Il vit un coucher de soleil, démesuré.
Le firmament croissait d'un rouge violent.
Il entendit crier le cheval roussi de
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Dès que le printemps revient, c’est la Terreur pour le petit peuple sous-terrain. Les vers de terre s’effarent : ma grelinette aux dents aiguisées se prend pour une guillotine. Je souffre de leur faire subir un tremblement de terre suivi d’une sinistre élimination. Être écolo, cultiver son jardin comme disait l’autre, c’est bien gentil ! Mais combien de victimes pour cette noble cause ?
Les pauvres petites bêtes se déhanchent et tentent de s’enfuir... Elles filent en bande dans le jardin de ma voisine si ça se trouve ! Je leur dis : « quoi ? vous me laissez toute seule pour aérer la terre, non mais ça va pas ? Je vous donne juste un coup de main avec ma gelinette, comment faire autrement puisque c’est la saison, hein ? ». C’est vrai ça, comment obtenir de jolies petites pousses bien tendres si ma terre est dure à cause de ces fuyards ? Ces lombrics me culpabiliseraient ma parole !
Après la grelinette, c’est au tour du croc pour casser les mottes. De nouveau je mets mes petits lombrics au supplice quand l’un d’eux me fixe avec insistance et curiosité. Puis, hardi, il se carapate. Mais il culbute du haut d’une motte - une montagne pour lui - et a l’air d’avoir mal quelque part. Je le cueille avec délicatesse et le place dans un carré où la terre est déjà bien affinée avant de semer : là il sera tranquille. J’en ai sauvé plus d’un ainsi, allongeant le temps du jardinage au-delà des limites acceptables ! Tout mignon, il se retourne pour me remercier.
Soudain, voilà qu’un volatile fonce comme une brute épaisse pour me le choper mon ver. Et me le bouffer. « Saleté, non mais tu vas voir ! » lui dis-je en brandissant mon croc. Le merle se moque aussitôt de moi avec un chant si merveilleux que j’en oublie la bagarre dans laquelle j’étais engagée. C’est alors que tel un goupil, ce vautour atterrit - bec jaune en avant, gaillardes serres faisant valser de la poussière alentour.
Mon petit lombric étouffe un cri et s’enfonce en deux coups de reins dans la terre refuge, laissant Merlot le bec en l’air. Je ris : « ha, il t’a bien eu, va donc voir ailleurs si on y est ! ». Pantois, vexé, il s’envole d’un coup d’ailes pour se poser non loin sur le chèvrefeuille dont quelques fleurs jaunes auréolées de blanc sont déjà ouvertes, dorant l’air de leur odeur enjôleuse. J’entends, venant de sous la terre, « On a gagné ! on a gagné ! »...
J’ai sauvé cette âme fourvoyée et par là même, ôté le pain de la bouche de Merlot. Pourtant, j’aime aussi les merles siffleurs ! Mais je n’aime pas leurs ravages ; ils grattouillent le compost, déterrent les graines des semis, éparpillent le paillage autour des fraisiers. Et plus tard au pied des tomates que je gave de compost... Bref, ils foutent le bordel dans mon jardin. Sans cesse je dois protéger ici ou là, à grand renfort de branches entrelacées, voire carrément de grillage. Je vous jure, c’est pas rien le jardinage...
Revenons à nos occupations terrestres. Je me penche et poursuis l’affinage. Ciel, la terre est basse, le boulot n’avance pas. Ah, que n’ai-je connu plus tôt la permaculture ! la plus belle des méthodes pour la terre et ses précieux auxiliaires. J’éviterais les assassinats et le travail serait plus sympa... Démolir auparavant ces idiots carrés de terre assemblés avec des planches de récup’ serait l’idéal ; mais je n’ai plus le courage : mon dos crierait au scandale !
Et pis zut, je me laisse encore distraire. Un léger vent venu du sud arrose de sa candeur tout ce qui pousse autour de moi. Les feuilles toute neuves des fruitiers, rosiers et framboisiers frémissent ; les jonquilles, tulipes et pâquerettes, le feuillage frêle des muscaris, les pousses récentes des pervenches, les herbes et les pissenlits... tous suivent le même tempo, se balançant avec bonheur dans les sons vibrants de quelques abeilles enhardies par un soleil vainqueur, et ceux des moineaux et des pinsons des arbres...
