Les chroniques d'Aliou, l'albinos

Toute histoire commence un jour, quelque part. En Afrique comme dans d'autres pays les élections font couler beaucoup d'encre et salive d'ailleurs c'est le cas dans tous les pays. Quelles soient présidentielles ou autres, elles sont toujours accompagnées de bains de sang et de mascarades. Ces caractéristiques font de lui, le prototype d'un bon pays africain.
Un soir, lors d'une veillée avec les amis autour du thé comme la plupart des ados de mon âge, nous entamions un débat sur les élections à venir.
- Ah l'élection en Afrique ! Cette farce ! Se lamentait Thierno, le chef de grin.
Au moment où nous étions sur le point de boire un coup et continuer le débat, Seny apparu en sueur, las. Il nous apprend que les autorités locales ont découvert le corps d'un jeune albinos dans le champ de maïs tout près de la cabane du vieux Alfred, un endroit isolé.
Il fallait coûte que coûte voir ce que racontait Seny, les oreilles ne sont pas des témoins dignes.
En vérité, il avait raison. C'est un jeune homme d'un vingtaine d'années à voir son visage. Il n'était pas connu dans le quartier ma foi c'est peut être un bandit ou il a été victime d'une agression. Je ne suis personne pour le déduire.
Heureusement qu'il est encore en vie mais je ne crois pas si ça sera pour longtemps, il se vide de son sang.
Avant que l'ambulance ne vienne, il essaya de dire quelque chose.
- Tu ne peux pas parler en ce moment, économise ton énergie , tu as en besoin , lui répondit Thierno.
- Il serait mieux que tu le laisse parler, qui sait ce qu'il veut dire, dit Sent.
Tous approuvèrent la version de Seny.
Dans un dialecte du pays, il pris la parole.
Je suis Aliou, Aliou de la rue comme le disait mes camarades. En fait ils ont raison. J'ai grandi dans la rue , il n'y avait que le sommeil qui nous séparait pourtant j'ai une famille. Un père et une mère , deux frères et deux sœurs. Je n'ai jamais fréquenté l'école pourtant mon père, autrefois nstituteur n'a jamais songé à m'inscrire dans une école.
Quand j'avais 7 ans, je voyais les autres enfants courir , sauter, danser pendant que moi j'étais assis avec ma maman au bord de ma route sous le soleil ardent d'avril, sous la pluie torentielle de juillet entrain quémander les passants.
Elle se servait de moi pour se faire de l'argent, elle se servait de mon albinisme pour se faire de l'argent.
Sous le regard de mon père, ce pauvre homme paralysé il y a de cela trois ans. Il a consacré la moitié de sa vie à enseigner sans préparer l'avenir de ses enfants. Il était difficile pour lui subvenir aux besoins de ses 5 enfants, sa femme et sa famille. Le résumé de sa vie était l'enfer.
Pour mes frères et soeurs, j'étais ce génie maléfique que Satan a envoyé pour ruiner et punir la famille, ma famille. Ils parlent de ruines comme si cette famille était jadis prospère.
Mon père ne restait pas indifférent d'eux(mes frères), il lui arrivait de me traiter d'enfant illégitime quand il manquait d'argent pour s'offrir de l'alcool. Pourquoi? Parce que je suis un albinos, un être humain comme les autres. Je n'ai pas choisi d'être albinos. Ni mon père ni ma mère le sont. Alors pourquoi moi? Suis je la malédiction que les religieux indiquent dans les livres saints?
Quand j'étais petit, en voyant mes camarades sur le chemin de l'école, mes larmes ne cessaient de couler, une envie de les rejoindre me hantait et pour me consoler, ma mère, cette pauvre femme ne cessait de me dire avec une voix douce et innocente
-Mon fils, estime toi heureux, tu fais le bonheur de ta mère.
Je ne sais pas si j'ai fait son bonheur, en tout cas elle n'a pas fait le mien. Surtout ne me demander le pourquoi car aucun enfant ne peut trouver le bonheur dans la rue, sous le soleil, sous la pluie, tous les jours pendant que les autres gamins de mon âge, mes frères et soeurs jouissent du bon vent de la vie. Donc c'est le prix à payer quand on est albinos? Aujourd'hui je pleure, vous le constater, je n'ai pas besoin de me justifier.
Vous voyez ces cicatrices sur mon dos, ce sont les résultats de nombreux coups de fouets que m'a infligé mon père, mon géniteur quand j'étais petit. Il me reprochait de rentrer tard quand je m'amusais avec les camarades après une longue et dure journée en compagnie de ma mère. N'avais je pas le droit de jouer comme les autres enfants de mon âge? Pour eux, je n'étais qu'une marchandise.
Dans le quartier, certains enfants de mon âge prenait la fuite quand j'apparaissai. Pout ces petits anges si le diable était une personne , j'étais son incarnation. Je ne les n'en veut pas à ces enfants innocents, pourquoi les en vouloir si ma famille fait pire qu'autrui.
