Le choix d'Eliot

Eliot vient de là où les roses ne poussent plus ou les fleurs ont laissé la place aux gratte-ciel semblables et posés les uns à côté des autres. Il a un rêve aussi haut que ces tours qui l'entourent. Ce jeune garçon mène deux vies, le jour il consacre son temps à sa passion et la nuit à respecter ses obligations. Eliot jongle entre vie de quartier, honneur de famille et le ballon. Un jour Eliot devra faire un choix mais pour l'instant il ne préfère pas y penser.
Eliot a été élevé par son oncle lorsque son père biologique est parti faire un braquage et n'en est plus jamais revenu. Eliot n'avait alors que deux ans et tenait à peine debout. Il n'a que les photos pour se remémorer cette figure paternelle. Son oncle lui a raconté avec fierté les exploits criminels de son père. Eliot écoutait ces histoires comme un enfants écoutant les contes des frères Grimm, mais ce qu'il a retenu de ces aventures c'est que son père a failli, un jour, devenir un joueur professionnel et qu'il était doué pour manier le ballon.
La famille d'Eliot est respectée dans le quartier, son oncle est le grand monsieur nommé « boss » et que tout le monde respecte par crainte ou par admiration ou parfois un mélange des deux. Cet homme à un caractère féroce, ses séjours en prison lui ont permis de gravir les échelons et d'occuper une place importante au quartier. Aujourd'hui c'est lui qui fait la loi.
Eliot a très tôt compris qu'il marcherait un jour sur les pas de son père mais il ne savait pas encore quelle voie il allait choisir : celle qui a envoyé son père au ciel ou celle qu'il n'a pas poursuivie, n'allant pas jusqu'au bout de son rêve.
Pour son oncle ce choix s'est fait le jour où Eliot est venu au monde, on ne déshonore pas la famille. C'est pourquoi Eliot a suivi dès son plus jeune âge un apprentissage spécialisé. Plus les années passent et plus le dilemme devient important pour lui, la passion pour le sport ou l'honneur de la famille, le ballon ou la patrie. Eliot, doit faire un choix et s'y engager.
Eliot a toujours été doué pour manier le ballon, avec agilité et technique sans jamais cesser de travailler dur pour se perfectionner. Il est surclassé dans sa catégorie. Eliot est tellement passionné par ce sport qu'il ne saurait dire quand cet amour s'est transformé en raison de vivre.
Eliot est la star du club du quartier. Ses nombreux trophées ont fait le bonheur et la renommée du club. Ce jeune prodige a été vite repéré par les plus grands clubs et agents. Les centres de formations rêvent de l'avoir mais Eliot, ou plutôt son oncle, refuse catégoriquement toute proposition qui pourrait entraver son apprentissage. Eliot doit persévérer et respecter son engagement familial. Les propositions des centres de formations tombent comme des mouches chaque année, mais hélas, Eliot reste aux côtés de son oncle.
En plus d'être talentueux avec le ballon, Eliot a un autre talent qui est moins admirable et appréciable pour une vie en société. A quinze ans à peine, Eliot traîne la nuit avec la bande de son oncle bien plus âgée et marquée par la vie et ses mésaventures. Comme une équipe, ils sont soudés, toujours prêts à s'entraider.
Il n'est encore qu'un apprenti, mais il montre déjà des signes tant convoités par ce milieu, tels que le respect de grade, l'honneur, le courage et l'intelligence qui le distingue des autres, ce qui lui a permis d'échapper aux griffes de la police en évitant les contrôles musclés tout en marquant des points, rendant son oncle fier de lui. Eliot saute rapidement les étapes du banditisme, l'évaluation débute avec les vols de scooters puis les voitures, réussissant les épreuves haut la main.
En journée, Eliot redevient un garçon ordinaire de quinze ans et songe à son rêve de devenir un jour une étoile du foot. Malgré de courtes nuits faites de courses poursuites et de sirènes de police, il ne manque jamais un entraînement. Discipliné, il arrive le premier et part le dernier de l'entraînement. Taper dans ce ballon rond c'est sa façon de s'éloigner de son environnement tout en espérant cet autre monde qui l'attend toujours.
