Par une nuit lugubre, dans une forêt noire,
Alors qu’un loup des bois hurle sinistrement,
Du bout de ses doigts fins... [+]
Crac ; la lumière de la flamme inonda la pièce sombre. A la lueur de son briquet, Alexa avança le plus silencieusement possible. Son souffle s’était réduit à un simple murmure. Ses pieds glissaient sur le parquet ciré. Au bout du couloir, elle hésita à monter les marches d’un imposant escalier en marbre.
Un grincement, et son cœur s’affola. Elle prit une une grande inspiration et, éclairée par la flamme vacillante grimpa lentement les marches de la Maison Hantée...
Tout avait commencé avec ce pari idiot. Elle avait juste voulu montrer qui elle était réellement. Pas celle que les autres lycéens croyaient qu’elle était ; une pauvre petite orpheline peureuse et sans caractère.
En fait c’était de la faute d’Arthur si elle était là, tremblant comme une feuille.
Arthur, le garçon le plus populaire du lycée.
Arthur qui n’avait jamais remarqué sa présence jusqu’à ce matin.
Arthur qui avait dit qu’il se rendrait au bal de fin d’année avec celle qui oserait visiter la Maison Hantée. Le Manoir de Taumur.
Elle se maudissait intérieurement. Être folle amoureuse d’Arthur depuis plus de huit ans suffisait-il pour faire une bêtise pareille ? Personne n’avait jamais pénétré dans cette maison depuis bientôt cent ans. Cent ans de légendes terrifiantes qui couraient dans la ville de Garmage.
Il y a trois cents années de cela, Vlad Taumur, propriétaire de cette maison, aurait été soit-disant connu pour enlever et assassiner des enfants. Aucune preuve n’avait jamais été trouvée contre lui. Personne n’avait jamais réussi à prouver qu’il tuait tous ces innocents.
À sa mort, son esprit se serait échappé de sa tombe. Il serait venu hanter son ancienne demeure.
La légende disait que toutes les personnes s’étant aventurées dans la maison hantée n’étaient jamais revenues.
Mais Alexa savait parfaitement que toutes ses légendes étaient fausses. Elle avait fait des millions de recherches sur ce Vlad Taumur ; c’était seulement un pauvre professeur retraité, reclu dans sa maison car il était terrorisé par la vie extérieure et la foule.
Les soit-disants disparus avaient leur tombe dans le cimetière à côté de la petite église, et étaient enregistrés comme morts de vieillesse ou de maladie.
Cependant les habitants de Garmage restaient crédules et tétanisés par les histoires macabres qui tournaient autour de Vlad Taumur.
La Maison Hantée n’avait jamais été explorée par crainte ou par stupidité.
C’est vrai que la grande bâtisse dont la façade grisâtre était recouverte par un lierre poussiéreux avait de quoi terroriser.
Autre grincement. La jeune fille se retourna brusquement. Elle se suçait nerveusement la lèvre inférieure, en proie à une monstrueuse épouvante.
« Plus que cinq minutes » murmura-t-elle pour se rassurer.
Elle avait juste à aller à la fenêtre tournée vers l’est, agiter son briquet pour qu’Arthur et ses amis la voient et s’enfuir en courant.
La fenêtre était située dans la pièce au bout du long couloir qui se déroulait devant elle.
L’obscurité était opressante. La gorge serrée, les muscles tendus, au bord de la crise de nerfs, elle avala difficilement sa salive et commença à avancer.
Une porte grinça. Elle se retint de laisser échapper un cri. Sa main gauche se ressera autour du briquet dont la flamme commençait à lui brûler le pouce, tandis qu’elle plaçait une main sur sa bouche.
La peur lui tailladait le ventre.
Elle s’immobilisa et jetta un coup d’œil circulaire. Rien ne bougeait. Ce devait seulement être un rat.
Elle frissonna à cette idée et continua sa lente progression.
Un bruit singulier lui fit tendre l’oreille. C’était un bruit familier. Régulier. Inquiétant. Comme un couteau qui hache de la ciboulette. Mais les hachements étaient plus lents.
Elle fronça les sourcils. Le bruit s’était arrêté.
Une ombre se dessina sur le mur à ses côtés. Elle sursauta, fixa le mur ; il n’y avait rien. Juste le fantôme de la flamme.
Son imagination commençait à lui jouer des tours.
Un coup de vent fit claquer une vieille fenêtre en bois.
Elle était arrivée devant la porte de bois de la chambre Est.
Elle fit tourner la poignée. La chambre était plongée dans le noir.
Un vieux lit au fond à droite.
Une table chargée de paperasse poussiéreuse.