Les grandes personnes, elles, elles se crachaient sur la poitrine en voyant un albinos comme pour dire 《Dieu, épargne moi le malheur d'avoir un albinos》
Je n'ai pas vraiment eu le temps de goûter au fruit de l'enfance. Ça me fait mal, mon coeur saigne.
J'ai toujours eu l'espoir qu'une fois l'âge de la puberté, j'aurai mon indépendance. Hélas !
À cette époque de la vie ma mère languisait sous le poids de la maladie. Pas d'argent pour s'offrir des meilleurs soins. Ma vie était bouleversée. La seule personne qui s'occupait et qui s'inquiétait de ma situation mourrait à petit feu sans que je ne puisse faire quelque chose.
Un jour dans ma tristesse, j'appris par le biais d'un camarade qu'un riche monsieur offrait ses services aux personnes démunies.
Au départ je ne voulu pas accepter cette offre, je me disais que je ne suis pas démuni comme certains pensent. En vérité j'avais tord, je me mentais et j'en était fier de ce mensonge. Ce mensonge fera-t-il mon bonheur? Cet orgueil qui m'anime sauvera-t-il ma mère? Face à ces multiples questions dont j'étais l'interrogateur et l'interrogé, je reviens sur terre en admettant qu'il faudrait que je demande de l'aide à ce bienfaiteur que tout le monde parle. Il s'agit d'un homme politique du pays dont la carrière est aussi douteuse que sa richesse, ne dit on pas qu'il doit sa fortune grâce à son passage dans le gouvernement il y a des années où il était un simple Directeur de cabinet.
Mon père, incapable de bouger un doigt pour s'occuper de ma mère et mon frère qui est diplômé est sans emploi, son diplômé est accroché au salon comme un trophée. C'en est un pour quelqu'un qui a passé dix sept bonnes années sur les bancs, passé les examens avec succès. Mais à quoi sert d'étudier sans être embauché? Je me demande si mes parents n'avaient pas eu raison de ne m'avoir pas inscrit à l'école. En tout cas s'il avait appris un métier durant les dix sept ans, il allait porter toute la famille sur son dos. Tout les villageois allaient le louer comme un seigneur, sa richesse allait faire écho. Mais hélas!
Plus les jours passent, plus l'état de ma pauvre mère s'aggrave, sous mes yeux innocents et impuissants. Moi qui critiquait tout mon frère, alors qu'est ce que j'ai appris comme métier comme je n'ai jamais fréquenté l'école si ce n'est quémander dans les rues en me servant de mon albinisme. Je ne pouvais faire autrement, on m'avait inculquer cette idée depuis l'enfance. Elle était pour moi une doctrine. Maintenant je me rends compte que malgré les tords qu'on m'a causé, je fus complice à un moment de ma vie. Aujourd'hui, je paye au prix de mon sang.

-Qu'est ce qu'il veut dire《Aujourd'hui, je paye au prix de mon sang》? demandais-je à Thierno
-Mon cher Abdoulaye, je ne peux déduire ce qu'il veut nous dire par là, mais je suis tétanisé face à un tel récit. Que c'est triste !
-J'ai le coeur qui saigne Thierno, il est blessé. Donc la cruauté de l'être humain a atteint ce stade ? Au point où il exploite son enfant comme un animal ? Ah la vie que tu es injuste !
-Abdoulaye, ce que certains parents ignorent, même entre père et fils, il y a jugement qu'il soit sur terre où l'au delà.
-D'ailleurs, on ne met pas un enfant au monde et laisser la vie l'éduquer, c'est absurde.
-Cette situation n'est pas la seule. Un weekend, je te montrerai ces femmes assisent au bord de la route avec des enfants qui sont souvent des jumeaux, des albinos, des handicapés, des lépreux entrain de quémander de l'argent, de la nourriture ou autres besoins vitaux. Ces femmes, elles refusent de travailler, s'apitoient sur leur sort, attendant le miracle de Dieu.
- Ah ce miracle ! Comme s'il existait. Tous les enfants ont droit à l'éducation y compris les albinos et toutes les personnes handicapées. Ces parents ne doivent pas utiliser l'état de ces enfants innocents comme des marchandises. Se lamente Abdoulaye.
Quelques jours plus tard, nous apprîmes avec tristesse la mort d'Aliou. Le pauvre, il n'a pas pu supporter les douleurs de ses blessures.
Après l'enquête des policiers en tenant compte de la dernière version d'Aliou à l'hôpital, il s'est avéré qu'il a été victime d'un rituel. Ce rituel n'est pas méconnu en Afrique. À chaque élection dit-on, les albinos sont des sacrifices pour remporter les élections présidentielles. Dieu seul sait combien d'albinos ont perdu la vie sans justice. Tout récemment, on avait appris dans le journal de midi que la police avait retrouvé le corps d'un enfant albinos sans vie.
Le coupable n'a jamais été arrêté. À quel prix la vie d'un homme vaut moins que l'argent?
Aliou, le pauvre Aliou ! Dans ta tombe, tu retrouveras enfin la paix après une vie pénible pleine de mystère.