« Il a encore mal au ventre ! »
Thomas a entendu sa mère chuchoter cela à son père. D'habitude, c'est à son oreille qu'elle murmure. Des mots d'amour. Des mots de rêves. Des
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Elle avance, les yeux baissés. Cela fait des années qu'elle n'ose plus croiser le regard des autres. Parce qu'elle sait ce qui s'y trouve, dans leurs yeux. Le mépris. La moquerie. Ou pire, peut-être, la pitié. C'est déjà pas facile de les entendre ! Ça, même si elle se force, elle n'y parvient pas. Elle ne parvient pas à arrêter leurs mots. Pourtant, elle essaye. De toutes ses forces. Elle se récite des vers. Ceux de Verhaeven, qu'elle aime tant. Elle tend à se perdre dans les labyrinthes de ses villes tentaculaires, parce qu'ici, dans son village, c'est elle qui ne respire plus, perdue, dans ces rues.
Pourtant, elle les connaît ! Elle les emprunte depuis qu'elle est gamine. Trottinant près de sa grand-mère. Celle qui lui a appris à aimer la poésie.
Ici, plus de poésie ! Seulement des mots ! Qui claquent. Qui frappent. Qui la piétinent. Ces maux qui la brisent, chaque jour, un peu plus.
Deux mots honnis. La grosse !
La grosse, c'est elle. L'obèse ! La baleine ! Que n'a-t-elle entendu ?
Les gamins, qui jouent et qui s'arrêtent, pour la voir passer, pour la voir suer. S'ils pouvaient s'arrêter un jour ! S'arrêter de parler, continuer de jouer ! Quelques instants auparavant, ils étaient des héros, des flics, des voyous ; mais, là, soudain, ils ne sont plus que des regards et des mots.
La grosse !
Les enfants, elle peut comprendre ! Ils ne savent pas encore, eux, que ça fait mal.
Ils ne savent pas encore la douleur des mots. Mais, leurs parents, eux, ils savent...
Ils savent qu'on ne le crie pas ; mais leurs chuchotements, à peine soufflés, sont plus que des hurlements.
Alors, elle avance. Seule avec sa honte.
A la télé, ils disent qu'une grosse peut-être belle. Et, c'est vrai ! Pour les autres. Mais, pas elle !
Ici, dans son village perdu, elle n'est que la grosse. Elle le sait. Mais, elle n'y peut rien.
Quelques pas encore.
Le pire est derrière elle. L'épicerie, où elle ose entrer, chaque mardi. Des fois qu'elle, elle n'aurait pas besoin de manger ! Elle déteste le mardi. La nuit qui le précède, elle ne parvient plus à dormir.
Mais, elle a beau vomir sa honte et son chagrin, sa graisse, elle, ne s'envole pas.
La porte est refermée ! Elle va pouvoir oublier les regards et les cris, les chuchotements et...
Deux yeux. Ils la contemplent. Dans ses yeux-là, elle n'est pas grosse, ni laide. Dans ses yeux-là, elle ne voit que l'amour. Et cet amour-là vaut bien tous les regards humains ! Et cet amour-là, c'est celui de son chien...
Pourtant, elle les connaît ! Elle les emprunte depuis qu'elle est gamine. Trottinant près de sa grand-mère. Celle qui lui a appris à aimer la poésie.
Ici, plus de poésie ! Seulement des mots ! Qui claquent. Qui frappent. Qui la piétinent. Ces maux qui la brisent, chaque jour, un peu plus.
Deux mots honnis. La grosse !
La grosse, c'est elle. L'obèse ! La baleine ! Que n'a-t-elle entendu ?
Les gamins, qui jouent et qui s'arrêtent, pour la voir passer, pour la voir suer. S'ils pouvaient s'arrêter un jour ! S'arrêter de parler, continuer de jouer ! Quelques instants auparavant, ils étaient des héros, des flics, des voyous ; mais, là, soudain, ils ne sont plus que des regards et des mots.
La grosse !
Les enfants, elle peut comprendre ! Ils ne savent pas encore, eux, que ça fait mal.
Ils ne savent pas encore la douleur des mots. Mais, leurs parents, eux, ils savent...
Ils savent qu'on ne le crie pas ; mais leurs chuchotements, à peine soufflés, sont plus que des hurlements.
Alors, elle avance. Seule avec sa honte.
A la télé, ils disent qu'une grosse peut-être belle. Et, c'est vrai ! Pour les autres. Mais, pas elle !
Ici, dans son village perdu, elle n'est que la grosse. Elle le sait. Mais, elle n'y peut rien.
Quelques pas encore.
Le pire est derrière elle. L'épicerie, où elle ose entrer, chaque mardi. Des fois qu'elle, elle n'aurait pas besoin de manger ! Elle déteste le mardi. La nuit qui le précède, elle ne parvient plus à dormir.
Mais, elle a beau vomir sa honte et son chagrin, sa graisse, elle, ne s'envole pas.
La porte est refermée ! Elle va pouvoir oublier les regards et les cris, les chuchotements et...
Deux yeux. Ils la contemplent. Dans ses yeux-là, elle n'est pas grosse, ni laide. Dans ses yeux-là, elle ne voit que l'amour. Et cet amour-là vaut bien tous les regards humains ! Et cet amour-là, c'est celui de son chien...