Depuis le temps que je vis chez les Indiens algonquins, j’ai fini par leur ressembler. Je m’habille comme eux, je mange comme eux, je parle leur langue. J’ai appris à poser des pièges et à ... [+]
L'île avait emmagasiné toute la chaleur de l'été et retrouvé le calme des arrière-saisons. Le vent qui soufflait depuis plusieurs jours était tombé, la plage était déserte, la mer me tendait les bras. Je m'apprêtais à aller nager quand une voix murmura dans mon dos : « Un dernier bain ? » Surpris, je me retournai. Une jeune femme chauve, entièrement nue, se tenais assise devant moi dans la position du lotus. Ce n'est pas tant sa nudité qui me troubla que l'abondance des tatouages qui recouvraient son corps. Ils formaient un entrelacs de feuillages, de lichens et de laminaires se terminant par des fleurs en corolles. La belle inconnue vit mon trouble, me sourit, puis, sans un mot, se mit debout avec grâce et se dirigea vers l'eau dans laquelle elle pénétra à reculons.
Elle avait atteint les bouées de la première ligne de mouillage quand elle me fit signe de la rejoindre. En quelques brasses je fus à sa hauteur. Il devait être midi au soleil et la température était incroyablement douce. Le courant était portant. Je lui proposai de rejoindre la pointe rocheuse qui fermait la baie où nous étions. Je me flatte d'être un assez bon nageur mais je n'étais qu'un amateur à côté de ma jolie baigneuse. Ses mouvements s'enchaînaient avec une régularité de métronome. L'eau semblait glisser sans remous le long de son corps. Parfois elle plongeait et disparaissait un long moment pour mieux réapparaître là où je ne l'attendais pas. A mesure que nous avancions, sa peau devenait peu à peu translucide et, sans être totalement transparente, laissait passer la lumière. Les tatouages qui m'avaient semblé bien sombres quand elle était assise sur le sable, prenaient des teintes multicolores avec des dominantes de bleu et de vert du plus bel effet.
Je crois que je fus le premier à voir les méduses. Elles étaient petites, de couleur jaune, avec de longs filaments sous leur ombrelle. Ce n'était pas une espèce habituelle dans nos eaux et je mis en garde ma belle nageuse contre leurs brûlures. Bien entendu, elle ne tint aucun compte de mon avertissement et se précipita aussitôt vers le banc des méduses. Je la suivis du regard et assistai alors à un étrange ballet. Elle nageait sans crainte et sans effort apparent au milieu de ces animaux marins. Elle les prenait à pleines mains, les repoussait parfois du bout des doigts avec délicatesse et semblait insensible à leur venin. Ce jeu aquatique paraissait devoir ne jamais s'arrêter, puis les méduses disparurent aussi vite qu'elles étaient apparues.
Cela commençait à faire un bon moment que nous étions dans l'eau aussi fis-je signe à la jeune femme qu'il était temps de rentrer. Le retour fut plus difficile que prévu. Le courant avait tourné et nous portait vers le large, le vent s'était levé... Je crois que sans son aide je me serais noyé. Balloté par la houle, j'arrivai épuisé sur le sable. Elle sortit à son tour de l'eau, recouvrit sa nudité d'un paquet d'algues et de goémon, posa un baiser sur ma bouche et, sans un mot, regagna d'une démarche lente le haut de la plage. Avant qu'elle ne disparaisse derrière la dune, j'eus le temps de remarquer sur sa hanche droite un tatouage qui m'avait échappé jusque-là. Il représentait une tête de femme, couronnée d'une chevelure explosive, plantée sur un corps de méduse.
Frédéric Barrault
Elle avait atteint les bouées de la première ligne de mouillage quand elle me fit signe de la rejoindre. En quelques brasses je fus à sa hauteur. Il devait être midi au soleil et la température était incroyablement douce. Le courant était portant. Je lui proposai de rejoindre la pointe rocheuse qui fermait la baie où nous étions. Je me flatte d'être un assez bon nageur mais je n'étais qu'un amateur à côté de ma jolie baigneuse. Ses mouvements s'enchaînaient avec une régularité de métronome. L'eau semblait glisser sans remous le long de son corps. Parfois elle plongeait et disparaissait un long moment pour mieux réapparaître là où je ne l'attendais pas. A mesure que nous avancions, sa peau devenait peu à peu translucide et, sans être totalement transparente, laissait passer la lumière. Les tatouages qui m'avaient semblé bien sombres quand elle était assise sur le sable, prenaient des teintes multicolores avec des dominantes de bleu et de vert du plus bel effet.
Je crois que je fus le premier à voir les méduses. Elles étaient petites, de couleur jaune, avec de longs filaments sous leur ombrelle. Ce n'était pas une espèce habituelle dans nos eaux et je mis en garde ma belle nageuse contre leurs brûlures. Bien entendu, elle ne tint aucun compte de mon avertissement et se précipita aussitôt vers le banc des méduses. Je la suivis du regard et assistai alors à un étrange ballet. Elle nageait sans crainte et sans effort apparent au milieu de ces animaux marins. Elle les prenait à pleines mains, les repoussait parfois du bout des doigts avec délicatesse et semblait insensible à leur venin. Ce jeu aquatique paraissait devoir ne jamais s'arrêter, puis les méduses disparurent aussi vite qu'elles étaient apparues.
Cela commençait à faire un bon moment que nous étions dans l'eau aussi fis-je signe à la jeune femme qu'il était temps de rentrer. Le retour fut plus difficile que prévu. Le courant avait tourné et nous portait vers le large, le vent s'était levé... Je crois que sans son aide je me serais noyé. Balloté par la houle, j'arrivai épuisé sur le sable. Elle sortit à son tour de l'eau, recouvrit sa nudité d'un paquet d'algues et de goémon, posa un baiser sur ma bouche et, sans un mot, regagna d'une démarche lente le haut de la plage. Avant qu'elle ne disparaisse derrière la dune, j'eus le temps de remarquer sur sa hanche droite un tatouage qui m'avait échappé jusque-là. Il représentait une tête de femme, couronnée d'une chevelure explosive, plantée sur un corps de méduse.
Frédéric Barrault
J'ai trouvé très poétique le ballet qu'elle exécute dans l'eau avec ses congénères ainsi que le passage sur la translucidité de son corps.
Un bel imaginaire qui m'a fait voyager et rêver!