Le Chemin de la Vie

« Toute histoire commence un jour, quelque part ». C’est ce que dit Abnousse Shalmani. La mienne d’histoire, c’est un chemin dans une forêt un peu spéciale. Un chemin de réflexion et de compréhension. Le « chemin de la Vie ».
Et cette histoire, elle commence alors que je m’engage sur un chemin boisé. Je me dirige vers un refuge où passer la nuit. Très vite je me rends à l’évidence, alors que j’arrive au premier croisement : il faut faire des choix. Une pancarte indique « plaisir » et l’autre « persévérance ». Sans réfléchir je pars du côté « plaisir » où les fleurs semblent plus colorées, après tout j’ai un peu de temps. Autant en profiter non ? Sur ce chemin, il y a beaucoup de distractions : des papillons se font la cour, les lacs sont remplis de poissons, c’est beau ! Mais soudain, je remarque le soleil qui décroit. Il va déjà faire nuit ! Alors que je m’amusais, je n’ai pas vu le temps passer, et maintenant je dois vite rejoindre le refuge. Pas le choix, il faut courir ! Quel stress ! Arrivé juste à temps, je suis encore paniquée. Quelle idée de me mettre dans une telle situation ! Je ne recommencerai plus. Soudain, un hibou derrière moi m’interpela :

« Ah ! Tu ne recommenceras plus ? Mais sais-tu au moins de quoi tu parles ?

- Que veux-tu dire ?

- Il s’agit d’un phénomène très courant : la procrastination. C’est la tendance à vouloir remettre les choses au lendemain. Je t’explique : souvent, tu souhaites accomplir une tâche, mais tu rencontres des difficultés pour te motiver et tu te dis « je le ferai plus tard ». Cela te limite dans la réalisation de tes objectifs mais tu trouves toujours des excuses pour te justifier. Ainsi, tu repousses la tâche jusqu’au dernier moment au profit d’activités plus agréables mais moins productives. Et au final, tu culpabilises et tu ne profites même plus vraiment de ces distractions.

- Mais pourquoi je fais quelque chose d’aussi insensé ?

- Ce peut être dû au désintérêt, à un manque de confiance en toi, à des peurs... Il y a aussi une explication biologique qui se cache dans deux zones de ton cerveau. La première zone est instinctive et cherche les activités les moins coûteuses et les plus agréables. La seconde zone est rationnelle et s’occupe de réaliser les tâches un peu plus pénibles sur le moment mais très bénéfiques une fois l’effort terminé. Alors quand tu veux faire une tâche, ton cerveau « calcule » le coût d’une tâche par rapport au bénéfice qu’elle lui rapporte, et en fonction de cela il décide du comportement à adopter.

- Oh ! C’est comme une lutte dans le cerveau entre l’instinctif et le rationnel ! Par exemple si j’ai faim et que j’ai le choix entre une pomme au bas d’un arbre et une mangue en haut d’un autre, j’aurai envie de ramasser et manger la pomme tout de suite. C’est plus facile. Mais je préfère les mangues, donc si je fais l’effort de grimper en chercher une, j’aurai plus de satisfaction au final.

- Oui c’est tout à fait cela ! Tu choisis entre manger quelque chose rapidement, ou te délecter d’un fruit qui te plaît. Tout dépend de tes objectifs ! Plus ils sont clairs et mieux tu pourras décider.

- D’accord ! Y a-t-il d’autres choses qui peuvent m’aider ?

- Il existe quelques techniques pour éviter de procrastiner. Par exemple, tu peux créer un planning en fonction de tes objectifs. Cela te permet de découper les grandes tâches en plusieurs petites étapes qui paraissent moins impressionnantes et plus accessibles. Cela permet aussi de mieux gérer ton temps et de moins stresser. C’est simple mais efficace ! Dans tous les cas souviens-toi que la notion de coût est personnelle, il suffit de changer de point de vue pour retrouver une motivation. En bref, tu as toujours le dernier mot, il suffit de se motiver ! A toi la réussite !