C’est tout ce que la lumière que dégageait le briquet lui permettait d’apercevoir.
Mais pas de fenêtre.
La pièce était irrémédiablement fermée à tout accès extérieur.
Elle vérifia plusieurs fois que c’était bien la chambre Est, passa dans toutes les autres pièces de l’étage. Mais rien à faire, c’était bien la chambre dont on voyait la fenêtre du bas de la colline.
Elle restait là, tétanisée, devant le mur hérmétiquement noir.
Soudain, deux mains se glissèrent le long de son cou et les doigts se mirent à se resserer autour de sa gorge.
Prise d’un accès de panique, elle voulut crier, mais aucun son ne sortait de sa gorge.
Elle voulut se retourner, mais elle était incapable de bouger.
Les doigts se resseraient à une lenteur terrifiante, empêchant peu à peu l’air de rentrer dans ses poumons. Des milliers de pensées la traversèrent. Ses mains s’agitaient dans l’air, tentant d’attraper la personne derrière elle, mais elle n’atteignait rien.
Car il n’y avait rien.
Dans le cimetière de l’église, une pierre tombale immaculée se grava lentement : Alexa Madison. 1987-2004.
Sur le registre, une plume invisible inscrivit : Alexa Madison ; décédée dans un accident de voiture.
Quelques mois plus tard, chez la vieille Ramousen...
La vieille femme versa dans la petite tasse de porcelaine un peu de thé fumant et le tendit à sa compagne. Elle s’assit dans son fauteuil moelleux, et poussa un soupir de contentement.
-Tu sais Mireille, commença-t-elle, parfois je me demande bien à quoi sert cette vie...
-Boh, répondit l’intêréssée, pas à grand-chose. A part souffrir.
-Tu exagères Mireille ! s’exclama la vieille Ramousen.
-Eh bien, pense ce que tu veux... Mais en tous cas, il y en a qui n’ont pas de chance. Vraiment pas de chance...
-Oui, reprit l’autre... Quand je pense à cette pauvre petite, parfois...
-Qui donc ? demanda Mireille.
-Alexa ! Alexa Madison !
-Je ne la connais pas... s’étonna Mireille. Qui est-elle ?
-Mais si ! Tu sais, cette petite demoiselle qui est décédée il y a quelques mois, dans un accident de voiture... Sombre affaire que celle-là...
-Ha oui... Pauvre petite. Elle avait fait un pari, c’est ça ?
-Oui, elle devait entrer dans Taumur. J’ai toujours dit à la police que ce tournant devant le manoir était dangereux...
Un grincement, et son cœur s’affola. Elle prit une une grande inspiration et, éclairée par la flamme vacillante grimpa lentement les marches de la Maison Hantée...
Tout avait commencé avec ce pari idiot. Elle avait juste voulu montrer qui elle était réellement. Pas celle que les autres lycéens croyaient qu’elle était ; une pauvre petite orpheline peureuse et sans caractère.
En fait c’était de la faute d’Arthur si elle était là, tremblant comme une feuille.
Arthur, le garçon le plus populaire du lycée.
Arthur qui n’avait jamais remarqué sa présence jusqu’à ce matin.
Arthur qui avait dit qu’il se rendrait au bal de fin d’année avec celle qui oserait visiter la Maison Hantée. Le Manoir de Taumur.
Elle se maudissait intérieurement. Être folle amoureuse d’Arthur depuis plus de huit ans suffisait-il pour faire une bêtise pareille ? Personne n’avait jamais pénétré dans cette maison depuis bientôt cent ans. Cent ans de légendes terrifiantes qui couraient dans la ville de Garmage.
Il y a trois cents années de cela, Vlad Taumur, propriétaire de cette maison, aurait été soit-disant connu pour enlever et assassiner des enfants. Aucune preuve n’avait jamais été trouvée contre lui. Personne n’avait jamais réussi à prouver qu’il tuait tous ces innocents.
À sa mort, son esprit se serait échappé de sa tombe. Il serait venu hanter son ancienne demeure.
La légende disait que toutes les personnes s’étant aventurées dans la maison hantée n’étaient jamais revenues.
Mais Alexa savait parfaitement que toutes ses légendes étaient fausses. Elle avait fait des millions de recherches sur ce Vlad Taumur ; c’était seulement un pauvre professeur retraité, reclu dans sa maison car il était terrorisé par la vie extérieure et la foule.
Les soit-disants disparus avaient leur tombe dans le cimetière à côté de la petite église, et étaient enregistrés comme morts de vieillesse ou de maladie.
Cependant les habitants de Garmage restaient crédules et tétanisés par les histoires macabres qui tournaient autour de Vlad Taumur.
