L’âme sur les vagues

Toute histoire commence un jour, quelque part, mais les belles histoires ne dépendent pas des lieux mais des personnes avec qui nous les vivons. Les lieux paradisiaques renferment souvent les tortures les plus effroyables, la beauté est souvent un artifice qui recouvre la laideur la plus terrible mais je prie pour que ce message que je laisse soit découvert et lu par tous ceux qui y verront leurs noms. Trois jours que ça dure, trois jours que le silence de la nuit, les murmures du vent et de l’océan me stress. L’absence de trois personnes me donne des insomnies. Miwa, leslie, Mory où êtes-vous ?
Bonjour, Bonsoir, non, plutôt salut parce-que je ne sais pas à quelle heure vous lirez ce message. Je m’appelle YA Peter je crois que mon avion à fait un crash pendant que ma famille et moi partions en chine pour les vacances. C’est le vol PK 18 de la compagnie kani air. Je vois des morceaux de métal et des vêtements autour de moi mais aucune vie humaine comme si j’avais été séparé des autres passagers. Je vais un peu bien pour le moment mais mon radius gauche est fracturé et je sens des douleurs à la tête. La forêt qui recouvre l’île sur laquelle je me trouve est trop dense pour que je m’y aventure. Les deux jours de recherche que j’ai fait sur le littoral ne me permis pas de retrouver ma femme, mes enfants et tous les autres passagers. J’espère qu’ils ont eu plus de chance que moi et qu’ils ont été sauvé par les secours. Si ma femme et mes deux rayons de soleil vont bien dites-leur que je les aime et qu’ils sont les plus belles choses que le créateur à bien voulu me donner en ce monde. Dites à mon frère Steve que je lui demande pardon pour tout ce que j’ai eu à lui dire l’année passée en réalité je l’admire pour sa joie de vivre et pour tous les moments que nous avons passé, grand artisan de la personne que je suis devenue je lui dois beaucoup.
A ma mère qui sera surement dévastée j’aimerais que les medias ne s’attardent pas sur mon histoire dans le 20 heure. Je ne veux pas que sa déprime soit plus grande. Je veux plutôt qu’elle garde l’image du fils qui faisait sa fierté. Je repense encore à sa joie lorsque Miwa est née, son premier petit enfant, à son sourire à la remise de mon diplôme de fin d’étude secondaire , à tout le bonheur que seule une mère peut ressentir lorsqu’elle regarde son fils marcher, sourire, parler, grandir, accomplir ses rêves et ses passions. Je me rappelle encore aujourd’hui la première fois que tu as fait mes lacets pour la maternelle, la première fois que tu m’as dit au revoir mon cœur, cette séparation momentanée qui m’a permis de réaliser tant de choses qui t’ont rendus fiers de moi, je me rappelle encore l’odeur du premier gouté que tu as mis dans mon sac. Mes galettes préférées que notre voisine Sandrine grillait spécialement pour moi à midi soit quatre heures avant de sortir parfumer le quartier avec l’odeur de mon insouciance. Maman je t’aime, inutile d’essayer de me répondre si tu vois ce message un jour, parce-que je peux ressentir tous ceux que tu as à me dire. Miwa me l’a fait ressentir alors qu’elle n’avait qu’une minute de vie avant que Mory ne vienne diviser mon cœur en deux.
Le bruit singulier du vibreur de mon téléphone attira mon attention, je croyais l’avoir perdu dans le crash. Qui pouvait essayer de me joindre avec un indicatif que moi-même je ne connais pas ? Tout un tas d’imaginations me passaient par la tête, les raisons de l’appel, l’identité de l’appelant, le contenu du message... Mais ma situation ne m’accordait pas le luxe de faire patienter mon correspondant, je me précipitais avec un peu d’hésitation vers l’origine du bruit. Après avoir soulevé quelques vêtements partiellement brulés, des feuilles de papiers et un morceau de métal je découvris mon téléphone, la chute n’avait eu aucun impact sur lui. je réalisais à cet instant tout ce que j’avais en superflus dans ma maison, les micros ondes, les luminaires, ma deuxième, troisième, quatrième voiture... Quelle est l’utilité réelle des biens que nous possédons ? Nous en servir réellement ou les exposer comme des trophées de notre réussite. Réussite qui nous éloigne souvent de l’essentiel « dire je t’aime quotidiennement à ceux que nous aimons réellement et qui nous donnent l’envie d’avancer et de rester ». Après avoir pris mon téléphone je pus lire « anniversaire Cédric ». Cédric, ce petit de sept ans manquait souvent à Aude mon assistante. J’aurais aimé que ce soit un appel qui me tirerait de la solitude et me sauverait d’une mort certaine, mais non, c’était le rappel d’une mère que j’éloignais bien souvent de son fils, l’espoir avait vite fait place aux remords. Peut-être que je mérite ce qui m’arrive, mais mon funeste destin ne saurait combler tout le mal que j’ai fait.