Un dimanche, un agent travaillant avec les meilleurs joueurs du monde, s'est déplacé exprès pour voir le match de ce fameux prodige et par la même occasion lui faire une proposition pouvant changer sa destinée. Malheureusement Eliot ne fut pas présent à ce match. Cette fois-ci, son intelligence ne l'avait pas mis à l'abri d'un coup du destin.
La veille, le choix s'offrait à lui. Après une longue préparation avec son équipe de nuit, Eliot sentait mal ce plan. Mais pouvait-il avouer à ses amis qu'il ne voulait pas s'y rendre de peur d'être traité de trouillard et de lâche ? Il ne pouvait pas déshonorer sa famille. L'honneur de la famille l'a conduit à suivre ce troupeau camouflant leurs appréhensions sur le déroulement du plan. Mais leur slogan : « Le courage et la peur ça se dompte » leur permettait de croire qu'ils pouvaient compter les uns sur les autres.
Le temps de passer à l'action arriva enfin. En montant dans la camionnette, Eliot doutait toujours. Trois véhicules devaient prendre des itinéraires différents pour une même destination, avec, parmi eux, des jeunes et des adultes cagoulés et armés dont un nommé Eliot. Ce dernier songeait plus à son avenir et à son match du lendemain qu'à ce foutu braquage. Et s'il se rétractait ? Il s'imaginait alors demandant au conducteur de faire demi-tour « Tu peux t'arrêter Ben ? Finalement je ne sens pas ce coup et en plus demain j'ai un match hyper important, il y aura un agent qui viendra me voir : faudrait pas que je le loupe, c'est la chance de ma vie ». Mais il resta coi. Il était toujours perdu dans ses pensées, se demandant s'il avait fait le bon choix. Il ne pouvait plus refaire machine arrière. Il s'était engagé avec son équipe de nuit et ils devaient aller jusqu'au bout. La peur, le stress étaient présent mais Eliot n'avait qu'une seule préoccupation : son match du lendemain. L'heure est arrivée « Soyez prêts les gars, ce soir on va devenir riche !! ». Une fois le fourgon entouré par les camionnettes noires, les malfrats en sortirent armés jusqu'aux dents comme des soldats. Ceux de derrière dont Eliot débouchèrent et tirèrent en l'air, ordonnant aux agents de sortir et de déposer leurs armes. Deux agents bien obéissants déposèrent leurs armes, Eliot et ses amis avancèrent dans la direction des agents pour récupérer les armes et c'est à ce moment-là que deux autres agents, cette fois-ci plus rebelles, tirèrent sur les malfrats.
Il faisait trop noir, les balles fusèrent dans la pénombre. Eliot, le souffle coupé, avait du mal à respirer, il n'eut pas le temps de réagir qu'une balle le traversa. Genoux au sol et le regard aux cieux, Eliot comprit qu'il avait fait le mauvais choix avant de fermer les yeux.
Soudainement l'alarme d'Eliot se mit à sonner. En sueur, il ouvrit les yeux, le souffle toujours coupé et le cœur battant à dix mille à l'heure. Eliot toucha sa poitrine pour vérifier s'il n'avait pas un trou. Il fut soulagé, sa poitrine était intacte. Ce n'était qu'un cauchemar, il regarda l'heure : sept heures et demie. Le match ne commençant que dans deux heures, Eliot s'accorda un repos supplémentaire. Il avait pour habitude de se lever tôt pour se préparer mais aujourd'hui, il souhaitait prolonger son sommeil.
Allongé, le regard au plafond, il s'était endormi, sachant désormais quel choix faire.

Eliot ne se leva pas pour se rendre au match. Couché à même le sol, baignant dans son sang, son ami vivant à côté de lui, le regarda. Les balles avaient cessé de pleuvoir quand les agents avaient été touchés.