- Je vois, mais c’est quand même difficile de lutter contre ses envies.

- Bien sûr et c’est normal au début. Tu verras, plus tu t’entraines, plus c’est facile. Tout n’est qu’une question d’habitude !

- D’habitude ? En quoi l’habitude rend cela plus facile ?

- En fait, lorsque tu fais une action qui coûte peu d’énergie, ton côté instinctif sécrète une hormone de plaisir, la dopamine. Si un comportement est avantageux, ton cerveau le rend agréable pour que tu recommences. Petit à petit, tu enregistres ce comportement qui devient automatique donc encore plus facile pour le cerveau. Et c’est ainsi qu’on crée une habitude. Plus tu fais une action, plus elle devient facile. Tu peux voir cela comme un chemin qu’on prend pour la première fois dans une forêt, puis qu’on déblaie petit à petit et qui devient de plus en plus facile à emprunter.

- Si je comprends bien, il suffit de répéter ?

- Tout à fait ! Je te propose un petit jeu pour mettre cela en application, l’exercice du Kaizen. Le principe est de choisir une minute dans la journée, et d’y faire la même activité tous les jours à heure fixe, pendant trente jours. Ce peut être de la lecture, du sport, des respirations ou tout ce qui te plait. L’important c’est la régularité.

- Pourquoi trente jours ?

- C’est juste le temps minimum dont ton cerveau a besoin pour enraciner une habitude. Essaie et reviens me voir. »

Quelques jours passèrent au refuge et pendant une minute, j’apprenais le nom des arbres aux alentours. Ce fût très instructif. Je décide donc de rappeler Mr Hiboux.

- Alors, comment s’est passée ton expérience ?

- J’ai oublié de le faire quelques fois, mais j’aime bien cet exercice. Avoir une heure fixe est motivant au final ! Je pense continuer jusqu’au bout des trente jours, et même plus. J’ai découvert une activité qui me plait et que je n’aurais jamais commencée sans ce Kaizen !

- Tu vois, tu es capable d’ancrer une nouvelle habitude par toi-même. Et maintenant tu ne veux même plus arrêter. Tout le monde a une minute par jour à consacrer dans quelque chose qui lui plaît. Et minute par minute, on entreprend des actions que d’ordinaire on n’aurait jamais eu le courage de commencer. Pratique non ?

- Oui ! Merci beaucoup pour ces outils ! Ils me seront très utiles. »

Mr Hiboux reparti et je repris mon chemin dans la forêt. J’arrive alors près d’une clairière tellement grande que je ne vois même pas les arbres de l’autre côté. Dans quelle direction va le chemin ? J’entends un lézard s’approcher :

« Ton chemin reprendra là où les coccinelles t’amèneront. Je t’y attends... »

Puis il se faufile entre les herbes et je le perds de vue. Est-ce une énigme ? J’aperçois en effet des coccinelles dans la clairière, je décide de les laisser me guider jusqu’à enfin retrouver le chemin.

« Bien, tu as réussis à suivre les coccinelles... J’ai une question pour toi : as-tu remarqué les libellules qui dansent tout autour des coccinelles ? Regarde-les maintenant. Surprenant non ?

- Oh ! J’étais tellement concentrée sur les coccinelles que je n’ai pas vu le reste.

- Oui, tu utilisais l’attention sélective.

- L’attention « sélective » ? Parce qu’il y a plusieurs types d’attentions ?

- Au moins trois ! Mais d’abord, sais-tu ce qu’est l’attention en général ?

- C’est le fait de donner de l’importance à certaines de nos perceptions plutôt qu’à d’autres.

- Tout juste. Par exemple, à cet instant, tu prêtes attention à mes paroles. Tu n’as pas conscience que ton cerveau traite d’autres perceptions comme les couleurs dans ton champ de vision. Et maintenant que tu y penses, tu as l’impression de découvrir ces couleurs. C’est un peu comme avec les libellules ! L’attention te permet de réagir efficacement par rapport à tes perceptions. C’est aussi la première étape de l’apprentissage.

