La quête du dépassement de soi

Toute l'histoire commence un jour, quelque part, où on meurt plus vite du désespoir que d'Ebola.

 

Nous étions une centaine de jeunes. Deux cents. Trois cents. Quatre cents et poussière. Peut-être. Le nombre exact. Je ne sais. Mais. Nous étions une marée de jeunes. En tous cas. Nous étions des jeunes Africains. Guinéens. Maliens. Sénégalais...Sans distinction. Distinction d'ethnie aucune. Ce jour-là. Un lundi. Enfin. Je crois. Face à une mer agitée. À emprunter. Emprunter une pirogue. Une pirogue prête à braver les vagues. À bord. De jeunes gens. Venus de différents horizons. Chacun pour les mêmes raisons. Nous étions des jeunes qui avaient cessé de vivre et qui difficilement survivaient.

 

Pourtant plus d'une décennie, le poison de l'avidité s'était glissé dans les veines des dirigeants africains. Le système de gouvernance de nos pays laissait à désirer. La corruption à sa sommité. L'insécurité à son paroxysme.

 

Dans mon pays

La Guinée. Un pays de l'Afrique subsaharienne. Où. L'école qui depuis paraissait le meilleur moyen de réussite, avait commencé à perdre son effet prometteur. D'autant plus que les fruits accouchés par les universités devenaient de plus en plus incomestibles. L'employabilité subsidée et les quelques emplois qui difficilement s'exhumaient étaient à rémunération faible ou presque insignifiant. Manger à sa faim, était pour cette population. La population de ce pays, un souvenir antédiluvien. La vie devenait chère. La vie devenait de plus en plus chère. La réalité refusait de nourrir les jeunes d'espoir. Le travail s'était voilé dans le noir. Le bonheur s'était abstenu de nous tenir compagnie. Le désespoir nous avait envahit. La corruption prospérait. Les espoirs désespéraient. Nos rêves s'étaient lassés. La joie de nos cœurs ne cessait de se détacher. Nos diplômes n'avaient plus de valeur. Nous étions à majorité chômeur. Aux besoins de la famille, on ne pouvait pas subvenir. Nous croyions avoir plus de souvenirs que d'avenir. La pauvreté dominait. On se mentait pour vaincre la famine. Nous étions des jeunes diplômés mais personne ne faisait crédit à nos talents et l'opportunité de voir la lumière au bout du tunnel nous était interdite par impécuniosité.

 

Dans mon pays, le choix des jeunes était limité.

Pour me libérer de cette misère, je ne doutai pas de donner cher. Pour mes parents qui depuis ne cessaient de m'épauler, c'était mon tour de leur rendre l'ascenseur.

 

En janvier. Enfin. Je crois. Je me décidais. Émasculé. Crispé. Énervé. Horripilé. Exaspéré. Parce que. Désespéré. Tourmenté. Déboussolé. Oublié.

Prêt à partir, sans regarder derrière, pas une fois. J'ai quitté ma famille pour des lendemains meilleurs avec foi allant à la recherche. La recherche de la richesse. Celle qui me délivrera. Qui me permettra de bien vivre.

Je suis parti sans dire " Au revoir ", espérant qu'un jour on va se revoir .

Je suis parti, ce n'était pas par envie mais c'était pour une question de survie.

Je suis parti parce qu'il n'y avait plus rien à attendre.

Je suis parti parce que je voulais une meilleure vie pour ma famille.

Je suis parti parce que je voulais échapper à la famine.

Il n'est plus un secret pour personne qu'on est mieux servi que par soi, bien on est chez soi.

Mais quand on est rattrapé par la réalité, souvent on est obligé de remettre en cause certains choix. Partir loin de ma famille, n'était pas mon ambition mais la réalité me laissait peu d'options.

 

Pour une réussite rêvée, je me suis armé de courage pour défier la Méditerranée et ses vagues qui souvent sont énervées.

Le parcours est long, périlleux et ennuyeux.

Je prends le risque, dites aux miens que je leurs aimes, tout ça c'est pour eux.

