L’incendie s’était déclaré dans la bibliothèque.
Roméo et Juliette gisaient, asphyxiés par les vapeurs toxiques. Le jeune Werthe... [+]
« CAM ET LEON. »
« VENTE ET LOCATION DE DEGUISEMENTS. »
« A VENDRE. »
Une jeune femme toqua à la porte. Quelques instants après, quelqu’un apparut sur le seuil de la boutique.
« Vous êtes Julie ? »
Elle hocha la tête.
« Camille Mercier, dit la propriétaire du magasin, en lui tendant la main. C’est moi que vous avez eue au téléphone... »
Quelques minutes plus tard, elles se promenaient dans l’arrière-boutique. Soudain, Julie se dirigea vers la boîte, se pencha au-dessus de la feuille qui était posée sur le couvercle, et lut l’inscription.
« Personne n’a trouvé ? demanda-t-elle. »
Sur la feuille blanche, était écrit en lettres capitales :
« Déguisement de Dieu (dans les religions monothéistes). Si vous devinez ce qu’il y a dedans, vous repartez avec (1 déguisement acheté = 1 essai). »
Madame Mercier regarda la boîte, puis Julie.
« Si... Il y a longtemps... »
Elle ajouta :
« Le gagnant n’a pas souhaité repartir avec. »
« Ah bon... Pourquoi ? »
Madame Mercier jeta un coup d’œil à sa montre.
« Vous êtes pressée ? »
« J'ai rendez-vous avec mon ami, dans une demi-heure... »
« Vous aimez les histoires d’amour ? »
« J’adore ! »
« Alors, vous n'allez pas être déçue. »
Julie lui adressa un sourire.
« J’ai rencontré Léon le 8 mai 1988... Le jour où Mitterrand a été réélu. Il est entré dans le magasin pour essayer un déguisement – Léon, bien sûr, pas Mitterrand... – et ça a été immédiat : le coup de foudre. »
« Léon l’a tout de suite remarquée, poursuivit-t-elle en désignant la boîte d’un geste du menton. Il a lu ce qui était écrit « Déguisement de Dieu », et m’a demandé s’il pouvait l’essayer. Alors, j’ai eu une idée. Je l’ai regardé droit dans les yeux – il avait de ces yeux, quand il était jeune – et je lui ai dit, cash : « Si vous devinez ce qu’il y a dedans, il est à vous. »
« J’ai d’abord eu peur d’avoir été téméraire, mais il s’est prêté au jeu. Il s’est mis à réfléchir tandis que j’emballais son déguisement – qu’il n’a jamais mis d’ailleurs – et puis, il m’a sorti la première chose à laquelle tout le monde pense quand on parle de Dieu... »
Julie fixa la boîte, le visage plongé dans une intense concentration, pendant plusieurs secondes.
« Un vieil homme avec une barbe blanche ? »
Camille sourit.
« J’ai eu du mal à ne pas rire. En tout cas, ça a marché. Léon m’a promis qu’il reviendrait. J’ai écrit l’idée que j’avais eu sur la feuille, et je l’ai affichée derrière la caisse. Au début, j’avais peur de perdre des clients, mais ça a été le contraire... La rumeur s’est répandue dans le quartier et les gens se sont mis à m’acheter des déguisements, exprès... »
Elle fixa la boîte, et sourit.
« J’ai même un prêtre qui est venu, une fois... Bien sûr, il n’avait aucune chance de deviner. »
« Environ un mois après, Léon est revenu. Entre temps, il a rencontré un théologien qui lui a dit qu'à son avis, Dieu doit ressembler aux hommes préhistoriques... »
« Pardon ? »
« Ils sont les tout premiers hommes. Et d’après, ce théologien, Dieu a créé l'homme à son image. »
Julie hocha la tête, l’air sceptique.
« Je n’ai pas pu garder mon sérieux, cette fois. Léon est devenu tout rouge. Puis, il s’est mis à rigoler. Il m’a dit qu’en effet, sa réponse était très stupide – il s’en rendait compte, à présent – et qu’il serait plus inspiré, la prochaine fois qu’il reviendrait... »
« Le magasin connaissait un tel succès – grâce au déguisement – que j’ai déménagé ici. Comme je ne l’avais pas vu depuis des mois et que je ne connaissais pas son adresse, le seul client que je n’ai pas pu prévenir, c’est Léon. J’ai laissé la nouvelle adresse à mon acheteur pour qu’il la lui communique, si jamais Léon revenait dans les parages. Plus le temps passait et plus j’avais peur que mon petit jeu de devinettes ait fini par le lasser ou bien que l’acheteur oublie la promesse qu’il m’avait faite et que Léon ne sache pas où me trouver. »
« Nous étions en 89, Internet n’existait pas encore... Ni les téléphones portables. »
Julie ignora le smartphone qui vibrait dans sa poche.
