Le Creux idéal

Recommandé

Pourquoi on a aimé ?

Il serait difficile de parler du « Creux idéal » sans l’appauvrir ou le ternir, tant ce récit – ou ce poème – est riche et éclatant ! Les

Lire la suite

Et le flon-flon fait son charivari sur la margelle, on dirait une valse à trois temps, à quatre peut-être. La grenouille, une reinette, a mangé le silence. Une vraie régalade. La vie, quoi !

Cette œuvre est
à retrouver dans nos collections


Nouvelles :
  • Imaginaire
  • Littérature générale
Collections thématiques :
  • Portrait & autoportrait
Le gars, son truc à lui, était vaste mais sans complexité. C'était la solitude.
Et la boîte.
Le gars, il vivait en retrait du monde, chercheur de silence, prononceur de rien, ours sur les bords, castor en son milieu, auroch au contour de ses gestes.
Et la boîte.
Le gars faisait peur quand on le croisait sur le haut de la crête, gesticulant et muet, son grand corps vers l'adret tout penché, funambule géant lesté d'un seul côté : le gauche, à cause du cœur, indéniablement.
Et la boîte.
Il apparaissait, épouvantail chahuté de l'intérieur, habillé comme un sapin rouge, camouflé par des bouts de branches enrobés de lichen vieux, sanglé de rameaux découpés aux ciseaux de ses dents, boutonné à l'épine bien serrée. Et ses yeux, bon Dieu de bon Dieu, ses yeux : airelles trempées au lavoir de ses larmes, empierré tant bien que mal, depuis mille ans, au moins.
Et la boîte.
Le gars, il n'avait pas les mots pour dire, pour écrire, pour taire, mais les larmes, oui, il les possédait, les tissait en ruisseaux, les filait en torrents. Et, à la saison hiver, c'étaient des avalanches liquides, des glaciers physiologiques, avec des crevasses, des fissures et tout le tralala émotionnel, tu comme on tuerait le lièvre au sortir de sa tanière.
Et la boîte.
Le gars, on le craignait sans le connaître vraiment, peut-être à cause de ses pieds qui ressemblaient à des souches sèches, sans chaussures, nues et lourdes, laissant des traces dans la terre, dans l'herbe, des traces pareilles à des empreintes profondes, larges, si peu humaines.
Et la boîte.
Le gars, quand il ne marchait pas, il creusait. Son dos, vaste colline enroulée lentement, donnait le signal, signait la recherche. Son dos, gros bol renversé en une voussure fourrée d'on ne savait quoi, entrainait une poussée vers la caillasse. Il fouissait. Cherchait. Ne trouvait pas. Cherchait encore. Une place, le creux idéal peut-être.
Et la boîte.
Ses ongles râtelaient, piochaient, excavaient tout, mais de ce tout, tant et tant de fois, retourné, de ce tout inutile, rien ne venait, tout était vain, parfaitement. Alors il cherchait toujours, du petit jour à la grande nuit, de la soif à la faim, de la sueur au grelottement.
Et la boîte.
Le gars, il l'avait enfoncée dans la poche de son écorce fémorale et, chaque seconde de répit, vous m'entendez, chaque seconde, il la caressait, passait ses doigts sur le velours qu'il savait blanc, au travers d'un linge protecteur. Il passait ses doigts. Passait ses doigts, éternellement. Goût de pagaille dans la bouche. Des gouttes sur les cils, dans les poils de sa barbe plus longue que la plus longue des barbes.
Et la boîte.
L'objet était céleste. Il lui était tombé dessus, dilué dans le jus de l'orage d'une nuit de l'enfance alors, lui, le gars, il avait adopté la boîte, l'avait apprivoisée et même, oui même, il l'avait aimée comme on aime d'amour, comme on aime toujours.
Il avait simplement emmailloté la boîte dans un linge. C'était une fanfreluche pourpre. Alors il creusait encore, cherchant le creux idéal, depuis mille ans, au moins.
Et la boîte.
Jamais il n'avait songé à l'ouvrir mais le fallait-il ? Le fallait-il vraiment ?

© Short Édition - Toute reproduction interdite sans autorisation

Recommandé

Pourquoi on a aimé ?

Il serait difficile de parler du « Creux idéal » sans l’appauvrir ou le ternir, tant ce récit – ou ce poème – est riche et éclatant ! Les

Lire la suite