Beaucoup y sont passés mais peu s'en sont sortis.

Les chiffres sont biaisés, beaucoup sont amortis.

Beaucoup vivent le martyre mais il y a pleins qui rêvent de partir.

 

À 22h, sur une mer sans fin, nous nous embarquâmes, apeurés à voir l'étendue de l'eau mais chacun pour ses envies personnelles, arriva à vaincre cette peur.

En pleine mer, criant tous au bonheur; nous étions parfois privés de l'usage de nos langues.

Quand à chaque fois l'appareil tangue.

Plus d'une fois la cruauté de ces vagues m'a assiégée mais je suis resté débout.

Pour cette famille qui m'attend, je devrais aller jusqu'aux bouts

Quelque fois la peur s'emparait de moi.

Mais j'ai su la surmonter pour l'envie d'avoir les étoiles aux bouts des doigts.

Pour cette famille qui m'attend.

Ma détermination se renforçait à chaque instant

Nous voilà plus de provisions, plus d'eau potables et loin de la terre.

La chaleur harcelait et nous ne pouvions nous désaltérer.

Certains s'affaiblissent par contre d'autres résistent.

Mais la nature veut qu'on désiste.

La soif nous tourmente et par manque d'eau potable, nous étions obligés de boire l'eau salée pour se désaltérer.

Certains pour des jours et des nuits sans manger, moururent et cela m'a trop atterré.

Comment enterrer ces corps ? Il fallait, pas par cruauté ; les jeter à la mer.

A voir cela, mes larmes coulèrent à la place de leurs mères.

Ce jour, je compris que : Accepter de vivre c'est souffrir.

Parce que vivre c'est accepter de mourir.

Et mourir c'est souffrir.

Le pire, personne pour te secourir.

 

Le jour on avait de compagnon que ; sur nos têtes, cet ardent soleil.

La nuit, le beuglement des vagues interrompait nos courts sommeils.

Parfois la mer se calmait et comme par pitié, nous laissait avancer. Parfois elle s'énervait et nous poussait sans succès à renoncer.

 

Après des jours et des nuits de lutte Voilà, un son qui résonne comme celui de la flute.

Là-bas, loin on aperçoit un oiseau Essayant de nous souhaiter la bienvenue et que nous n'étions plus loin de la terre.

 

Terre en vue de loin, je poussai un soupir.

La joie se veut révéler mais voilà que commence le pire.

Sans passeport ni visa ; pour échapper aux tirs de la police, il fallait qu'on nage.

Parce que la générosité et l'hospitalité leur semblent d'un autre âge.

 

Le hic c'est qu'on avait plus de force pour nager.

A cause des jours passés sans manger.

Mais Dieu dans son immense bonté nous livra à une police accompagnée de médecins.

Des secouristes qui nous tendirent la main.

Tous transférés dans leur bateau.

Les médecins nous auscultèrent, nous ont donné à manger et de l'eau.

A peine quelques minutes, le bateau s'est accosté et nous étions sur la terre promise.

Sur le quai ; en attendant, ils nous ont dotés chacun d'un pantalon et une chemise.

Du quai dans un camp, où des examens et tas de questions nous attendaient.

Chacun devrait se faire recenser, dire son nom, le pays dans lequel il provenait....

Un interminable interrogatoire. Etait-ce une prison ? Le doute estompa de mon esprit, la raison.

 

J'étais tracassé par l'idée d'être rapatrié.

Surtout après une périlleuse traversée.

Mais rien du genre ne me fut proposé.

Plutôt une maison m'attendait pour me reposer.

Dites à ma maman que je vais bien.

Je résiste à la tentation de sombrer dans le mal et cette force c'est de mon père que je tiens.

 

Loin de ma famille, la nostalgie m'attriste.

Surtout la chaleur de ma maman, cette pauvre femme mais au cœur riche.

J'ai commencé à travailler et dans ma quête du bonheur.

Je défends l'honneur

 

Je reviens bientôt !