Tous couchés dans l’herbe.
Nos regards fixés sur ces deux chiens qui jouent.
Naïma, tu souris mais tu es sur la défensive. Les chiens t’ont toujours fait peur. Pierrot rit. De bon
... [+]
En vacances dans la région avec ma bande de potes quarantenaires, un soir de picole où les idées les plus folles naissent dans les cerveaux imbibés, je ne sais lequel émit l'idée de se payer un saut à l'élastique au Pont de la Demoiselle, précédemment appelé Pont de l'Omnibus.
Le lendemain comme par enchantement, un dépliant complet sur le site, nous attendait sur la table du petit déj. D'une hauteur de 80 mètres soit un immeuble d'environ 23 étages, il doit son nom à un dramatique fait divers. C'est le point le plus vertigineux des gorges et son paysage de roches rouges fait de ce pont un lieu unique.
Un échange de SMS plus tard, nous avions réservé pour huit sauts. Un seul saut chacun devait suffire, la montée d'adrénaline étant garantie.
Le jour fixé, les Harley grondèrent, arrachant la gomme du parking de l'hôtel. Une heure après avoir tutoyé les précipices, nous garions les engins à l'entrée du pont en dérapage contrôlé.
Nous fîmes la connaissance de l'équipe, qui allait nous faire vivre un moment inoubliable d'après le dépliant. Ils nous conseillèrent de sauter avant de déjeuner, pour ne pas donner à manger aux poissons dans le torrent en contrebas. Rien que de jeter un œil, mon estomac tentait déjà une remontée à l'air libre.
L'un après l'autre, mes potes une fois équipés se jetaient dans le vide en hurlant et après avoir fait le bilboquet plusieurs fois étaient récupérés, rouges et suants par les moniteurs. Quand ce fut mon tour, je pris conscience de ce que je devais faire pour ne pas perdre la face. J'étais déjà sur le podium, harnaché et prêt à me jeter dans le vide, quand, venant du plus profond de ma mémoire, un souvenir enfouit depuis vingt ans bloqua mon élan. Je ne vous dis pas comment fut accueillie cette dérobade et les quolibets des copains qui ne comprenaient pas que le plus casse-cou de la bande, hésite devant un saut de puce.
***
Je venais à cette époque tous les ans en vacances chez mes grands-parents où je jouissais d'une liberté que me refusaient mes parents, sous prétexte que mon énergie devait-être réservée uniquement à mes études. Nous étions une bande de jeunes venant principalement de la région parisienne. Moitié filles, moitié garçons, évidemment des amitiés s'étaient nouées et même plus en fonction des affinités. Laure n'était pas forcément la plus belle, mais il émanait d'elle une douceur qui cachait un tempérament fougueux. Elle m'en fit la démonstration un soir où nous nous étions écartés du groupe. La nuit était chaude, nous aussi. Nous étions depuis inséparables, en butte aux plaisanteries des membres de notre équipe, pas toujours bien inspirés.
Rappelé à Paris en urgence, papa ayant fait un AVC, heureusement sans séquelles, je ne redescendis que la semaine d'après, une fois maman rassurée. L'ambiance avait changé. Chacun vaquait à ses occupations, indépendamment du groupe et semblait m'éviter. Laure était invisible, calfeutrée dans la location de ses parents, elle ne mettait pas le nez dehors. Elle me fit passer un message par la propriétaire de la location : Rendez-vous 19 h au Pont de l'Omnibus. Un ouvrage culminant à 80 mètres au-dessus du torrent où nous nous rafraîchissions au plus chaud de la journée.
J'étais pile à l'heure. La lumière commençait à décliner et sa silhouette était déjà estompée. Il me semblait bien qu'elle était à cheval sur le parapet, une position dangereuse. Je m'approchais pour mieux la voir et remarquais son visage ravagé par les larmes.
— N'approche pas ! m'ordonna-t-elle.
— Mais qu'est-ce qui se passe Laure ?
— Ils m'ont violée. Tes bons copains m'ont violée, lâcha-t-elle d'un ton rageur. Et tu n'étais pas là. Pourquoi m'as-tu abandonnée ?
Complètement abasourdi par cette affirmation, je ne pouvais même pas lui demander des explications. Elle se chargea de m'en donner. Au cours d'une soirée de feu de camp bien arrosée, les garçons de la bande avaient choisi leur victime du jour. Les filles, abondamment droguées ne s'étaient pas opposée. Elle me débita tout ça en hurlant et finit dans les hoquets de larmes déformant ses traits. Elle avait passé maintenant l'autre jambe au-dessus du parapet. Je m'élançais, mais elle me devança et en répétant « Pourquoi m'as-tu abandonné ? », elle sauta dans le vide.
A partir de cet instant, ce fut le trou noir. Juste un vague souvenir de blouses blanches. A sa sortie, d'après les médecins il était guéri, si l'on considère qu'avoir oublié un pan de sa vie, est une forme de guérison.
