Inlassablement elle avait consulté des archives, visionné des tonnes de photos et compulsé des pages et des pages de journaux. Pour finalement retrouver sa trace. Il avait changé de milieu et de nom, mais elle en était sûre : c'était bien le même que sur cette photo de jeunesse, les cheveux blanchis, la silhouette à peine empâtée sous son blouson vintage.
Il avait encore une certaine classe.
Avec une bande de soixante-huitards, ils défrayaient la chronique de Louvain, avec leur habitat de retraite alternatif. La presse s'était emballée pour cette autre « maison des babayagas », belge...et mixte ! une ambition d'harmonie intergénérationnelle et de partage dans la cité, rien que ça !
L'article louait leur dernière initiative, une parodie du célèbre jeu de la RTBF ouvert à tous et animé par les résidents dans la grande salle des fêtes derrière la cathédrale.
Il restait quelques sièges libres, au tout premier rang. Parfait.
Evidemment, il paradait dans le rôle d'animateur.
- Et maintenant la question du public, elle nous a été adressée par cœur-de-coton : qu'est-ce qu'un anachorète ? Je vous propose trois réponses, à vous de faire preuve de discernement.
- une plante de la famille de la corette, dont les fibres ont servi à fabriquer la corde avec laquelle a été pendue Ann Cotton.
- un juron du capitaine Haddock, au même titre qu' anacoluthe, utilisé dans « Le crabe aux pinces d'or » ou écornifleur, dans « Le secret de la Licorne »
- ou, comme l'indique son étymologie grecque anakorêtes « qui se retire », une méthode de contrôle des naissances des années 60 à l'efficacité contestable.
Non, mais quel culot !
Je savais viser. Il reçut la tarte en pleine figure, de la crème dégoulinait sur ses cheveux, son menton, son costume. Il me regarda, hagard.
- Qu'est-ce qui vous a pris ?
- Tu peux me tutoyer, papa, lui répondis-je .