« Et puis, un jour, il est revenu. Je lui ai fait une de ces scènes... Il a eu l’air surpris que je me mette en colère. Il m’a dit qu’il était désolé, mais qu’il n’avait pas voulu revenir avant d’avoir trouvé la bonne réponse. Finalement, elle lui est apparue en discutant avec un athée. »
« Il m’a proposé d’aller boire un verre, après la fermeture... (Madame Mercier observa une courte pause.) Et j’ai dit oui. »
« Et le déguisement ? »
« Ca ne l’a jamais intéressé... Même la première fois, quand il a demandé à l’essayer, c’était juste un prétexte pour rester un peu plus longtemps. Après ça, nous n’avons plus perdu de temps. Mon petit ami a pris la place du vendeur et « Au Clown », c’est comme ça que le magasin s’appelait, avant, est devenu « Cam et Léon ». » Nous avons laissé le déguisement, en souvenir, et parce qu’il continuait à attirer beaucoup de clients. Léon a changé les règles. Celui qui devinait ce qu’il y avait dans la boîte ne repartait plus avec un, mais dix exemplaires... »
« Après ce qui est arrivé à Charlie Hebdo, conclut-t-elle, ça a atterri ici, dans l'arrière-boutique. »
Madame Mercier la raccompagna à la porte.
« Je vous recontacte au plus vite, promit la jeune femme. »
Julie prit congé, puis revint sur ses pas pour lui poser une question. Ensuite, elle se rendit à son rendez-vous. Elle raconta la visite du magasin à son ami, en terminant par l’histoire de Madame Mercier.
« Avant de partir, révéla-t-elle à son ami, je lui ai demandé ce qu’il y avait dans la boîte... »
« Et alors ? »
« Elle m’a dit que si je l’avais écouté attentivement, je devrais être en mesure de deviner. »
« VENTE ET LOCATION DE DEGUISEMENTS. »
« A VENDRE. »
Une jeune femme toqua à la porte. Quelques instants après, quelqu’un apparut sur le seuil de la boutique.
« Vous êtes Julie ? »
Elle hocha la tête.
« Camille Mercier, dit la propriétaire du magasin, en lui tendant la main. C’est moi que vous avez eue au téléphone... »
Quelques minutes plus tard, elles se promenaient dans l’arrière-boutique. Soudain, Julie se dirigea vers la boîte, se pencha au-dessus de la feuille qui était posée sur le couvercle, et lut l’inscription.
« Personne n’a trouvé ? demanda-t-elle. »
Sur la feuille blanche, était écrit en lettres capitales :
« Déguisement de Dieu (dans les religions monothéistes). Si vous devinez ce qu’il y a dedans, vous repartez avec (1 déguisement acheté = 1 essai). »
Madame Mercier regarda la boîte, puis Julie.
« Si... Il y a longtemps... »
Elle ajouta :
« Le gagnant n’a pas souhaité repartir avec. »
« Ah bon... Pourquoi ? »
Madame Mercier jeta un coup d’œil à sa montre.
« Vous êtes pressée ? »
« J'ai rendez-vous avec mon ami, dans une demi-heure... »
« Vous aimez les histoires d’amour ? »
« J’adore ! »
« Alors, vous n'allez pas être déçue. »
Julie lui adressa un sourire.
« J’ai rencontré Léon le 8 mai 1988... Le jour où Mitterrand a été réélu. Il est entré dans le magasin pour essayer un déguisement – Léon, bien sûr, pas Mitterrand... – et ça a été immédiat : le coup de foudre. »
« Léon l’a tout de suite remarquée, poursuivit-t-elle en désignant la boîte d’un geste du menton. Il a lu ce qui était écrit « Déguisement de Dieu », et m’a demandé s’il pouvait l’essayer. Alors, j’ai eu une idée. Je l’ai regardé droit dans les yeux – il avait de ces yeux, quand il était jeune – et je lui ai dit, cash : « Si vous devinez ce qu’il y a dedans, il est à vous. »
« J’ai d’abord eu peur d’avoir été téméraire, mais il s’est prêté au jeu. Il s’est mis à réfléchir tandis que j’emballais son déguisement – qu’il n’a jamais mis d’ailleurs – et puis, il m’a sorti la première chose à laquelle tout le monde pense quand on parle de Dieu... »
Julie fixa la boîte, le visage plongé dans une intense concentration, pendant plusieurs secondes.