***
Devant le vide, le traumatisme a ressurgi. Laure enjambant le parapet et sautant... sans élastique. Une certitude, Laure n'est plus et il est juste à l'aplomb du torrent où son corps s'est écrasé. Il se débarrasse du baudrier qui le retenait au faisceau d'élastiques et s'élance devant ses potes horrifiés.
Le lendemain comme par enchantement, un dépliant complet sur le site, nous attendait sur la table du petit déj. D'une hauteur de 80 mètres soit un immeuble d'environ 23 étages, il doit son nom à un dramatique fait divers. C'est le point le plus vertigineux des gorges et son paysage de roches rouges fait de ce pont un lieu unique.
Un échange de SMS plus tard, nous avions réservé pour huit sauts. Un seul saut chacun devait suffire, la montée d'adrénaline étant garantie.
Le jour fixé, les Harley grondèrent, arrachant la gomme du parking de l'hôtel. Une heure après avoir tutoyé les précipices, nous garions les engins à l'entrée du pont en dérapage contrôlé.
Nous fîmes la connaissance de l'équipe, qui allait nous faire vivre un moment inoubliable d'après le dépliant. Ils nous conseillèrent de sauter avant de déjeuner, pour ne pas donner à manger aux poissons dans le torrent en contrebas. Rien que de jeter un œil, mon estomac tentait déjà une remontée à l'air libre.
L'un après l'autre, mes potes une fois équipés se jetaient dans le vide en hurlant et après avoir fait le bilboquet plusieurs fois étaient récupérés, rouges et suants par les moniteurs. Quand ce fut mon tour, je pris conscience de ce que je devais faire pour ne pas perdre la face. J'étais déjà sur le podium, harnaché et prêt à me jeter dans le vide, quand, venant du plus profond de ma mémoire, un souvenir enfouit depuis vingt ans bloqua mon élan. Je ne vous dis pas comment fut accueillie cette dérobade et les quolibets des copains qui ne comprenaient pas que le plus casse-cou de la bande, hésite devant un saut de puce.
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Je venais à cette époque tous les ans en vacances chez mes grands-parents où je jouissais d'une liberté que me refusaient mes parents, sous prétexte que mon énergie devait-être réservée uniquement à mes études. Nous étions une bande de jeunes venant principalement de la région parisienne. Moitié filles, moitié garçons, évidemment des amitiés s'étaient nouées et même plus en fonction des affinités. Laure n'était pas forcément la plus belle, mais il émanait d'elle une douceur qui cachait un tempérament fougueux. Elle m'en fit la démonstration un soir où nous nous étions écartés du groupe. La nuit était chaude, nous aussi. Nous étions depuis inséparables, en butte aux plaisanteries des membres de notre équipe, pas toujours bien inspirés.
Rappelé à Paris en urgence, papa ayant fait un AVC, heureusement sans séquelles, je ne redescendis que la semaine d'après, une fois maman rassurée. L'ambiance avait changé. Chacun vaquait à ses occupations, indépendamment du groupe et semblait m'éviter. Laure était invisible, calfeutrée dans la location de ses parents, elle ne mettait pas le nez dehors. Elle me fit passer un message par la propriétaire de la location : Rendez-vous 19 h au Pont de l'Omnibus. Un ouvrage culminant à 80 mètres au-dessus du torrent où nous nous rafraîchissions au plus chaud de la journée.
J'étais pile à l'heure. La lumière commençait à décliner et sa silhouette était déjà estompée. Il me semblait bien qu'elle était à cheval sur le parapet, une position dangereuse. Je m'approchais pour mieux la voir et remarquais son visage ravagé par les larmes.
— N'approche pas ! m'ordonna-t-elle.
— Mais qu'est-ce qui se passe Laure ?
— Ils m'ont violée. Tes bons copains m'ont violée, lâcha-t-elle d'un ton rageur. Et tu n'étais pas là. Pourquoi m'as-tu abandonnée ?
Complètement abasourdi par cette affirmation, je ne pouvais même pas lui demander des explications. Elle se chargea de m'en donner. Au cours d'une soirée de feu de camp bien arrosée, les garçons de la bande avaient choisi leur victime du jour. Les filles, abondamment droguées ne s'étaient pas opposée. Elle me débita tout ça en hurlant et finit dans les hoquets de larmes déformant ses traits. Elle avait passé maintenant l'autre jambe au-dessus du parapet. Je m'élançais, mais elle me devança et en répétant « Pourquoi m'as-tu abandonné ? », elle sauta dans le vide.
A partir de cet instant, ce fut le trou noir. Juste un vague souvenir de blouses blanches. A sa sortie, d'après les médecins il était guéri, si l'on considère qu'avoir oublié un pan de sa vie, est une forme de guérison.
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Devant le vide, le traumatisme a ressurgi. Laure enjambant le parapet et sautant... sans élastique. Une certitude, Laure n'est plus et il est juste à l'aplomb du torrent où son corps s'est écrasé. Il se débarrasse du baudrier qui le retenait au faisceau d'élastiques et s'élance devant ses potes horrifiés.
Un coup direct au foie qui remonte en diagonal, pile au cœur!