- D’accord ! Et c’est quoi les trois types d’attention ?

- L’attention est « sélective » si elle ne se concentre que sur un sujet, en ignorant les autres perceptions, elle est très performante pour l’apprentissage. Ensuite l’attention est « soutenue » lorsqu’on reste concentré longtemps sur un sujet.

- Celle-là paraît plus difficile !

- Oui elle demande beaucoup d’énergie. Enfin, l’attention est « partagée » quand on essaie de se concentrer sur plusieurs choses à la fois. En réalité, on saute rapidement d’une perception à l’autre. Cela permet de capter la globalité, mais pas tous les détails. Faisons un petit test d’ailleurs : essaie d’écouter ce que je dis et le chant des oiseaux en même temps, puis répète mon histoire. »

Lézard me raconte alors une petite histoire, que j’écoute au mieux en même temps que la mélodie des oiseaux. Puis j’essaie de répéter cette histoire.

« Tu vois ce n’est pas si facile, il te manque des détails et la mélodie des oiseaux est approximative. C’est un genre d’attention qui demande de l’entraînement.

- Oh ! L’attention c’est important ! Mais comment être efficace ?

- D’abord, choisis le type d’attention en fonction de ton activité. Ensuite, mets-toi dans de bonnes conditions par rapport à tes habitudes, tes émotions et ta santé. »

Je remercie Lézard pour cet enseignement avant de reprendre mon chemin. Et dire qu’on peut jongler avec l’attention, et changer notre perception de l’environnement ! J’arrive alors devant une structure de hauts buissons ressemblant à un labyrinthe. Sur le côté, un panneau dessine le chemin jusqu’à la sortie. J’observe le chemin à suivre et je m’élance. Au bout de quelques croisements, je suis perdue ! Tous les buissons se ressemblent. J’appelle alors Mr Hiboux, lui saura m’aider. Il arrive après quelques minutes et me guide depuis les airs.

« Merci ! Mais tu m’as ramené au point de départ.

- Oui ! Je te propose de réessayer.

- Mais le plan s’est embrouillé dans ma tête. Comment cela se fait-il ? J’avais pourtant pris le temps de le mémoriser. J’ai une si mauvaise mémoire que ça ?

- Ne t’inquiète pas. Ce n’est pas de ta mémoire dont il s’agit, mais plutôt de tes techniques de mémorisation. C’est ce qui permet d’ancrer des informations dans tes mémoires en créant des connections un peu partout dans le cerveau, comme des chemins que notre esprit crée puis suit pour retrouver l’information.

- Dans mes mémoires ? Ah oui, j’ai entendu parler des mémoires à court et à long terme.

- Tout à fait. Et il en existe même trois. La première est « immédiate », liée aux perceptions sensorielles. Elle dure environ une seconde. Si on porte attention à cette perception, l’information arrive dans la deuxième mémoire «  à court terme ». Elle permet de retenir environ sept éléments pendant vingt secondes. Ensuite avec répétition, l’information peut passer dans la troisième, la mémoire à « long terme ». Celle-ci est illimitée et regroupe à la fois les informations conscientes et inconscientes comme les réflexes et habitudes.

- Donc mémoriser, c’est faire passer les informations d’une mémoire à une autre ! Mais concrètement, je fais comment pour apprendre le long plan compliqué du labyrinthe ?

- Après avoir compris ce que tu veux apprendre, il y a plusieurs méthodes comme synthétiser, hiérarchiser, visualiser une histoire, expliquer ce que tu viens d’apprendre à d’autres... La clé c’est de répéter. Avec ça tu peux dire adieu aux oublis !

- Je pourrais créer une mélodie ! Un son grave pour tourner à gauche, un son aigu pour tourner à droite et une pause pour aller tout droit. »

Sur les conseils de Mr Hiboux, je compose ma mélodie que je récite plusieurs fois avant de m’engager dans les buissons. Je traverse le labyrinthe en un éclair !