Je crois que je vais plutôt aller faire une balade - faut pas rater les couleurs et les chants du printemps qui revient...
Les pauvres petites bêtes se déhanchent et tentent de s’enfuir... Elles filent en bande dans le jardin de ma voisine si ça se trouve ! Je leur dis : « quoi ? vous me laissez toute seule pour aérer la terre, non mais ça va pas ? Je vous donne juste un coup de main avec ma gelinette, comment faire autrement puisque c’est la saison, hein ? ». C’est vrai ça, comment obtenir de jolies petites pousses bien tendres si ma terre est dure à cause de ces fuyards ? Ces lombrics me culpabiliseraient ma parole !
Après la grelinette, c’est au tour du croc pour casser les mottes. De nouveau je mets mes petits lombrics au supplice quand l’un d’eux me fixe avec insistance et curiosité. Puis, hardi, il se carapate. Mais il culbute du haut d’une motte - une montagne pour lui - et a l’air d’avoir mal quelque part. Je le cueille avec délicatesse et le place dans un carré où la terre est déjà bien affinée avant de semer : là il sera tranquille. J’en ai sauvé plus d’un ainsi, allongeant le temps du jardinage au-delà des limites acceptables ! Tout mignon, il se retourne pour me remercier.
Soudain, voilà qu’un volatile fonce comme une brute épaisse pour me le choper mon ver. Et me le bouffer. « Saleté, non mais tu vas voir ! » lui dis-je en brandissant mon croc. Le merle se moque aussitôt de moi avec un chant si merveilleux que j’en oublie la bagarre dans laquelle j’étais engagée. C’est alors que tel un goupil, ce vautour atterrit - bec jaune en avant, gaillardes serres faisant valser de la poussière alentour.
Mon petit lombric étouffe un cri et s’enfonce en deux coups de reins dans la terre refuge, laissant Merlot le bec en l’air. Je ris : « ha, il t’a bien eu, va donc voir ailleurs si on y est ! ». Pantois, vexé, il s’envole d’un coup d’ailes pour se poser non loin sur le chèvrefeuille dont quelques fleurs jaunes auréolées de blanc sont déjà ouvertes, dorant l’air de leur odeur enjôleuse. J’entends, venant de sous la terre, « On a gagné ! on a gagné ! »...
J’ai sauvé cette âme fourvoyée et par là même, ôté le pain de la bouche de Merlot. Pourtant, j’aime aussi les merles siffleurs ! Mais je n’aime pas leurs ravages ; ils grattouillent le compost, déterrent les graines des semis, éparpillent le paillage autour des fraisiers. Et plus tard au pied des tomates que je gave de compost... Bref, ils foutent le bordel dans mon jardin. Sans cesse je dois protéger ici ou là, à grand renfort de branches entrelacées, voire carrément de grillage. Je vous jure, c’est pas rien le jardinage...
Revenons à nos occupations terrestres. Je me penche et poursuis l’affinage. Ciel, la terre est basse, le boulot n’avance pas. Ah, que n’ai-je connu plus tôt la permaculture ! la plus belle des méthodes pour la terre et ses précieux auxiliaires. J’éviterais les assassinats et le travail serait plus sympa... Démolir auparavant ces idiots carrés de terre assemblés avec des planches de récup’ serait l’idéal ; mais je n’ai plus le courage : mon dos crierait au scandale !
Et pis zut, je me laisse encore distraire. Un léger vent venu du sud arrose de sa candeur tout ce qui pousse autour de moi. Les feuilles toute neuves des fruitiers, rosiers et framboisiers frémissent ; les jonquilles, tulipes et pâquerettes, le feuillage frêle des muscaris, les pousses récentes des pervenches, les herbes et les pissenlits... tous suivent le même tempo, se balançant avec bonheur dans les sons vibrants de quelques abeilles enhardies par un soleil vainqueur, et ceux des moineaux et des pinsons des arbres...
Je crois que je vais plutôt aller faire une balade - faut pas rater les couleurs et les chants du printemps qui revient...
J'ai justement passé mon après midi au jardin en compagnie des vers : ceux de mon seau de compost qu'il fallait vite remettre au compost et ceux de la terre retournée qu'il fallait vite mettre dans de la terre meuble car ce ne sont pas les mêmes ! Mais ce n'est pas à toi, Orane, que je vais apprendre ça !