pas gravissant le géant. Ses souvenirs de l'internat, moquée de ses camarades durant des années par son bras et pied droit brûlés lors d'un accident de voiture ayant vu sa jeunesse meurtrie et son destin s'assombrir. Les cris de son père pleurant de désespoir face à Rebecca, sa maman se battant de toutes ses forces non pas pour vivre car elle se savait condamnée mais pour transmettre son dernier sourire de confiance à son enfant tant chéri avant et après sa naissance. Offrir à Mélissa son visage le plus serein, son regard le plus aimant pour ses derniers instants de lutte. Telle fut l'onde communiquée par les derniers battements entre cette mère et sa fille lors de l'accident de la route, aussi banal que tragique, emportant une vie, trahissant un espoir, incapacitant partiellement un bras d'un être innocent.

La souffrance de son histoire résonnait dans chaque molécule de soufre du volcan, dont les entrailles étaient aussi animées de puissance que son esprit magmatique. Quelle force aurait le dessus, celle de la Nature paraissant si invincible ou la volonté sans peur d'une jeune femme déjà brûlée par le passé.

Du haut des ses 2100 mètres, l'indomptable monstre tectonique brandissait des épées de fumées opaques, des lances de silice transperçant un sol grondant, des flèches de pierre s'abattant en rythme chaotique sur les pentes jaune de soufre et blanche de neige verglacée.

Mélissa malgré les douleurs physiques de ses stigmates et de l'efffort, se concentrait sur son propre volcan intérieur. Sa chambre spirituelle accueillait des surfaces irisées de milles couleurs portant autant d'espoirs.

Le drapeau de son club de femmes handicapées dans la main gauche, portant le logo de la tolérance par ses roues aux rayons colorées et ces silhouettes de tous les continents, Mélissa dépassa sa propre souffrance, comme les athlètes les plus héroïques, c'est un message universel qu'elle portait.

L'amour est un dieu vivant, d'un simple regard, d'un simple sourire, il accompagne nos rêves pour en faire réalités.

'Merci maman' murmura-t-elle au devant de ce fleuve de lave coulant au sommet de l'antre défiant, avec le souffle d'un animal après la chasse, le regard désormais apaisé...

La caméra du drône sportif filma toute l'ascension, en direct Mélissa était devenue mère à son tour, pour des milliers d'enfants et d'adultes, voir cette silhouette fragile dans l'hiver le plus rude et sur une terre des plus sauvages, seule, chantant l'hymne de la détermination d'un parcours accompli, n'était pas un détail. Rien n'arrête l'Humain prenant en main son destin.

La performance n'est jamais que physique, n'est jamais de surface, elle porte le futur et se fait porter par le passé dont les joyaux brillent autant dans l'iris lumineux que dans le sourire généreux des âmes battantes.