« C’est vraiment efficace ! Merci, je commençais à croire que j’étais nulle.

- Ne dis pas ça ! Ce n’est qu’une croyance.

- Une croyance ? Que veux-tu dire ?

- Croire c’est adhérer à des idées non démontrées, indépendamment des faits. Les croyances sont les pensées qu’on entretient et qui finissent par définir notre réalité. Elles peuvent être conscientes, inconscientes, limitatives ou constructives.

- Mais la réalité est basée sur des faits concrets, non ?

- Oui et non. Nos croyances sont basées sur nos expériences. On interprète en fait ces expériences en fonction de nos émotions, ce qui donne nos croyances. Ensuite, notre cerveau va inconsciemment chercher à confirmer ces croyances.

- Comment est-ce qu’on prouve cela ?

- En fait, nous focalisons notre attention sur des faits compatibles avec cette croyance, et nous ignorons ou nous déformons tout ce qui la contredit. Par exemple si tu croises une abeille qui danse autours d’une belle fleur, tu te dis que les abeilles sont agréables à admirer. Quand tu en recroiseras une, tu iras encore la regarder. Si l’une d’entre elles te pique une première fois, tu penseras qu’elle a juste eu peur. Mais si l’expérience se renouvelle plusieurs fois, tu te diras que les abeilles sont dangereuses. Et à chaque fois que tu en verras une tu seras sur tes gardes.

- Oh d’accord c’est compliqué tout ça. En fait on vit en fonction de nos croyances, et on se focalise sur ce qu’on croit, et notre croyance parait encore plus réelle !

- Tout à fait ! C’est comme un filtre de la réalité. Toutes nos perceptions passent à travers ce filtre et sont interprétées de manière à valider ces croyances. Ce peut même être pour des choses très simples comme penser que « le ciel est bleu ». Mais elles ne sont pas toutes aussi anodines. Certaines sont très destructrices, comme penser qu’on est nul.

- Tu veux dire que si je pense que je suis nulle, je ne me concentre que sur mes échecs, et pire je pourrais les attirer ? Comment est-ce que je peux changer cela ?

- Pour changer ces croyances, il faut d’abord en prendre conscience comme tu viens de le faire. Elles sont tout ce qui te paraît vrai. Ensuite, choisis celles sur lesquelles tu veux travailler. Montre à ton cerveau qu’elles sont fausses en cherchant des contre-exemples. En même temps, crée-toi des croyances positives qui les remplaceront. Par exemple, observe des abeilles qui butinent calmement si tu les penses agressives.

- Je ne pense pas que ce soit toujours si facile !

- Tu as raison, ce peut être long et douloureux à cause de certaines émotions et blessures. Mais au final c’est très bénéfique. Pour t’aider tu peux utiliser les « affirmations positives ».

- Les affirmations ? Il suffit de parler ?

- Oui ! Répète une affirmation positive jusqu’à ce qu’elle devienne une habitude. Tu peux aussi te visualiser accomplissant des objectifs, essayons !

- D’accord. J’ai l’intention de croiser des papillons bleus pendant cette balade ».

Nous nous promenons quelques minutes et je suis impressionnée par la quantité de papillons bleus que j’aperçois !

« En réalité, cette technique joue avec ton attention et te permet de voir ce sur quoi tu te focalises. Tout est lié dans le mental, et c’est cet ensemble qui crée nos habitudes et notre vie quotidienne.

- Je comprends ! C’est rassurant de réaliser que nos limites ne sont que des croyances et qu’on peut toujours s’améliorer ! »

Mr Hiboux s’envole et je repense à tout ce que je viens de comprendre sur mon propre fonctionnement. Quelle bonne surprise ! Je reprends mon chemin dans la forêt vers de nouveaux enseignements. Toute histoire commence un jour, quelque part, et qui sait où celle-ci m’ emmènera !