La Maison Hantée n’avait jamais été explorée par crainte ou par stupidité.
C’est vrai que la grande bâtisse dont la façade grisâtre était recouverte par un lierre poussiéreux avait de quoi terroriser.
Autre grincement. La jeune fille se retourna brusquement. Elle se suçait nerveusement la lèvre inférieure, en proie à une monstrueuse épouvante.
« Plus que cinq minutes » murmura-t-elle pour se rassurer.
Elle avait juste à aller à la fenêtre tournée vers l’est, agiter son briquet pour qu’Arthur et ses amis la voient et s’enfuir en courant.
La fenêtre était située dans la pièce au bout du long couloir qui se déroulait devant elle.
L’obscurité était opressante. La gorge serrée, les muscles tendus, au bord de la crise de nerfs, elle avala difficilement sa salive et commença à avancer.
Une porte grinça. Elle se retint de laisser échapper un cri. Sa main gauche se ressera autour du briquet dont la flamme commençait à lui brûler le pouce, tandis qu’elle plaçait une main sur sa bouche.
La peur lui tailladait le ventre.
Elle s’immobilisa et jetta un coup d’œil circulaire. Rien ne bougeait. Ce devait seulement être un rat.
Elle frissonna à cette idée et continua sa lente progression.
Un bruit singulier lui fit tendre l’oreille. C’était un bruit familier. Régulier. Inquiétant. Comme un couteau qui hache de la ciboulette. Mais les hachements étaient plus lents.
Elle fronça les sourcils. Le bruit s’était arrêté.
Une ombre se dessina sur le mur à ses côtés. Elle sursauta, fixa le mur ; il n’y avait rien. Juste le fantôme de la flamme.
Son imagination commençait à lui jouer des tours.
Un coup de vent fit claquer une vieille fenêtre en bois.
Elle était arrivée devant la porte de bois de la chambre Est.
Elle fit tourner la poignée. La chambre était plongée dans le noir.
Un vieux lit au fond à droite.
Une table chargée de paperasse poussiéreuse.
C’est tout ce que la lumière que dégageait le briquet lui permettait d’apercevoir.
Mais pas de fenêtre.
La pièce était irrémédiablement fermée à tout accès extérieur.
Elle vérifia plusieurs fois que c’était bien la chambre Est, passa dans toutes les autres pièces de l’étage. Mais rien à faire, c’était bien la chambre dont on voyait la fenêtre du bas de la colline.
Elle restait là, tétanisée, devant le mur hérmétiquement noir.
Soudain, deux mains se glissèrent le long de son cou et les doigts se mirent à se resserer autour de sa gorge.
Prise d’un accès de panique, elle voulut crier, mais aucun son ne sortait de sa gorge.
Elle voulut se retourner, mais elle était incapable de bouger.
Les doigts se resseraient à une lenteur terrifiante, empêchant peu à peu l’air de rentrer dans ses poumons. Des milliers de pensées la traversèrent. Ses mains s’agitaient dans l’air, tentant d’attraper la personne derrière elle, mais elle n’atteignait rien.
Car il n’y avait rien.
Dans le cimetière de l’église, une pierre tombale immaculée se grava lentement : Alexa Madison. 1987-2004.
Sur le registre, une plume invisible inscrivit : Alexa Madison ; décédée dans un accident de voiture.
Quelques mois plus tard, chez la vieille Ramousen...
La vieille femme versa dans la petite tasse de porcelaine un peu de thé fumant et le tendit à sa compagne. Elle s’assit dans son fauteuil moelleux, et poussa un soupir de contentement.
-Tu sais Mireille, commença-t-elle, parfois je me demande bien à quoi sert cette vie...
-Boh, répondit l’intêréssée, pas à grand-chose. A part souffrir.
-Tu exagères Mireille ! s’exclama la vieille Ramousen.
-Eh bien, pense ce que tu veux... Mais en tous cas, il y en a qui n’ont pas de chance. Vraiment pas de chance...
-Oui, reprit l’autre... Quand je pense à cette pauvre petite, parfois...
-Qui donc ? demanda Mireille.
-Alexa ! Alexa Madison !
-Je ne la connais pas... s’étonna Mireille. Qui est-elle ?
-Mais si ! Tu sais, cette petite demoiselle qui est décédée il y a quelques mois, dans un accident de voiture... Sombre affaire que celle-là...
-Ha oui... Pauvre petite. Elle avait fait un pari, c’est ça ?
-Oui, elle devait entrer dans Taumur. J’ai toujours dit à la police que ce tournant devant le manoir était dangereux...