Aude peut-être que tu verras un jour mes espoirs et mon repenti que je mets sur cette feuille, au-delà de ce que tu peux penser de moi je veux que tu saches que je t’ai entendu annuler des rendez-vous amoureux planifier des programmes entre des nounous et ta maman, je veux que tu saches aussi que je voyais tes cernes et tes angoisses au travers de tout maquillage. Au final je ne suis qu’un homme égoïste mais un homme. Je te dis un grand merci pour tous les sacrifices que tu as fait pour que je sois la personne que je suis devenue. Tu as souvent eu l’impression que nous combattions ensemble et que je gagnais seul. Pour toi je demande une chance au créateur pour pouvoir m’en sortir vivant, pour que plus jamais Cédric et toi ne soyez séparés comme dans le passé. Tu as tout mon respect pour le courage que tu as su me montrer jour après jour.
Le soleil devient une masse rouge inoffensif agonisant, je crois que ma quatrième nuit de solitude arrive, avec elle les murmures des vagues que j’avais appris à écouter, je crois qu’elles me parlent ou plutôt me consolent. J’eus envie de me jeter dans l’océan pour abréger mes souffrances mais l’espoir de revoir mes enfants était plus fort que la volonté de mon corps. La paix et le bonheur sont des quêtes permanentes que nous effectuons avec beaucoup de subjectivités, il est donc raisonnable de ne pas penser détenir le monopole de la vérité et rester ouvert aux suggestions et expériences qui pourraient pourquoi pas changer nos paradigmes. Quelle est la limite de la vérité ? Je crois que ce sujet de réflexion me gardera éveiller toute la nuit.
6H00 l’heure qu’affiche mon téléphone, je n’ai pas pu fermer l’œil de la nuit, pas à cause du sujet de réflexion mais à cause de mon téléphone. J’ai pu revivre l’anniversaire de Mory, revoir le couteau du gâteau trop gros pour ses petites mains m’a fait sourire, revoir Miwa dans sa magnifique robe blanche me rendit fier et triste et je ne pus empêcher mes larmes de tomber mais j’avais toute une île pour pleurer personne ne pouvait entendre mes sanglots. J’ai pu relire le dernier message que leslie m’avait envoyé « Mon prince appelle-moi si l’avion atterrit, il y aura du foufou et tes champignons préférés au déjeuné, je t’aime bisou » j’aimais retrouver les bras de ma femme après chaque voyage, c’est elle ma force, c’est elle ma muse, c’est elle ma moitié. Elle abandonnait à chaque fois ses ouvriers les jours où je devais rentrer. Tant de personnes faisaient des sacrifices pour moi, sacrifices que je percevais souvent comme un droit, loin de les reconnaitre à leurs justes valeurs. Les vidéos de mon téléphone ont réveillé des souvenirs plus anciens et je me suis dit que la fin était proche. J’ai entendu une fois que le film de notre vie défile lorsque la fin est imminente mais les chants très distinctifs d’un colibri porte-épée me tirèrent de mes rêveries. Je ne pus apercevoir le petit animal très vif en couleur, un brouillard très épais enveloppait l’île ce matin pour me permettre tout juste de voir l’encre que je pose sur ce bout de papier que vous verrez peut-être un jour. L’air frais de ce matin me rappelle mon enfance à Bassam avec mes parents. L’immensité de l’océan n’était pas nouveau pour moi je l’ai connu depuis mes cinq ans lorsque papa a été affecté en Côte-d’Ivoire, son pays natal. Les neuf années passé au Kenya en tant qu’analyste financier n’avaient pas altéré son gout pour les mets ivoirien. J’aurais aimé un bon plat de placali ce matin comme papa mais je dois me contenter de bais. Bais que j’irai cueillir ce matin lorsque la visibilité s’améliorera. Ils sont plus savoureux les matins parce-que plus frais. Je crois qu’il me reste encore trois lignes à écrire avant de jeter ma bouteille à la mer. J’espère que mes trois rayons de soleil sont en vie et qu’ils savent que je les aime de tout mon cœur. Papa, mon guide, mon mentor , mon conseiller, même si je te le disais rarement je veux que tu saches que je t’aime et que je suis conscient de tous les sacrifices que tu as fait pour mon épanouissement, mais je veux te demander un de plus. Je veux que tu aies les épaules assez large pour consoler maman, Styve, Eric, Ashley, Naomi et tous ceux qui viendront à la maison parce que tu es mon super héros et tu as plus de force que tous les hommes de la terre.
Je t’aime papa. J’entends des bruits de rotors.