La chaleur de vivre

Toute histoire commence un jour, quelque part et il y a toujours un moment en notre vie où tout d’un coup bascule. Un événement qui change complètement le cheminement des choses, des sentiments et même des pensées. Et malgré tout, le plus important était d’arriver à le surmonter et de se dire que rien n’arrive au hasard. L’homme devrait tout juste reconnaitre sa fragilité car les difficultés ne visent pas à nuire mais plutôt à instruire. Avec les erreurs on apprend ; avec le temps on comprend.
Le bruit venait de la grande villa; ensuite les cris s’en accompagnèrent. Plusieurs voix résonnaient à la fois mais ce fut celle de l’oncle Ben qui se faisait le plus entendre. Plus la voix s’approchait, plus j’écoutais ce qu’elle contenait comme paroles. A ce moment, je sentis la présence de mon père dans la cour et qui cherchait à savoir ce qui se passait pour que son frère ne réagisse de cette façon envers lui ce beau matin. Ce dernier ne voulut rien entendre de ce qu’il pouvait dire. Et avec sa femme et ses enfants, les aînés surtout, ils se mirent ensemble à crier sur mes parents. Que se passait-il ? J’étais dans la douche et arrivé à un moment je fus obligé de la quitter sans avoir terminé ce que je faisais, les mousses de savon sur certaines parties de mon corps. Et pourtant nous étions en pleine rentrée scolaire. Sans perdre de temps, je regagnai notre chambre puis je me contentai de suivre la scène depuis la fenêtre. Ma mère ne comprenait plus rien de ce qui se passait. Alors que tout était calme ce matin, les crises de mon oncle vinrent troubler l’ambiance qui y régnait. Sa femme traitait ma mère de sorcière comme quoi elle allait lui trancher la tête. Ah ! Ma mère cette femme débonnaire remplie de générosité, cette femme magnanime qui dès son arrivée dans cette maison a su faire d’eux sa famille, elle qui a toujours été là pour elle-même pendant ses accouchements; et maintenant ce fut elle qu’on osa traiter de tous ces mots écœurants. Elle se dépêcha de rentrer dans la chambre. Je n’avais que onze ans. A ce moment donné de ma vie, je ne l’avais encore jamais vue dans un état pareil ; je ne l’avais jamais vue pleurer autant. Elle les a suppliés d’arrêter ; on aurait dit qu’elle luttait pour respirer sa dernière bouffée d’air. Elle me regarda d’un air triste, s’approcha de moi, m’a serré de toutes ses forces et on a pleuré. Ses larmes on dirait des balles qui touchaient mon corps. Pendant que j’enfilais mes tenues scolaires, papa subissait les insultes et les moqueries de ces êtres qui étaient fiers de ce qu’ils faisaient. Je ne su à quel moment grand-mère sortit de sa chambre. Elle voulut intervenir malgré son âge mais l’oncle l’écarta de son chemin sous le regard furieux de mon père. Personne d’entre nous ne comprenait rien de tout ce qui arrivait à mon oncle jusqu’au moment où il ordonna à mon père de quitter la maison avec sa famille avant qu’il ne revienne du service le soir; au cas contraire la gendarmerie interviendrait et se chargerait de nous mettre au dehors. C’est à cet instant que nous comprîmes ce qu’ils voulaient tous. Mais où aller ? Je n’étais que fils d’un enseignant du secondaire qui venait à peine de décrocher un nouveau boulot dans une société de la place.
En ce lieu de pleurs je ne vis qu’horreur et ombre. Les heures s’annoncent sombre mais je ne connaitrai pas la peur. A ces moments pareils, on arrive à voir quelque chose en nous, qu’ils ne peuvent atteindre, qu’ils ne peuvent toucher, qui est à nous. Il s’agit de l’espoir. Et parfois l’espoir c’est dangereux; ça peut rendre l’âme fou. Mais où il y a de la vie, il y a de l’espoir. Le désespoir le plus dangereux est celui qui marque les premiers instants de notre plus grande peine. C’est ici que ça en a le plus de sens. Je sortis alors de cette maison avec mon sac dans le dos et je me rendis à l’école les yeux remplis de ces larmes si amers. Je débarquai alors dans ma salle de classe avec cet air triste mais je me rappelle avoir été consolé par James ce meilleur ami que la vie m’eut offert. C’était dans ces moments difficiles qu’on reconnait nos véritables amis; ceux qui malgré notre errance, auront guidé notre vie. A la fin des cours je me rendis au domicile d’une tante chez qui on devrait passer la nuit.
Heureux les cœurs qui peuvent vivre car ils ne seront jamais brisés. Sont-ils heureux que ça ? Mais les épreuves et le changement font partie de la vie et on ne comprend pas le sens de cette vie lorsqu’on ne sait pas encore ce que c’est que d’avoir souffert et de s’être remis, d’avoir connu le chagrin puis d’avoir retrouvé l’espoir. Les jours succédèrent les nuits et au bout d’un mois, la vie reprenait son goût habituel. Meurtris par les tribulations, mes parents et moi sommes restés debout bien que blessés. Nous déménageâmes dans un autre quartier où nous fûmes devenus des locataires dans une maison qui comptait en son sein peu de personnes. Et je m’habituai à un nouveau climat de vie puis je parvenais à voir les choses autrement. De son côté, mon père faisait de son mieux pour bien prendre soin de nous et quoiqu’on dise, son cœur était toujours en feu. Quant à ma mère, elle reprit son commerce et tout pouvait aller mieux pour elle. Pendant tout ce temps, nous sommes restés sans nouvelles de l’oncle Ben et de sa famille jusqu’au jour où le téléphone de papa sonna...
Chers lecteurs, la vie nous dresse un magnifique tableau de souvenirs et les bonnes actions peuvent avoir de bons effets. Le lendemain, je devrais me rendre au domicile de l’oncle sur la demande de mon père. J’ai passé toute la nuit à réfléchir et si vous aviez été à ma place, vous aurez fait de même. Dans cette nuit qui m’environna et dans les ténèbres qui m’encerclèrent, je louai les dieux, qu’ils me donnent une âme à la fois noble et fière. Nous serions bien malheureux si nous nous égarions et je ne voulus pas me rebeller. Il sonnait neuf heures du matin. Le ciel azur s’étendait à perte de vue et les rayons de soleil réchauffaient la terre. Devant le portail de la maison de mon oncle, je repensai à ce jour qui m’aura marqué d’une certaine manière. Mais en repensant à ce que ça a pu apporter à notre vie, je compris que cette dernière n’était en quelque sorte qu’un pèlerinage et si on se sentait opprimé il fallait essayer de se relever et de repartir à zéro. Je pris mon calme et j’appuyai sur la sonnerie. Mon oncle m’ouvrit la porte et m’accueillit avec sourire aux lèvres. En un court instant je voulus repartir mais j’étais heureux de le revoir. Je le fixai droit dans les yeux et je me rappelle avoir dit « bonjour mon oncle ».