« Un vieil homme avec une barbe blanche ? »
Camille sourit.
« J’ai eu du mal à ne pas rire. En tout cas, ça a marché. Léon m’a promis qu’il reviendrait. J’ai écrit l’idée que j’avais eu sur la feuille, et je l’ai affichée derrière la caisse. Au début, j’avais peur de perdre des clients, mais ça a été le contraire... La rumeur s’est répandue dans le quartier et les gens se sont mis à m’acheter des déguisements, exprès... »
Elle fixa la boîte, et sourit.
« J’ai même un prêtre qui est venu, une fois... Bien sûr, il n’avait aucune chance de deviner. »
« Environ un mois après, Léon est revenu. Entre temps, il a rencontré un théologien qui lui a dit qu'à son avis, Dieu doit ressembler aux hommes préhistoriques... »
« Pardon ? »
« Ils sont les tout premiers hommes. Et d’après, ce théologien, Dieu a créé l'homme à son image. »
Julie hocha la tête, l’air sceptique.
« Je n’ai pas pu garder mon sérieux, cette fois. Léon est devenu tout rouge. Puis, il s’est mis à rigoler. Il m’a dit qu’en effet, sa réponse était très stupide – il s’en rendait compte, à présent – et qu’il serait plus inspiré, la prochaine fois qu’il reviendrait... »
« Le magasin connaissait un tel succès – grâce au déguisement – que j’ai déménagé ici. Comme je ne l’avais pas vu depuis des mois et que je ne connaissais pas son adresse, le seul client que je n’ai pas pu prévenir, c’est Léon. J’ai laissé la nouvelle adresse à mon acheteur pour qu’il la lui communique, si jamais Léon revenait dans les parages. Plus le temps passait et plus j’avais peur que mon petit jeu de devinettes ait fini par le lasser ou bien que l’acheteur oublie la promesse qu’il m’avait faite et que Léon ne sache pas où me trouver. »
« Nous étions en 89, Internet n’existait pas encore... Ni les téléphones portables. »
Julie ignora le smartphone qui vibrait dans sa poche.
« Et puis, un jour, il est revenu. Je lui ai fait une de ces scènes... Il a eu l’air surpris que je me mette en colère. Il m’a dit qu’il était désolé, mais qu’il n’avait pas voulu revenir avant d’avoir trouvé la bonne réponse. Finalement, elle lui est apparue en discutant avec un athée. »
« Il m’a proposé d’aller boire un verre, après la fermeture... (Madame Mercier observa une courte pause.) Et j’ai dit oui. »
« Et le déguisement ? »
« Ca ne l’a jamais intéressé... Même la première fois, quand il a demandé à l’essayer, c’était juste un prétexte pour rester un peu plus longtemps. Après ça, nous n’avons plus perdu de temps. Mon petit ami a pris la place du vendeur et « Au Clown », c’est comme ça que le magasin s’appelait, avant, est devenu « Cam et Léon ». » Nous avons laissé le déguisement, en souvenir, et parce qu’il continuait à attirer beaucoup de clients. Léon a changé les règles. Celui qui devinait ce qu’il y avait dans la boîte ne repartait plus avec un, mais dix exemplaires... »
« Après ce qui est arrivé à Charlie Hebdo, conclut-t-elle, ça a atterri ici, dans l'arrière-boutique. »
Madame Mercier la raccompagna à la porte.
« Je vous recontacte au plus vite, promit la jeune femme. »
Julie prit congé, puis revint sur ses pas pour lui poser une question. Ensuite, elle se rendit à son rendez-vous. Elle raconta la visite du magasin à son ami, en terminant par l’histoire de Madame Mercier.
« Avant de partir, révéla-t-elle à son ami, je lui ai demandé ce qu’il y avait dans la boîte... »
« Et alors ? »
« Elle m’a dit que si je l’avais écouté attentivement, je devrais être en mesure de deviner. »